samedi 2 mars 2013

Messidor se demande...



Faut-il croire toutes ces études ? On est si bien assis...!

Rester assis plus de quatre heures par jour serait nocif

Article publié dans La Presse, le 26 février 2013
Relax News

« Une étude australienne de grande ampleur montre que la station assise prolongée, pendant plus de quatre heures par jour, peut augmenter le risque de développer une maladie grave.

Des chercheurs de l'université de Western Sydney ont mené une étude sur 63 000 hommes australiens d'âge moyen, leur demandant de noter le nombre d'heures qu'ils passaient assis par jour. Leurs résultats ont montré que ceux qui restaient assis plus de quatre heures au quotidien voyaient augmenter leur risque de souffrir de maladies cardiaques, cardiovasculaires, d'hypertension, de diabète et de certains cancers. Et plus les sujets restaient assis, plus leur risque augmentait.

Les conclusions de cette étude sont parues dans la revue International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity.

Même si ces recherches se sont concentrées sur les hommes d'âge moyen, les scientifiques pensent que ces résultats sont applicables à d'autres parties de la population, «mais cette étude ne nous permet pas de dire si nous avons raison ou tort», rapporte le site WebMD.

Cette nouvelle étude s'inscrit dans la lignée de bon nombre d'autres recherches ayant précédemment montré que la station assise prolongée pouvait être nocive avec l'âge. Pour réduire ce risque, il est conseillé de rester moins longtemps assis et de faire plus d'exercice en dehors des heures de travail. Les employés de bureau doivent régulièrement faire des pauses pour se dégourdir les jambes pendant la journée. »

vendredi 1 mars 2013

Rire pour ne pas pleurer...



Une chronique de Pierre Foglia,  publiée dans La Presse, le 28 février 2013

Beef, bifteck

«On a ri des ayatollahs de l'Office québécois de la langue française (OQLF) qui veulent remplacer steak par bifteck, pasta par je ne sais quoi et autres corrections ridicules. On a ri parce que c'est drôle, mais j'aimerais ajouter qu'il y a là autant à pleurer, peut-être même plus à pleurer qu'à rire.

La question s'adresse aux inspecteurs de l'Office: ça vous amuse de donner des munitions aux anglos? Déjà, ils sont convaincus que vous êtes des flics - la police de la langue. Était-ce bien nécessaire de leur confirmer que non seulement vous êtes des flics, mais des flics idiots? Même le National Post n'osait pas vous imaginer aussi hystériques.

Si j'étais du genre à donner dans les complots, savez-vous que je vous soupçonnerais de sabotage? Vouloir tourner en dérision les lois et règlements linguistiques du Québec, c'est exactement comme ça que je m'y prendrais: en exigeant qu'on dise bifteck au lieu de steak, qu'on dise pâtes alimentaires au lieu de pasta, soupe aux légumes au lieu de minestrone.

Ce qui fait pleurer après avoir fait rire, c'est que ces dérapages discréditent l'OQLF, chargé de faire appliquer des politiques linguistiques dont dépend, in fine, la survie de notre langue et, au-delà de la langue, de la culture. C'est hyper important, c'est aussi délicat, compliqué. Bref, on est dans un magasin de porcelaine, ce n'est pas une bonne idée d'y faire entrer des connards d'éléphants.

Ces dérapages, le Mouvement Québec français les attribuait hier... aux médias! Cela n'a pas été dit, mais je crois l'avoir entendu quand même: il y a sûrement du Power Corp là-dessous.

C'est pas les médias, nono. C'est la tatane au bifteck. Elle ferait capoter à elle toute seule - s'il n'était pas déjà mort-né - le projet de loi 14 qui se propose d'imposer le français comme seule langue de travail dans les commerces de plus 26 employés (50 présentement). Beaucoup plus important, le projet de loi 14 imposerait un examen de français aux élèves anglophones à la fin du secondaire et du cégep. Et plus important encore, le projet de loi 14 remettrait en question encore une fois le statut bilingue des municipalités qui comptent moins de 50% d'anglophones.
Il est là, le beef. Pas dans le steak ou le bifteck. Dans le renforcement du statut du français. Il est aussi, le beef, dans la dénonciation du bilinguisme officiel, cette tarte à la crème de la paix linguistique. Je t'aime, I love you. Et mon cul, c'est du poulet? And my ass? Is what? Chicken?

LA COULEUR DU TEMPS
J'ai mal à mon Italie - mais oui, j'ai voté -, j'ai mal à mon Italie qui a presque ramené Silvio Berlusconi au pouvoir et donné tant d'importance à ce Beppe Grillo qui a la haine de l'Europe. On dit du Coluche italien qu'il est plus de gauche que de droite. Je l'ai entendu une fois dans un discours-fleuve, et ce type-là n'est ni de gauche ni de droite, il est du fond du baril. Dans ce discours-là, il fouaillait l'ordure, pipi, caca, bite et con. Les gens, une foule énorme, en redemandaient, bien sûr.
J'ai mal à mon Italie, mais bon, pas tant que ça, j'ai l'habitude. Je ne connais pas d'autre pays où la beauté est aussi intimement liée à l'ordure, la bêtise au raffinement, la poésie au ricanement; de pays qui a accouché de plus de potentats, mais qui a aussi donné Trieste au monde, Trieste et Umberto Saba: «La couleur du temps n'est pas donnée par les événements du jour.»
La couleur de l'Italie non plus.

LA VICTIME
Texte troublant dans les pages opinions de La Presse de mardi: une jeune femme de 29 ans raconte le hold-up dont elle a été victime dans un Dunkin Donuts alors qu'elle avait 16 ans. Trois hommes cagoulés défoncent une porte à coups de hache pour s'emparer du coffre-fort sans cesser de la menacer. «J'ai fait des cauchemars pendant des années, incapable de me promener dans les rues, d'aller au restaurant, revivant constamment cette nuit de terreur... Mes agresseurs ne savent pas à quel point ils ont détruit en partie ma vie en quelques minutes cette nuit-là...»

À la fin de son histoire, qui est presque aussi la fin de l'article, changement soudain de registre: «Les gens qui ont une mauvaise opinion des policiers pour l'arrestation musclée de Trois-Rivières devraient s'attarder à mon histoire... L'agresseur n'est jamais une victime, il - le jeune homme de Trois-Rivières - se remettra de ses quelques bleus...»
Je viens de revoir la vidéo de l'arrestation du jeune bandit de Trois-Rivières, il est allongé sur le sol, les bras en croix, quatre flics foncent dessus, le frappent sauvagement à coups de botte, à coups de poing, le tabassent sans aucune raison que le plaisir de tabasser et, évidemment, leurs rapports disent que le suspect a résisté.

La jeune femme juxtapose son histoire à celle-ci d'extrême violence policière. Ne pleurez pas, nous dit-elle, c'est rien qu'un bandit. Moi, je suis une victime, pas lui.
Mettons, mademoiselle. C'est pas une victime. Donc on a le droit de le tuer à coups de pied?

C'EST MONTRÉAL AUSSI
Un quartier où je ne vais pas souvent. J'entre dans cette épicerie disons ethnique... sûrement juive, me dis-je, c'est quoi ça?

Des galettes de pommes de terre, me répond le monsieur derrière le comptoir.
Mettez-m'en quatre. C'est juif?
Non, monsieur, c'est pas juif. C'est allemand. Les juifs nous l'ont volé - comme le reste! - mais c'est allemand...

Comme le reste?
Tout d'un coup, je le vois pâlir. Vous êtes juif? me demande-t-il.
Je l'ai laissé mariner sans répondre. La prochaine fois, ducon, je la nomme, ta crisse d'épicerie. Les galettes étaient bonnes, au moins ça.»

jeudi 28 février 2013

Le conseil du chat !






Comment oublier l’hiver en quatre étapes faciles

Vous êtes d’une humeur de chien ? Vous en avez assez de cette saison en noir et blanc qui dure depuis des lustres ? Ras-le-bol de la grisaille du temps ? Plus capable de regarder les guirlandes en forme de glaçons de vos voisins de gauche ? Exaspéré par l’abri Tempo de la maison d’en face ? Des douleurs au dos en regardant la pelle ?

Repeignez votre intérieur sans pots de peinture.


1. Fouillez dans les vieux magazines que vous gardez sans savoir pourquoi, découpez et encadrez des images colorées, faites des collages dans vos fenêtres.





2. Aux repas, redessinez vos assiettes, déposez des fraises sur des feuilles d’épinard.




3. Coupez une tige de votre vieux géranium, placez-la dans un verre d’eau durant trois jours et mettez-la en terre.



4. Et si votre humeur est encore sur la pente descendante en le voyant fleurir, roulez-vous en boule et rêvez. 



Il vaut toujours mieux ronronner qu’aboyer !



mercredi 27 février 2013

Un régime qui fait plaisir !



Un régime méditerranéen réduit de 30 % le risque cardiaque et cérébral

Article publié dans La Presse, le 27 février 2013-02-27
Agence France-Presse
Washington

Un régime méditerranéen riche en huile d'olive, noix, poisson, fruits, légumes et vin réduit de 30% le risque de développer des maladies cardio-vasculaires, selon l'étude la plus vaste à ce jour publiée aux États-Unis.
Cette recherche clinique, qui vient confirmer de précédentes observations épidémiologiques, a été menée en Espagne sur 4479 personnes, hommes et femmes de 55 à 80 ans, pendant près de cinq ans. Elle est publiée lundi dans la version en ligne du New England Journal of Medicine.
«Nous avons constaté qu'un régime alimentaire méditerranéen sans restriction quantitative, complété avec des cuillerées d'huile d'olive ou des noix, réduisait substantiellement le risque de crise cardiaque et d'accident vasculaire cérébral graves chez des personnes qui risquent davantage de développer des maladies cardio-vasculaires», écrivent les auteurs de cette étude, dirigée par le Dr Ramon Estruch, professeur de médecine à l'université de Barcelone.
Les participants ont été divisés en trois groupes, dont un témoin.

Le premier a suivi un régime méditerranéen traditionnel, avec en plus la consommation d'au moins quatre cuillères à soupe d'huile d'olive quotidiennes.

Le second groupe, également soumis au régime méditerranéen, devait consommer 30 grammes environ d'un assortiment de noix, d'amandes et de noisettes tous les jours au lieu de l'huile d'olive.

Les participants dans ces deux cohortes ont consommé au moins trois portions de fruits et deux de légumes chaque jour. Ils devaient aussi manger du poisson trois fois par semaine, éviter la viande rouge pour privilégier la viande blanche comme le poulet. Ils ont aussi été fortement encouragés à ne pas consommer de pâtisseries et de biscuits industriels, et à limiter leur consommation de produits laitiers et de charcuterie.

Enfin, chez ceux habitués à boire du vin avec leur repas, ils ont pu en prendre au moins sept verres par semaine en mangeant.

Les chercheurs ont pu déterminer que les participants suivaient bien le régime méditerranéen assigné en mesurant l'hydroxytyrosole dans l'urine, un marqueur de la consommation d'huile d'olive. Pour les noix et amandes, ils ont testé la teneur d'acide linolénique dans le sang.

Les auteurs estiment que «les compléments d'huile d'olive et de noix expliquent probablement la plupart des bienfaits observés du régime méditerranéen dans les deux groupes».

Selon eux, l'étude permet de comparer les effets de cette alimentation à ceux du régime dit occidental courant, dans lequel viande rouge, aliments industriels et sodas occupent une grande place. 

mardi 26 février 2013

Hâte-toi lentement !



Prendre son temps

Un article publié dans Psychologie.com

Gare à la précipitation ! Avoir la patience de s’écouter, de ressentir, de laisser monter en soi le désir d’agir est une étape cruciale. Petite leçon de pause bienfaitrice.
Jacqueline Kelen

Jacqueline Kelen est écrivaine. Spécialiste des mythes, elle est l’auteure, entre autres, de L’Esprit de solitude (Albin Michel, 2005) et d’Inventaire vagabond du bonheur (Albin Michel, “Espaces libres”, 2008).

«Ne demande pas ton chemin, tu ne pourrais pas t’égarer », disait rabbi Nahman de Bratslav, grande figure du hassidisme. Le conseil peut paraître extravagant à nos contemporains, obsédés par l’efficacité, les résultats rapides et le profit immédiat, qui, à force de courir, s’éparpillent et se perdent. Si la connaissance de soi et la réalisation de soi sont plus et mieux que trouver un emploi ou encore un hôtel pour la nuit, si elles concernent la vie entière d’une personne, le temps représente le matériau indispensable pour édifier la demeure intérieure, et d’abord en assurer les fondations.

Prendre son temps, ce n’est pas ne rien faire, mais partir à l’aventure : se découvrir, apprécier ses ressources personnelles, mesurer ses faiblesses, développer des qualités (écoute, patience, attention, discernement), étudier et approfondir toute chose. C’est aussi prendre du recul et de la hauteur par rapport au quotidien, aux modes et modèles imposés. C’est la voie d’apprentissage de la liberté.

Rien de bon ne survient dans la précipitation, qui s’avère souvent convoitise. On connaît l’histoire du roi Midas qui, pour avoir rendu un grand service au dieu Bacchus, obtint de formuler un vœu : sans réfléchir, Midas demanda que tout ce que son corps toucherait se transformât en or. Et le roi infantile se réjouit, changeant à son gré un caillou, une branche en or, jusqu’au moment où il eut faim. Mais à son contact, les mets et les boissons devenaient métal précieux, immangeables. Et Midas supplia le dieu de le délivrer de ce pouvoir empoisonné.

La voie buissonnière paraît hasardeuse, risquée, mais elle est ouverte, dynamique, propice à l’inattendu, aux rencontres étonnantes. Déjà, ce temps de recul et de réflexion permet de se dégager des divers conditionnements et de ses propres illusions. Devenir soi, c’est d’abord ne pas imiter, ne pas suivre ni répéter, mais creuser sa propre route. Se pose alors la question majeure, capable d’orienter toute une vie : quel est mon désir essentiel ? Ce n’est pas : comment répondre à la demande, faire plaisir à mes proches, me conformer à ce que l’on attend de moi ? Ce désir, propre à chacun, ouvre de larges horizons. Comme l’affirment tous les mystiques, c’est la soif qui fait surgir la source.
Rester en silence, fermer les yeux, écouter, ce n’est pas s’enfermer, se couper des autres et du monde, mais aller vers l’intérieur, devenir attentif et disponible; c’est entendre sa petite musique à nulle autre pareille, accueillir les signes et les songes qui, pour l’âme, sont plus fiables que les cartes routières et les GPS. Ainsi, dans la légende de Tristan et Iseut, le roi Marc refuse de se marier, malgré l’insistance de ses barons qui lui désignent de bons partis. Un jour, par la fenêtre ouverte, entre une hirondelle qui dépose sur l’épaule du roi un long cheveu blond étincelant au soleil. Le roi déclare que la femme qu’il épousera est celle à qui appartient ce cheveu. Et il la trouvera.
Il n’est pas si aisé de ne pas se presser : il faut résister au rythme ambiant et faire preuve d’une belle patience. Je me demande si la vertu de patience est comprise de nos jours, on la ressent plutôt comme une restriction, une résignation, une vie à petit feu. Or, la patience est la mise à l’épreuve de la ferveur, elle permet de maintenir et d’affiner le désir. « Patiente, ô mon cœur », murmure à soi-même Ulysse, alors tout près du but puisqu’il est parvenu, après vingt ans de tourments et d’absence, à son île d’Ithaque où demeure Pénélope. Une colère intempestive, un instant d’inattention risquent de détruire toute son entreprise et de l’éloigner d’un amour si longtemps attendu.

Laisser le temps faire son œuvre est d’une grande sagesse sur laquelle toutes les traditions s’accordent. Lao-tseu énonce : « Le grand carré n’a pas d’angles, le grand vase est long à parfaire, la grande musique est au-delà du son. » L’Évangile rappelle qu’avant de bâtir une tour, il est bon de s’asseoir et de méditer afin d’aller jusqu’au bout de sa tâche. C’est encore l’adage cher aux humanistes de la Renaissance, festina lente (« hâte-toi lentement »); ou l’exemple de Socrate qui, condamné à mort, prend le temps de réunir ses amis et converse paisiblement avec eux tandis que la ciguë gagne son corps, mais n’atteint pas son âme immortelle. C’est, plus légère, l’histoire du moine zen parti se promener dans la montagne. À son retour, le disciple intrigué et zélé demande avec insistance où le maître est allé, quel chemin il a emprunté. Et le moine répond simplement : « J’ai suivi l’odeur des fleurs du chemin et j’ai flâné au gré des jeunes pousses… »

La vie est vaste, si vaste. C’est nous, souvent, avec nos projets, nos calculs et nos plans, qui la rapetissons, la rendons triste et ennuyeuse. Se réaliser, c’est aussi respirer le parfum des fleurs et aller dans le vent.

L’analyse de Michel Lacroix
«Prendre son temps est capital, car c’est ce qui permettra de bien choisir. Et si je ne choisis pas, je reste dans le virtuel et dans le rêve adolescent du “tout est possible”. L’existence se construit essentiellement à travers nos choix : choix d’un conjoint, d’un métier, d’un lieu de vie… Le philosophe Soren Kierkegaard parle d’ailleurs du “baptême du choix” pour expliquer que notre personnalité est fouettée, dynamitée à partir du moment où nous avons choisi. Mais là où le philosophe me semble imprudent, c’est qu’il ajoute que tout choix est bon. Je pense le contraire. Dès lors, choisir demande un grand discernement, donc de prendre le temps de la réflexion et de la maturation. Le temps de laisser monter en soi les désirs profonds. Cela n’empêche pas de se tromper de voie, mais au moins le choix aura-t-il été fait en conscience. C’est cela aussi, s’inventer. »


lundi 25 février 2013

L'ère numérique, un patient tueur...?





Chronique d’Antoine Robitaille publiée le 18 février 2013 dans Le Devoir

Nombre de «grands lecteurs» en baisse - 
Disparition évitable

« Le nombre des vrais lecteurs, ceux qui prennent la lecture au sérieux, se réduit. C’est comme la calotte glaciaire », a lancé le romancier américain Philip Roth, dans une interview au Monde reprise dans nos pages vendredi dernier. Inquiétant, le phénomène n’a cependant rien d’inéluctable.

Le constat que le romancier fait est confirmé dans certaines études sur les pratiques culturelles au Québec. En 2004, un rapport mettait en relief la « diminution des grands lecteurs au profit des petits lecteurs. En outre, cette progression de la lecture de livres n’est pas le fait des jeunes générations, mais des plus âgées ».

Philip Roth a déjà soutenu qu’il y a même là un risque d’extinction pour le roman. Le patient tueur, on le connaît : l’ère numérique, qui a bien des qualités, mais qui propage le virus du « déficit d’attention ». C’est une ère de dispersion, de papillonnage, de messages surgissants, d’alertes, etc. Autant dire un complot contre les longues heures de concentration qu’exige le roman. L’essai aussi, en passant, nécessite cette ascèse. Le véritable essai. Non pas la juxtaposition de textes proposée le plus souvent par les universitaires de cette même époque distrayante. Tout le monde est atteint par le mal ; même - ou plutôt surtout - les professionnels de la pensée. Comme ceux de l’information : nous ! (Il faut lire à ce sujet l’intéressante interview de Québec Science avec Nicholas Carr, « Internet menace l’intelligence ».)

Les optimistes diront qu’une autre culture, nouvelle, émerge, « non linéaire », multitâche, qui vaut bien l’ancienne. Tout n’est certainement pas perdu en effet. Le catastrophisme et l’annonce de la fin du monde sont des postures courantes parce que commodes. Il y a assurément des avantages au monde culturel en devenir.

Rien, du reste, ne nous oblige à tout relativiser. Et rien ne nous empêche de réagir pour contrer les défauts qui semblent se développer. Car rien n’est inéluctable dans l’évolution culturelle. A-t-on vraiment besoin de dire quelles richesses seraient perdues si les grands lecteurs disparaissaient de nos sociétés ? Ces « têtes bien faites » habituées à suivre de longs récits, des démonstrations complexes et exigeantes.

À l’école, des voix se font entendre : ce ne sont pas les tableaux qu’il faut rendre « intelligents », ce sont les jeunes ! Des « plans d’action » de découverte de la lecture et d’incitation à la lecture sont mis en place, et c’est tant mieux. Là où il n’y en a pas, il faut que les parents en réclament. On doit aller plus loin. Le souci pour la malbouffe est omniprésent à l’école. À quand la préoccupation pour la « malculture » ?

En cette ère où l’on prône l’activité physique, il faudrait développer une conception de la lecture comme un entraînement pour un marathon. Commencer par des « 2 km » de lecture ; puis des 5, des 10, des 21, et enfin des 42 ! Au premier cycle universitaire, des initiatives de retour à la lecture patiente et exhaustive se développent et doivent être encouragées. Un exemple : le Certificat sur les oeuvres marquantes de la culture occidentale à l’Université Laval qui vise à « transformer l’effort de lecture en véritable expérience de connaissance ».

Si vous vous êtes rendu en bas de ce texte, il y a des chances que vous soyez une grande lectrice ou un grand lecteur. Ceux qui se reconnaissent dans cette étiquette devraient peut-être former des clubs, des groupes, afin de s’entraider, s’entraîner. Qu’en pensez-vous ?

dimanche 24 février 2013




Celui qui se lève le matin pour chercher la sagesse 
la trouve assise à sa porte.
Confucius