samedi 14 décembre 2013

Le clin d'oeil du chat (7)




Cher Père Noël,

Je sais bien que vous n’existez pas mais je vous écris quand même. Parce que, sachant que tous les enfants qui vous envoient des lettres reçoivent des réponses, je me suis dit que j’aurais plus de chance avec vous qu’avec Dieu. Lui, c’est encore pire : non seulement il n’existe pas, mais il ne répond jamais à son courrier. Remarquez, je ne lui ai jamais écrit, mes parents adoptifs se seraient moqués de moi. Mais si Dieu avait pris le temps de répondre à ceux qui lui écrivent, lui ou quelques-uns des saints qui sont à son service, ça se saurait, n’est-ce pas ?

Mes parents adoptifs ont préféré me dire la vérité dès mon plus jeune âge. Ils tenaient à ce que je sois averti le plus tôt possible que j’aurais tort de croire tout ce qu’on raconte à leur sujet. Je ne peux que remercier mes parents de m’avoir évité une cruelle désillusion lorsque j’aurais appris que les hommes ont inventé Dieu pour se croire moins stupides et qu’ils vous ont inventé, vous, pour faire prospérer une multinationale. Remarquez, je n’ai rien contre le Coca-Cola, je n’y ai jamais goûté.

Vous devez être débordé en ce moment avec tous ces enfants qui attendent de recevoir des jouets ou des friandises, parfois de bons repas, un geste de tendresse, parfois un toit au-dessus de leur tête, parfois une meilleure santé, parfois le silence que procure un coin à l’ombre des bombes et des fusils, parfois juste un bon lit pour dormir ou une couverture pour avoir moins froid.

Je vous en prie, répondez-leur en premier, mes désirs sont moins pressants. Certes, j’aimerais bien manger des croquettes de saumon de temps en temps, avoir un nouveau chien en peluche pour remplacer celui du Dollarama à qui j’ai fait un sort en le mordant, mais ce n’est pas ce genre de besoin que j’ai à combler. Ce que je veux, vous ne pouvez pas me l’offrir, mais peut-être voudrez-vous m’aider même si je ne suis pas un enfant…

J’ai un ami, Ti-Guy, qui ne veut plus rien savoir de moi. Nous étions très proches, nous voyant tous les jours, toujours à nous balader ensemble. Hélas, notre amitié est désormais dans une impasse ! C’est ma faute, c’est moi qui ai commencé, je m’étais mis en colère contre lui, j’ai eu des mots injustes à son endroit. Il faut croire qu’ils avaient un fond de vérité car mes mots l’ont mis à son tour en beau joual vert. C’est pourtant un chat très doux, j’ai dû toucher de vieilles blessures non refermées, je ne le pensais pas aussi susceptible. Et maintenant, je regrette d’avoir appris à écrire.

Bien entendu, je me suis excusé ensuite, je lui ai dit des mots contraires à ceux que j’avais proférés, mais ils n’ont fait que raviver sa colère. Dans son dernier message, mon ami s’est montré confus, il a commencé par écrire qu’il me pardonnait, puis il s’est remis à m’invectiver disant que je lui avais volé son bonheur. Comme si j’avais ce pouvoir de lui ravir un bien aussi intime et aussi précieux que le bonheur. Il y avait plusieurs autres erreurs d’interprétation dans son message, je ne les ai pas corrigées, je n’y ai pas répondu, je ne le ferai pas de crainte d’envenimer la situation. Je suis attristé que mes mots aient eu autant d’effet sur lui, je n’arrive pas à m’expliquer qu’un chat aussi évolué puisse leur accorder plus d’importance que tous les autres, si aimables et tellement plus nombreux, qui nous avaient rendus complices.

Ma mère a tenté de me rassurer, me disant de ne pas m’en faire, que si ses sentiments ont été sincères, Ti-Guy, avec le temps, prendra conscience de sa méprise et me pardonnera mon accès de colère. Elle est patiente ma mère, elle attend depuis cinq ans qu’un vieil ami soupe au lait la rappelle. Malheureusement, je ne peux pas attendre autant d’années, il ne m’en reste pas tellement à vivre, j’ai de vieilles articulations, j’ai des absences, je suis dur d’oreille.

Ce que j’attends de vous, je devrais dire de vos lutins puisque vous n’existez pas, c’est qu’ils prennent la peine d’écrire à Ti-Guy. Les lutins doivent avoir l’art de trouver les bons mots, ceux qui consolent, ceux qui réconfortent, ceux qui allègent ou détournent le chagrin, ceux qui creusent des fossettes dans les joues des enfants, ceux qui ramènent la joie de vivre dans les chaumières. Je sais qu’une simple lettre ne rétablira pas nos longues conversations téléphoniques, j’ai fait mon deuil de nos messages joyeux et de nos ronronnements amicaux, mais si vos mots pouvaient lui retirer son ressentiment, s’ils pouvaient l’apaiser et qu’il retrouve enfin son bonheur, je vous en serais infiniment reconnaissant.

Et je ne regretterais sans doute plus d’avoir appris à écrire.

Messidor

Pour en savoir davantage sur le Père Noël :




vendredi 13 décembre 2013

La citation du vendredi




« Je connais un moyen (au moins un)  de rendre l’hiver moins triste, 
c’est de lui donner des couleurs.»

Le chat Messidor

jeudi 12 décembre 2013

La pensée du jour






« La nuit dernière, j'ai eu un rêve magnifique, ne le manquez pas. »

Groucho Marx


mercredi 11 décembre 2013

Le proverbe du jour




« On ne peut admirer en même temps la lune, la neige et les fleurs. »

Proverbe japonais

mardi 10 décembre 2013

Apprendre à vivre avec les hommes




Un des trois touchants témoignages publiés dans le site de Psychologies. com. Pour les lire tous, voir le lien à la suite de l’article.

Mon animal, mon maître de vie

Il y a ce que nous projetons sur eux, tous nos préjugés. Et puis ce qu’ils nous apprennent, dans la vie quotidienne. Nos animaux sont des professeurs de sagesse. Trois artistes nous parlent de ce qu’ils doivent à leurs compagnons de route.

Alexis Gruss, directeur de cirque

« Je ne dresse pas les chevaux, je les éduque. La différence ? C’est le respect, base de toute éducation digne de ce nom. Et respecter signifie s’adapter. J’ai soixante chevaux et soixante méthodes différentes d’éducation ; ce n’est pas au cheval de s’adapter à moi, c’est à moi de m’adapter à lui. C’est cela, respecter. C’est savoir écouter, et pas seulement avec ses oreilles : c’est voir, sentir, toucher, être présent à l’autre avec tous ses sens. Sans cela, rien ne se transmet. La parole ne suffit pas ; il faut l’alliance du mot et du geste. J’en fais l’expérience tous les jours avec les chevaux.

Ce matin encore, Domino, le pur-sang que je montais, n’est pas venu correctement à l’appel, parce que mon toucher n’était pas le bon. Mais cette vérité vaut dans toute relation de transmission. Or, notre époque l’oublie, et cela, à mon sens, explique tant de dérives dans les comportements ; quand le savoir ne passe plus que par la pensée, par le travail intellectuel et passif, il ne peut être véritablement intégré. Car la mémoire a besoin du geste, de l’effort physique, des erreurs commises... C’est la différence entre ce que propose l’enseignant, qui se sert uniquement de l’argumentation pour faire comprendre quelque chose, et le maître, qui parle moins qu’il ne montre le mouvement.

Avec le cheval, il me faut être un maître si je veux véritablement “transmettre”. Et il en devient lui aussi mon maître. Moi, je ne sais rien ou, quand je crois savoir, je m’aperçois que je ne sais rien ; on apprend uniquement dans la rencontre, c’est un mouvement sans fin. Alors, comment résumer en un mot tout ce que j’ai pu découvrir grâce aux chevaux ? Peut-être en disant qu’avec eux j’ai tout simplement appris à vivre avec les hommes. »

lundi 9 décembre 2013

La citation du jour





« Apprends comme si tu devais vivre pour toujours
et vis comme si tu devais mourir ce soir. »
Proverbe tibétain

dimanche 8 décembre 2013

Le clin d'oeil du chat (6)





L’hiver de force

J’ai un billet à écrire et je n’arrive pas à trouver les mots. Messidor est roulé en boule à mon côté, assoupi comme toujours. Il entrouvre un œil et me demande comme s’il m’avait entendue penser :
         -- Tu veux que je t’aide ?
         -- Ah oui, je veux bien. Mais c’est un sujet qui demande un peu de délicatesse et quelques connaissances aussi.
         Il détourne la tête, comme indifférent, et se lèche le flanc avec vigueur. Oups, je crois que je l’ai froissé.
         -- Quel est le sujet de ton billet ? me demande-t-il sans une trace d’agressivité.
         -- La dépression saisonnière et notre besoin d’hiberner.
         -- Ah, c’est l’article du site Psychologies.com*, je l’ai lu moi aussi.
         Le chat de la maison m’étonnera toujours.
         -- Et qu’en as-tu pensé ?
         -- J’ai retenu que les félins s’adaptent mieux à l’hiver que la plupart des humains. Il changent de rythme et dorment davantage. De plus leur humeur reste généralement plus stable; ils s’adaptent à la nouvelle saison, tout simplement. D’autres mammifères, comme les marmottes, préfèrent s’endormir et oublier la grisaille durant quatre ou cinq mois. Tandis que, vous, humains, continuez à courir et à travailler comme des déments.
         -- Oui, c’est vrai, nous avons plus de mal à réagir de façon positive. Au point où certaines personnes dépriment réellement et ressentent l’impérieux besoin de consulter des spécialistes afin de contrer leur déprime.
         -- Tu n’as pas à t’inquiéter, me répond le chat de la maison avec son plus beau sourire, je vais te servir de guide, tu n’as qu’à prendre exemple sur moi.
         -- Euh ! Je veux bien dormir un peu plus longtemps le matin mais pas question que je t’imite en faisant une vingtaine de petits sommes par jour. Ou que je passe des heures à regarder par la fenêtre ...
         -- Tu as tort en ce qui concerne la fenêtre. Non seulement il s’y trouve de bien belles choses à observer, mais c’est une source de lumière indispensable à la bonne humeur. C’est le manque de lumière de cette saison qui serait le plus difficile à supporter, c’est écrit noir sur blanc.
         -- Oui, je l’ai noté, dis-je. Et j’ai aussi remarqué ta tendance à aller à la rencontre de ses rayons dès que le soleil se pointe dans la maison. Tu es un modèle d’adaptation, mon ami !
         Je l’ai vu redresser la tête, pas peu fier de mes louanges.
         -- Mais attends ! Bien que je te reconnaisse toutes tes qualités, je préférerais faire une marmotte de moi, ou un loir ou une chauve-souris, et entrer en léthargie durant tout l’hiver.
         -- Avec quels avantages ?
         -- Je me réveillerais chaque printemps avec six mois en moins. Tu te rends compte, je ne vieillirais que six mois par année, quelle chance ! Et je ne verrais pas un seul flocon de neige… N’est-ce pas extraordinaire ? Si j’avais adopté l’hibernation à un très jeune âge, je n’aurais qu’une trentaine d’années aujourd’hui…
         Le chat de la maison a éclaté de rire.
         --Ton raisonnement est un affront au bon sens et à la science, j’ai bien peur que tu sois tombée dans l’idéalisation d’un état qui n’a rien de régénérateur.
         -- Bon, d’accord, ça peut sembler farfelu. Mais qui sait, c’est peut-être aussi une solution qui mériterait d’être envisagée sérieusement. Je vais en parler à mon amie biologiste, elle aura sûrement des réponses pour moi.
         J’ai hésité une grosse minute avant de poursuivre :
         -- Toutefois, il existe une autre solution que l’article ne mentionne pas.
         -- Ah ? Une autre de tes déductions irréalistes … ?
         -- Non, bien plus simple qu’il n’y paraît, c’est de réagir comme la majorité des oiseaux pour fuir le froid, de s’envoler vers des cieux plus cléments.
         Messidor me fait la sourde oreille. Je le vois s’étirer longuement avant de sauter en bas du canapé et se diriger vers la cuisine.
         Là, j’en suis sûre, je viens de le vexer pour de vrai.
          Je me précipite à sa suite et je verse une bonne portion de croquettes dans son bol.
         Il  me fixe, la mine déconfite, regarde son plat avec dédain, réclame la porte.
         Bon, ça y est, il va prendre son petit baluchon et je ne le reverrai pas avant la nuit.
         Mais il fait trop froid pour sortir, il recule, dépité :
         -- Tu ne vas pas encore me faire ce coup-là ? s’exclame-t-il en s’écartant du bol sans y avoir touché. Vous n’allez pas partir tous les deux comme vous l’avez déjà fait en plein hiver en me laissant nourrir par des mains inconnues !
         Je constate que je n’ai pas trouvé la manière de lui apprendre que nous avons en effet le projet de partir.
         -- Euh, c’était seulement pour vérifier ta faculté d’adaptation...
         Ouf, j'ai les deux pieds dans les plats, comment vais-je pouvoir en sortir et lui annoncer la chose à présent ?
         Et lui d’en rajouter :
         -- Tu sais, les oiseaux ne laissent pas de proches derrière eux quand ils quittent le pays : ils s’envolent en groupe, et c’est toute la famille qui les suit.
         -- Hum, je l’ai constaté aussi.

Misère, c’est un message qu’il m’envoie mais lequel... ? Veut-il partir avec nous ou nous obliger à rester ? Je suis confuse...
Décidément, je n’aurais jamais dû apprendre à lire à mon chat !