Une chronique drôlement rigolote.
Chronique de Pierre Foglia publiée dans La
Presse, le 17 janvier 2013-01-17
Entre 18 et 24 ans
«Cette chronique, tout comme la précédente,
fait écho à la page Et cetera, qui ferme notre cahier des Arts. Mardi, c'était
les vieux et l'exercice. Aujourd'hui, c'est l'opinion d'un vieux sur les poils.
Demain, on se posera la question: est-ce bien prudent pour les vieux de faire
du cheval, qui va payer si y tombent et si y se cassent quelque chose?
Mais aujourd'hui, les poils. J'ai été élevé
par des femmes, ma mère et mes soeurs, qui avaient du poil sous les bras, pas
seulement parce qu'elles étaient italiennes. Les Françaises de ma rue en
avaient aussi, on ne s'en avisait même pas, elles avaient du poil sous les bras
comme elles avaient des cheveux.
Un jour cependant que notre voisine Mme
Maréchal, en robe d'été, levait les bras, je ne sais plus pourquoi, peut-être
bien pour chanter «haut les mains, haut les mains, donne-moi ton coeur, haut
les mains», je vis bien qu'elle avait les aisselles nues et j'en fus très ému.
Maman! Maman! Mme Maréchal, elle a même pas de poil sous les bras.
On m'expliqua que c'était pour faire comme
les Américaines. D'ailleurs, quand ma soeur s'en est allée en Amérique, c'est
une des questions que je lui ai posées dans une de mes premières lettres: te
rases-tu sous les bras?
À cette époque, tout ce qui nous arrivait
de bien ou de mal était à cause de l'Amérique, il n'y avait pas comme
aujourd'hui des sexologues pour nous expliquer que tout ça, c'était à cause de
la pornographie. Mais on parlera des sexologues une autre fois, et de la sexualité
des vieux aussi, en attendant, envoyez-moi des photos pour m'inspirer.
Quand je suis arrivé au Canada, non
seulement les jeunes filles n'avaient pas de poil sous les bras, mais leurs
mères non plus. Bref, à mon arrivée au Canada, je me suis mis à embrasser les
jeunes filles (et parfois leur maman) sous les bras. Cela s'est su, cela se
disait que rôdait en ville un maniaque de dessous de bras, on en parlait jusque
sur la Rive-Sud et à Laval, et bien sûr à Sorel. Je me suis calmé assez
rapidement, finalement elles étaient toutes pareilles, ces jeunes femmes
glabres des aisselles. Je suis passé à autre chose, je ne me souviens plus
quoi. Ah, si: je me suis marié.
Je n'ai plus jamais reparlé de poils avec
qui que ce soit jusqu'à ce matin, jusqu'à ce reportage dans mon journal préféré
titré «Sous la jupe des filles», avec en exergue, «le retour du poil». En fait,
si j'ai bien lu, un retour timide. L'article est surtout consacré au rasage
intégral chez les jeunes filles, une pratique si répandue qu'une gynécologue de
Sainte-Justine affirme: «Ça fait au moins 10 ans que je ne vois plus de poils
chez les adolescentes. Elles viennent tout juste de lâcher Barbie qu'elles se
rasent déjà le pubis.»
Le phénomène serait mondial. Même en
Indiana. C'est la partie de l'article qui m'a le plus flabbergasté. Des
chercheurs de l'Université de l'Indiana affirment que seulement 12% des jeunes
femmes de 18 à 24 ans ne s'épilent pas le machin. Êtes-vous déjà allé en
Indiana? À Winamac? À Loogootee? À Gas City? À Goshen? À Bluffton? à Tipton? À
Kokomo? Quatre-vingt-sept pour cent des gens de Kokomo ont voté Romney, 91%
pensent qu'Obama est un musulman marxiste, n'empêche que 88% des jeunes femmes
entre 18 et 24 ans de Kokomo se rasent intégralement le minou. Vous ne trouvez
pas qu'on vit une époque qui porte à la rêverie? Vous êtes là, au Grand Union
de Kokomo, au comptoir poissonnerie, vous avez demandé des pétoncles, la jeune
femme qui vous sert vous demande en vous montrant le sac: c'est assez comme ça?
Vous ne répondez pas. Alors elle répète: c'est assez comme ça, les pétoncles?
Oui, oui, mademoiselle, excuse-moi, j'étais ailleurs.
Menteur. Vous étiez en train de vous
demander si elle avait entre 18 et 24 ans.
POUAISIE -
Ai-je dit que je n'aimais pas la
poésie dans ma chronique de mardi? Non, je n'ai pas dit ça. Je n'ai pas dit non
plus, comme me le prête un lecteur, que je n'aimais pas «que la poésie surgisse
hors des poèmes». Je parlais de fabrication poétique. Serais-je plus clair en
remplaçant fabrication par introduction? Pensez à un film, à un roman,
représentez-le-vous sous la forme d'une dinde et la poésie comme la farce que
vous fourrez dans le cul de la dinde. C'est ce que je veux dire. Je n'aime pas
quand on fourre la dinde de poésie.
Si le sujet vous intéresse - la marque du
poétique dans une oeuvre -, essayez le minuscule et néanmoins pénétrant essai
de Jacques Brault sorti en 2011 au Noroît, Dans la nuit du pouème.
LE PLUS GRAND -
Question d'un lecteur:
est-ce que Lance Armstrong est le plus grand tricheur de l'histoire du sport?
Ben Johnson est pas loin derrière, en tout cas, mais si vous me demandez quels
sont mes tricheurs préférés, alors là je n'hésite pas une seconde: l'équipe
espagnole de basket en fauteuil roulant qui a gagné l'or aux Jeux paralympiques
de Sydney. On devait découvrir que 10 des 12 joueurs de l'équipe n'étaient pas
handicapés. J'ai ri, mais ri! Pas sûr que je vais rire autant ce soir en
écoutant Lance Armstrong.
MAXIME -
Mais si, vous savez bien,
Maxiiiiime. Maxime qui est au Japon. Faisait longtemps qu'il ne m'avait pas
écrit, alors il me fait un petit résumé. J'ai eu 27 ans cette année et un bébé.
Je bois moins de bière, je ne fume plus. J'ai reçu deux cols roulés pour Noël.
J'ai rêvé à vous l'autre matin, j'étais chez vous, votre femme est arrivée, une
espèce de Karine Vanasse dans la soixantaine, elle m'a demandé si je n'avais
pas vu son Télé-horaire. Après, j'ai essayé d'ouvrir un pot en verre avec des
anchois dedans. J'ai gossé un moment, pis je me suis réveillé. Bonne année,
monsieur. Si vous le souhaitez, je peux vous envoyer un de mes deux cols
roulés, le jaune. Maxime.»
Ah ! Ces fameux poils qu'ils en font jaser des gens...
RépondreSupprimerJe me souviens du premier film français que j'ai vu et que l'actrice avait du poil sous les bras j'ai fait ouach !
Souris
Bonjour Souris,
RépondreSupprimerC'est vrai que ça fait jaser et écrire. Pourtant, rien de plus naturel...!
Merci pour ton commentaire.