samedi 17 septembre 2022

Jour 206 - «L’heure n’est pas à la guerre», dit l’Inde à la Russie


Le premier ministre indien Narendra Modi a déclaré au président russe Vladimir Poutine que l’heure n’était « pas à la guerre », vendredi, en marge d’un sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Samarcande, en Ouzbékistan, selon des images télévisées. 

« Excellence, je sais que l’heure n’est pas à la guerre », a déclaré M. Modi à M. Poutine à Samarcande, au début de leur première rencontre en tête-à-tête depuis l’invasion de l’Ukraine par les forces russes, selon des images diffusées par le radiodiffuseur de service public indien Doordashan. 

Mais M. Modi a toutefois souligné l’importance de « la démocratie, de la diplomatie et du dialogue ».

Les deux dirigeants discuteront de « la manière d’avancer sur la voie de la paix », a ajouté le premier ministre indien. 

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Agence France-Presse, 
 Le Devoir, 16 septembre 2022

vendredi 16 septembre 2022

Jour 205 - L’Europe soutiendra l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire


La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a promis jeudi au cours d’une visite à Kiev que l’Union européenne (UE) soutiendrait l’Ukraine « aussi longtemps » qu’il le faudrait face à la Russie, au moment où les troupes ukrainiennes engrangent des succès. 

Mme von der Leyen s’est entretenue avec le chef de l’État ukrainien, Volodymyr Zelensky, se disant impressionnée par la « bravoure » des forces ukrainiennes sur le front. « Vous aurez vos amis européens à vos côtés aussi longtemps qu’il le faudra. Nous sommes amis pour toujours », a-t-elle lancé aux côtés du président ukrainien. 

L’Ukraine a pour « priorité » de faire partie du marché commun de l’Union européenne, où les biens, les services et les capitaux peuvent circuler librement entre les pays, a de son côté souligné M. Zelensky, dont le pays souhaite notamment augmenter les livraisons de l’électricité à l’UE. Il s’agissait de la troisième visite en Ukraine de Mme von der Leyen, mais de sa première depuis que le pays est devenu candidat à l’entrée dans l’UE. 

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Emmanuel Parisse et Anna Koriagina - Agence France-Presse 
Le Devoir, 16 septembre 2022

jeudi 15 septembre 2022

Jour 204 - Zelensky promet «la victoire» sur les Russes



Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a promis mercredi « la victoire », s’exprimant de la ville stratégique d’Izioum reprise aux Russes, tandis que sa cité natale de Kryvyï Rig était menacée d’inondations après une frappe russe sur des infrastructures hydrauliques. [...] 

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Emmanuel Parisse et Ania Tsoukanova - Agence France-Presse 
Le Devoir, 14 septembre 2022

mercredi 14 septembre 2022

Jour 203 - La Russie compte frapper massivement l’Ukraine


L’armée russe a annoncé mardi des « frappes massives » sur tous les fronts en réaction à la contre-offensive fulgurante des troupes ukrainiennes, que les États-Unis ont qualifiée de « changement d’élan » en annonçant une nouvelle aide militaire « dans les prochains jours ». 

« Je laisse le président Zelensky […] décider s’il a l’impression d’avoir atteint un tournant sur le plan militaire, mais de toute évidence, au moins dans le Donbass (est de l’Ukraine), il y a un élan », a dit John Kirby, un porte-parole du Conseil de sécurité nationale rattaché au président américain, Joe Biden. 

« Vous allez voir un autre (volet d’assistance militaire) dans les prochains jours », a-t-il promis. 

Sur le terrain, les bombardements russes ont fait au moins 8 morts et 19 blessés en 24 heures dans les régions de Kharkiv (nord-est) et Donetsk (est), selon la présidence ukrainienne.  « L’Ukraine enregistre jusqu’à 200 crimes de guerre commis chaque jour par les Russes » sur son sol, a en outre assuré l’état-major ukrainien, ajoutant que « plus de 70 000 km2 dans 10 régions ukrainiennes ont été minés » par les occupants. 

L’état-major a fait état de la poursuite des « pillages » par l’armée russe, précisant que quelque 300 voitures ont été volées dans la région de Kharkiv. 

De son côté, la Russie a affirmé que les militaires ukrainiens se livraient à de dures représailles contre des civils dans les endroits qu’ils ont repris ces derniers jours. 

« Selon nos informations, il y a de nombreuses actions punitives contre les habitants de la région de Kharkiv, des gens sont torturés, maltraités », a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, ajoutant: « c’est révoltant ». 

Mardi, lors d’une réunion de l’état-major, le président ukrainien, Voldymyr Zelensky, a fait valoir que « plus de 4000 km2 et plus de 300 localités ont été libérés. Des mesures de stabilisation sont en oeuvre, et l’offensive se poursuit ». 

« Les forces aériennes, balistiques et l’artillerie russes effectuent des frappes massives contre les unités des forces armées ukrainiennes dans toutes les zones opérationnelles », a de son côté souligné le ministère russe de la Défense. 

Il a en particulier évoqué des bombardements près de Sloviansk, Konstantinivka et Bakhmout dans l’est de l’Ukraine, ainsi que dans les régions méridionales de Mykolaïv et de Zaporijjia et dans celle de Kharkiv, d’où les soldats russes se sont presque totalement retirés face aux avancées ukrainiennes. 

L’offensive russe déclenchée le 24 février va continuer « jusqu’à ce que les objectifs soient atteints », avait répété la veille le Kremlin, selon lequel il n’y a actuellement « pas de perspectives de négociations » entre les deux belligérants. L’Ukraine avait fait état lundi de nouveaux succès militaires, disant avoir atteint la frontière russe et rétabli son contrôle sur l’équivalent de sept fois la superficie de Kiev en un mois. 

« La libération des localités occupées par les envahisseurs russes se poursuit dans les régions de Kharkiv et de Donetsk », a indiqué mardi l’armée ukrainienne. 

Selon le chef adjoint de l’administration présidentielle, Kiril Timochenko, « l’approvisionnement en électricité de la ville de Kharkiv et de toute la région a été rétabli ». 

Appel au « retrait » russe 
Sur le plan diplomatique, le chancelier allemand, Olaf Scholz, a appelé mardi le président russe, Vladimir Poutine, à ordonner le « retrait complet » hors d’Ukraine des forces russes. 

Lors d’un entretien téléphonique de 90 minutes, le dirigeant allemand a « insisté auprès du président russe pour qu’une solution diplomatique soit trouvée le plus rapidement possible, basée sur un cessez-le-feu, un retrait complet des troupes russes et le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Ukraine », selon un communiqué de la chancellerie allemande. 

La première ministre estonienne, Kaja Kallas, et le président lituanien, Gitanas Nauseda, ont également appelé mardi le président français, Emmanuel Macron, à accroître son aide militaire à l’Ukraine, lors d’une conversation téléphonique à l’initiative de Paris. 

Emmanuel Parisse et Dmytro Gorshkov - Agence France-Presse 
Le Devoir, 14 septembre 2022

mardi 13 septembre 2022

Jour 202 - Des avancées, mais toujours peu d’espoir



Pas encore un moment décisif dans la guerre, mais peut-être le premier signe pour l’Ukraine d’un changement de ton dans le rapport de force sur le terrain. 

La rapidité et l’efficacité de la contre-offensive ukrainienne dans l’est du pays depuis quelques jours ravivent désormais l’espoir d’une reprise progressive par Kiev de ses territoires envahis par les forces russes depuis plus de six mois, tout en confirmant au passage l’improvisation de l’opération militaire amorcée en février dernier par le Kremlin. 

Mais, tout en étant « impressionnante », selon plusieurs analystes, cette libération de plusieurs villes et villages des régions de Kharkiv et de Donetsk des mains de l’envahisseur russe est encore loin d’annoncer une victoire pour l’Ukraine, voire la fin d’un conflit. Moscou a encore une fois promis lundi de poursuivre sa guerre d’invasion « jusqu’à ce que les objectifs fixés soient atteints ». La chute du gouvernement de Volodymyr Zelensky et le retour de l’Ukraine sous le giron de la Russie en font partie. 

« Les Russes ont été pris par surprise, mais il va en falloir encore plus pour faire plier Vladimir Poutine », laisse tomber, à l’autre bout du Zoom, l’ex-colonel à la retraite Pierre St-Cyr, qui a été attaché de la Défense canadienne en Ukraine durant le conflit de 2014. 

« La situation devient désormais plus dynamique sur le terrain. L’Ukraine n’a pas gagné beaucoup de terrain, mais assez pour avoir un impact psychologique immense sur sa population et pour affecter le moral de l’ennemi. » 

Lundi, l’état-major des forces armées ukrainiennes a annoncé que ses troupes avaient libéré complètement pas moins de 20 villes occupées par les Russes, au cours des dernières 24 heures, et ce, après des mois de mouvement de troupes peu perceptible sur le champ de bataille. Dans certaines zones, cette contre-offensive ukrainienne a même repoussé l’ennemi « jusqu’à la frontière de la Russie », a indiqué Oleh Syniehubov, gouverneur de la région nord-est de Kharkiv, cité par l’Associated Press. 

Alors que le drapeau de l’Ukraine s’est remis à flotter au-dessus de plusieurs municipalités, les autorités d’occupation de la région de Kharkiv ont indiqué avoir pris la route vers la province de Belgorod, en Russie, près de la frontière, pour officiellement venir en aide aux réfugiés, ont résumé les agences de presse russes, pour justifier ce départ soudain. 

3000 km2 repris 
Au total, l’Ukraine dit avoir repris environ 3000 km2 de son territoire dans les environs de Kharkiv depuis début septembre. C’est à peine 2,4 % des 125 000 km2 de l’Ukraine passés sous le contrôle des forces russes depuis 2014 et après la seconde invasion de février dernier. 

Dans son dernier rapport, l’Institute for the Study of War (ISW), basé à Washington, précise que « les forces russes n’opèrent pas un retrait contrôlé et fuient à la hâte pour échapper à l’encerclement », accentuant l’image d’une armée en déroute. 

« L’Ukraine a fait des progrès impressionnants sur le champ de bataille », note Alexander Motyl, spécialiste de l’Ukraine et professeur de science politique à la Rutgers University de Newark, tout en soulignant l’ironie des récents développements dans ce conflit : « Les troupes russes ont réagi [à l’avancée rapide des Ukrainiens] comme elles espéraient que les Ukrainiens le feraient après l’offensive du 24 février : en jetant leurs armes et en se dirigeant vers les collines », écrit-il dans les pages numériques du site 19FortyFive. 

« La contre-offensive ukrainienne témoigne d’un quintuple échec [pour la Russie] : celui des renseignements russes à anticiper l’offensive, celui de la planification militaire russe pour fortifier ses défenses dans des régions potentiellement vulnérables, celui des troupes russes réticentes à mourir pour ce que plusieurs en son sein considèrent être une guerre stupide et criminelle, celui du peuple russe pour ne pas avoir le courage de sauver ses fils d’une mort certaine, et celui de Vladimir Poutine, qui laisse le travail de la guerre et des combats à un état-major », visiblement dépassé par la situation. 

Les petites victoires ukrainiennes des derniers jours, soutenues par les livraisons d’armes occidentales des derniers mois, ont galvanisé le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, qui, sur les réseaux sociaux dimanche soir, a renoué avec un ton frondeur face à la Russie. « Pensez-vous toujours que vous pouvez nous intimider, nous briser, nous forcer à faire des concessions, a-t-il demandé. Le froid, la faim, les ténèbres et la soif pour nous ne seront jamais aussi effrayants et mortels que votre “amitié” et votre “fraternité”. »

Lundi, l’état-major ukrainien a affirmé que la reprise des territoires occupés avait laissé Moscou sous le choc, incitant même le commandement ennemi à suspendre l’envoi de nouvelles unités militaires en Ukraine. Une information qui n’a pas été corroborée par le Kremlin. « La situation actuelle sur le théâtre des opérations et la méfiance [des soldats russes] à l’égard de leur commandement supérieur ont contraint un grand nombre de volontaires à refuser catégoriquement la perspective d’un service dans ces conditions de combat », a résumé l’armée ukrainienne par voie de communiqué. 

Poutine contesté 
La remise en question de la guerre tend d’ailleurs à s’amplifier un peu plus au sein de la Fédération de Russie, où les élus municipaux de 18 arrondissements de Moscou et de Saint-Pétersbourg viennent de signer un appel à la destitution de Vladimir Poutine. Ils accusent l’homme fort du Kremlin de « haute trahison » pour des actions qui « nuisent à l’avenir de la Russie et de ses citoyens », entre autres. À Saint-Pétersbourg, plusieurs de ces élus ont été rencontrés par la police et devraient être poursuivis pour avoir publiquement « discrédité » l’utilisation des forces armées russes. 

« Ceux qui ont convaincu le président Poutine que l’opération serait rapide et efficace… ces gens nous ont vraiment tous piégés », a accusé pour sa part Boris Nadezhdin, un ancien député, lors d’une émission d’affaire publique à grande écoute du réseau de télévision NTV, dimanche, en Russie, une critique de la guerre de moins en moins contrainte sur les ondes d’une télévision toujours largement contrôlée par le Kremlin. « Nous en sommes maintenant au point où nous devons comprendre qu’il est absolument impossible de vaincre l’Ukraine en utilisant ces ressources et ces méthodes de guerre coloniale. » 

Pour Pierre St-Cyr, bien avant une victoire de l’Ukraine surle terrain, c’est certainement « la situation interne en Russie qui va devenir le facteur déterminant pour mettre fin à ce conflit », et ce, pourvu que cela finisse par aboutir au renversement de Poutine et de son entourage. « Mais, il s’agit d’un dénouement toujours incertain et encore très difficile à prévoir », admet-il.

Le choc encaissé par les forces russes s’accompagnait toujours de l’intensité des frappes. Rien que lundi, la Russie a lancé 5 missiles, plus de 10 frappes aériennes et plus de 20 attaques par roquettes contre des cibles militaires et civiles en Ukraine, a résumé l’état-major des forces armées ukrainiennes. 

À Kharkiv, après s’être attaqué aux infrastructures d’approvisionnement en eau et électricité après le départ de ses soldats, Moscou a dirigé ses frappes de missiles vers le quartier résidentiel de Nemyshlyansky, selon la même source.

En fin de journée, les tensions persistaient entre la Russie et l’Ukraine autour de la ville d’Izioum, un point important d’approvisionnement pour les forces russes. Sa libération complète « serait la réalisation militaire ukrainienne la plus importante depuis sa victoire à la bataille de Kiev en mars », selon l’ISW. 

Avec l’Agence France-Presse 
Fabien Deglise Le Devoir, 13 septembre 2022

lundi 12 septembre 2022

Jour 201- Ukraine, Le tournant ?



Guerre bloquée ? Guerre sans fin ? Peut-être pas…
La percée des quatre derniers jours de l’armée ukrainienne contre les positions russes dans le nord-est du pays, à partir de Kharkiv, peut annoncer un tournant dans la guerre déclenchée il y a maintenant 200 jours par l’invasion russe de l’Ukraine. Peut-être même le bout du tunnel : la paix par la victoire, comme disent les Ukrainiens. 

En visant directement, par le nord, le Donbass, territoire partiellement occupé depuis plus de huit ans (par les « petits bonshommes verts » prorusses qui avaient pris les villes de Donetsk et Louhansk en 2014, avant de procéder à une épuration des populations loyales à Kiev — et il y en avait !), l’armée ukrainienne fait doublement mouche. 

D’une part, elle prend l’armée russe en défaut, grâce à ce qui ressemble à une ruse : annoncer, à partir de la fin juin, à grands coups de tambour (mais aussi de mouvements de troupes), une vaste opération au sud. À savoir : la reprise de la ville de Kherson, aux portes de la Crimée. Et ce, pour forcer l’armée russe (en manque cruel d’effectifs) à se redéployer dans cette zone. Puis, profiter des trous béants dans les fronts ainsi laissés dégarnis au nord-est, pour enfoncer le couteau à une vitesse stupéfiante — précisément ce que l’on voit depuis vendredi. 

D’autre part, en fonçant sur le Donbass, là où tout a commencé, le Donbass russifié auquel, selon certains « réalistes », l’Ukraine aurait dû renoncer, on annonce la couleur : le territoire ukrainien violé par l’armée russe doit être intégralement récupéré — y compris les « conquêtes » russes de 2014. 

Un tel objectif laissait très dubitatifs les observateurs occidentaux qui voyaient se rapprocher — devant un front apparemment « gelé » au Donbass et une Crimée « russe pour l’éternité » — le moment où les amis de Volodymyr iraient chuchoter au comédien chef de guerre : « Bon, là, tu vas t’asseoir et négocier. On ne t’aidera pas indéfiniment. L’Ukraine ne récupérera jamais tout son territoire perdu. » 

Surtout au moment où, à Rome, Berlin et Paris, la crise énergétique, aggravée par l’agression russe, allait refroidir les ardeurs solidaires… et tarir les livraisons de matériel militaire. 

« Taratata ! leur a dit en substance Zelensky. Vous allez voir ce dont nous sommes capables… si vous pouvez encore nous aider un peu. » Ainsi fut dit, ainsi fut fait. Les annonces d’aide renouvelée ont afflué ces derniers jours, au moment même de cette contre-offensive qui laisse bouche bée : des troupes ukrainiennes pénétrant sur 30, 50, voire 70 kilomètres en profondeur, se rapprochant de Donetsk et Louhansk. 

Les blogueurs militaires russes eux-mêmes reconnaissent la débandade, et chialent contre leur armée. 

 Ce bouleversement incite aujourd’hui l’Institut pour l’étude de la guerre (ISW, basé à Londres) à écrire : « La contre-offensive au sud-est de Kharkiv met les forces russes en déroute et fait s’effondrer l’axe de Moscou au nord du Donbass. Les forces russes ne procèdent pas à un retrait ordonné, mais fuient précipitamment la zone pour échapper à un encerclement autour d’Izioum. » Quant à un observateur aussi prudent que Michel Goya, militaire français à la retraite, dont le blogue La Voix de l’Épée analyse finement, avec force cartes et références historiques, cette guerre depuis le début, il écrivait hier : « Il ne s’agit plus de repousser une force ennemie, mais bien de pénétrer en son coeur jusqu’à sa structure de commandement et rendre la force incapable d’un combat cohérent. » Le même répond à Libération, qui lui demande si une reconquête intégrale du territoire devient possible : « On ne peut plus l’exclure. Si les Ukrainiens continuent à être supérieurs tactiquement et numériquement, on ne voit pas comment les Russes pourraient les empêcher d’avancer, même si cette guerre a connu de nombreux rebondissements. 

La plupart des observateurs ont surestimé les capacités des Russes et sous-estimé celles des Ukrainiens. » Derrière ce revirement époustouflant, il y a bien sûr l’aide militaire occidentale, comparable à ce que fut, en son temps, l’aide soviétique soutenue aux combattants nord-vietnamiens… contre un autre impérialisme. 

Mais l’ingrédient essentiel, ce n’est pas cela. C’est la détermination d’un peuple qui refuse les diktats, qu’ils viennent d’un côté (« Négociez ! ») ou de l’autre (« Rends-toi, sous-peuple qui n’existe pas ! »). C’est l’instinct de survie et la disponibilité au combat, massive malgré les souffrances et à cause des souffrances. Alors qu’en face, un reste d’empire qu’on croyait encore bien doté militairement, en manque criant d’effectifs après des pertes immenses, militairement surestimé et incompétent, incapable d’appeler « guerre » une guerre, montre graduellement — mais de plus en plus clairement — à quel point il est nu et vulnérable. 

François Brousseau 
Le Devoir, 12 septembre 2022



dimanche 11 septembre 2022

Jour 200 - Avancée majeure dans le nord-est

Le tournesol est la fleur emblématique de l'Ukraine


(Kharkiv) Dans une percée éclair, Kyiv reprend le contrôle d’une trentaine de villes dans le nord-est. Pris par surprise, Moscou recule. 

Ce qu’il faut savoir: 
. Une contre-offensive de Kyiv a permis de libérer une trentaine de localités et plus de 2000 kilomètres de territoire dans le nord-est, affirme le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky. 

. Pris par surprise, Moscou a annoncé le retrait de ses forces armées autour de Balakleïa et d’Izyum, près de Kharkiv 

. Au sud, les troupes ukrainiennes progressent aussi sur les lignes de front 

Un drapeau ukrainien flottait haut dans le ciel de Koupiansk, samedi. La ville-clé de la région de Kharkiv, occupée depuis des mois, a été reprise aux forces russes, dans une contre-offensive surprise qui a permis de libérer une trentaine de localités et plus de 2000 kilomètres de territoire, en l’espace de quelques jours.

C’est ce qu’a annoncé, samedi soir, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. « Il n’y a pas de place en Ukraine pour les occupants, et il n’y en aura jamais », a-t-il lancé dans une vidéo. 

Début septembre, Kyiv annonçait une contre-attaque dans le sud du pays. Or, dans un revirement inattendu, les troupes ukrainiennes ont accompli des percées majeures dans le nord-est. 

« Personne ne l’avait vu venir, et encore moins les Russes », croit Dominique Arel, professeur à l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire en études ukrainiennes. 

 Pris par surprise, Moscou a annoncé samedi le retrait de ses forces autour de la ville reconquise de Balakleïa et d’Izyum, dont la reprise serait imminente. Selon le ministère de la Défense russe, les troupes seront redéployées vers la région séparatiste prorusse du Donetsk, où la situation est « difficile », a reconnu son dirigeant prorusse. 

Les troupes russes « ont probablement été prises par surprise », a déclaré samedi l’armée britannique. « Le secteur n’était que faiblement tenu », a-t-elle ajouté. D’après l’Institute for the Study of War, l’armée ukrainienne, qui mène une « avancée rapide » dans le nord-est, fait face à des « poches de forces russes désorganisées ». 

« Ces derniers jours, l’armée russe nous montre ce qu’elle a de mieux : son dos. Après tout, c’est un bon choix pour elle que de fuir », a lancé Volodymyr Zelensky. À l’heure actuelle, la négociation avec Vladimir Poutine est impossible, estime son gouvernement. 

« Le meilleur terrain de discussion avec Poutine, c’est le champ de bataille », a lâché le chef de la diplomatie ukrainien, Dmytro Kuleba, au Journal du dimanche. 

Une victoire « spectaculaire » 
Quelles seront les répercussions de cette contre-offensive sur le conflit ? Personne ne peut le prédire, répond Dominique Arel. [Dominique Arel est professeur à l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire en études ukrainiennes] 

Mais cette victoire « spectaculaire » de l’Ukraine marque certainement un tournant dans cette guerre qui fait rage depuis six mois, croit-il. C’est une chose de faire une contre-offensive, mais là, le front s’est complètement effondré. 

D’un point de vue stratégique, la progression de Kyiv dans le nord-est lui permettrait de couper le ravitaillement de l’armée russe vers le Donbass, dont la prise constitue la priorité de Moscou. 

Cette avancée majeure, en plus de galvaniser le moral des troupes, pourrait aussi donner à l’Ukraine un levier supplémentaire pour réclamer de l’aide militaire, ajoute le professeur. 

Samedi, la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, de passage à Kyiv, a réitéré l’engagement de l’Europe à soutenir l’Ukraine. 

 Car la guerre risque de s’éterniser pendant des mois, ont prévenu, vendredi, le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, et le chef de l’OTAN, Jens Stoltenberg, malgré les progrès récents de l’Ukraine.

Le conflit entre dans une période critique, ont-ils déclaré, exhortant les alliés occidentaux à maintenir leur soutien pendant ce qui pourrait être un hiver difficile. 

Léa Carrier 
La Presse, mis à jour le 11 septembre à 0 h 25.