Le sucre, un doux poison ?
Article de Vanessa Fontaine publié dans La Presse, le
23 mars 2013
« Un nombre
grandissant de scientifiques nous avertissent: selon eux, le sucre est toxique,
pire que le gras, l'une des causes principales de l'obésité, du diabète, du
cancer et des maladies cardio-vasculaires.
«Le sucre est bel
et bien toxique», proclame le New York Times du 27 février, dernier éclat d'une controverse qui
gronde depuis quelques années. L'article rapporte les résultats d'une étude
menée par le Dr Robert Lustig, endocrinologue bien connu pour sa guerre contre
le sucre, dont la vidéo Sugar: The Bitter Truth a été vue plus de trois millions de fois sur YouTube.
Selon cette étude, la consommation de sucre était liée au diabète
indépendamment du taux d'obésité, et ce, à l'échelle de 175 pays. Même en
contrôlant toutes les autres variables comme la pauvreté, l'urbanisation et
l'activité physique, le sucre était le seul facteur à prédire l'apparition du
diabète. Entre deux populations équivalentes qui consommaient exactement le
même nombre de calories, l'incidence de diabète était plus élevée chez ceux qui
consommaient plus de sucre.
Le sucre est donc
le principal problème lié à notre alimentation, selon le journaliste du New
York Times, qui conclut:
«Ce n'est pas le fait de trop manger qui vous rend malade; c'est de trop manger
de sucre. Nous avons finalement la preuve qu'il nous fallait pour rendre un
verdict.»
Cette étude va
connaître un important retentissement, selon le Dr Dominique Garrel, endocrinologue
et professeur titulaire à l'Université de Montréal. Il rappelle que «la
toxicité des sucres est connue depuis très longtemps des biochimistes. Pour nos
artères notamment, le sucre est un véritable poison». Que ce savoir ne soit pas
plus répandu est une question d'éducation, selon lui. «C'est aussi parce que la
guerre au gras a occupé le terrain, dit-il. Il y a beaucoup de résistance à
l'idée que le sucre soit responsable, parce que le sucre ne contient pas
beaucoup de calories, à 3,4 par gramme, contre 9 par gramme pour la graisse.»
Au fur et à mesure
que les dirigeants de l'industrie agroalimentaire ont réduit le gras de leurs
produits, ils l'ont remplacé par du sucre. «Ç'a été un effet pervers de la
guerre contre la graisse. Ils ne vont pas vendre des aliments où il n'y a pas
de calories, dit le Dr Garrel en riant. Personne n'en mangerait, ils ne sont
pas fous.»
Cette résistance à
l'idée que le sucre puisse être néfaste s'explique aussi autrement, selon le
journaliste scientifique Gary Taubes, auteur de Bonnes calories, mauvaises
calories, et dont le prochain livre portera d'ailleurs sur le sujet. «Les gens
adorent cette substance, a-t-il dit lors d'une entrevue téléphonique. C'est
comme ça que nous communiquons l'amour dans notre culture. Les mères donnent
des sucreries à leurs enfants. Que seraient les anniversaires sans le sucre? La
Saint-Valentin? Alors, vous êtes mieux d'avoir des preuves assez convaincantes
avant de dire aux gens de ne pas en consommer.»
«Si le Dr Lustig a
raison, ajoute-t-il, cela voudrait dire que le sucre est également la cause
alimentaire la plus probable de plusieurs autres maladies chroniques,
communément considérées comme étant des maladies liées au mode de vie
occidental.» Ces maux, aussi appelés «maladies des civilisations», incluent les
caries, les maladies cardiaques et le cancer, des afflictions qui, pour des
raisons encore mal expliquées, sont peu fréquentes ou même inexistantes dans
les sociétés traditionnelles et apparaissent habituellement lorsqu'une
population s'occidentalise. Les hommes des cavernes, par exemple, avaient
probablement une meilleure dentition que nous, selon une équipe internationale
de chercheurs qui a examiné des squelettes préhistoriques, et dont les
conclusions ont été publiées en février.
Le problème, selon
le Dr Garrel, c'est qu'avant les années 80, la consommation de sucres purs se
trouvait sous un seuil pour lequel les conséquences sur la santé étaient
minimes. «Mais ce qui a complètement changé l'histoire, c'est qu'à partir des
années 80, les Américains ont réussi à extraire le fructose du maïs avec une
extraordinaire efficacité, à un coût ridicule. Donc, l'industrie du sucre en a
mis partout. D'ailleurs, quand on regarde la courbe d'obésité depuis les années
80 et qu'on essaie de la mettre en parallèle avec tous les autres paramètres de
consommation alimentaire, il n'y a que la consommation de sucre pur qui est en
parallèle avec l'obésité.»
D'un point de vue
évolutif, nos ancêtres étaient habitués à consommer des fruits en saison et
quelques sucreries à l'occasion, jamais rien de semblable au sirop de fructose
qui envahit aujourd'hui nos tablettes. Comme l'explique le Dr Garrel, la
quantité totale de sucre est un problème, «mais c'est la vitesse d'entrée du
sucre dans le système qui fait la plupart des dégâts. Dans une canette de cola,
il y a 40 g de sucre, donc il faudrait presque 1 kg de fraises pour l'égaler.
Et je vous défie de manger 1 kg de fraises en 10 minutes». Pour la même raison,
il est beaucoup mieux de consommer une orange qu'un verre de jus d'orange, dont
le sucre, débarrassé des fibres et des nutriments de l'orange, est absorbé
beaucoup plus rapidement par l'organisme.
Les effets
potentiellement nocifs du sucre inquiètent de plus en plus de gens, qui croient
qu'il est maintenant temps pour nos gouvernements d'agir. Le problème, selon
Gary Taubes, «c'est que ces maladies mettent toute une vie à se former. Comme
les scientifiques ne disposent pas de décennies pour mener leurs recherches,
ils utilisent des rats et leur administrent des doses élevées de sucre. Cela
laisse beaucoup de jeu aux sceptiques, qui peuvent dire: Oui, mais regardez les
quantités que vous leur avez données, ou C'est peut-être vrai pour les rats,
mais pas pour les humains». Il croit que l'industrie du sucre, soutenue par de
puissants lobbys, cultive cette ambiguïté par rapport au danger de son produit,
tout comme le faisait l'industrie du tabac avant elle.
Une comparaison
appropriée, selon le Dr Garrel, même si, en fait, «on n'a jamais pu causer un
seul cas de cancer du poumon chez un animal en le forçant à fumer. On a tué des
milliers et des milliers de rats et de lapins en essayant de le faire, on n'y
est jamais arrivé. C'est pour ça, d'ailleurs, que les sociétés de tabac se sont
toujours défendues en disant: Regardez, il n'y a pas de preuves. Là, c'est
complètement différent. Vous nourrissez un rat avec du fructose, vous allez le
rendre résistant à l'insuline en deux jours».
Il est inutile
d'attendre qu'une causalité parfaite soit démontrée entre le sucre et ses
effets délétères, selon lui. «Ça n'arrivera pas. À mon avis, on doit appliquer
ce qu'on appelle le principe de précaution, c'est-à-dire: on a affaire à une
substance dont nous n'avons pas besoin, et les arguments de la recherche sont
totalement convaincants. Connaissant la gravité de la maladie, moi, si j'étais
un responsable de la santé publique, ça me suffirait pour faire une guerre
acharnée contre les sucres purs.»
Les initiatives
contre le sucre se multiplient déjà. Le 1er janvier 2012, la France a instauré
une taxe sur les boissons gazeuses. En février, The Academy of Medical Royal
Colleges, groupe représentant plus de 220 000 docteurs, a exigé qu'une taxe
semblable soit mise en place en Grande-Bretagne. Le maire de New York continue
de se battre pour interdire la vente de boissons sucrées de plus d'un
demi-litre, un règlement adopté en septembre, puis annulé par un juge ce
mois-ci.
Ces mesures ne
vont pas assez loin, selon le Dr Garrel, qui croit qu'il serait plus efficace
de «commencer par obliger les fabricants à mettre une étiquette, comme le
tabac, par exemple: Attention: la consommation de sucre est liée au diabète, en
grosses lettres, sur toutes les canettes de cola».
Au Québec, la
Coalition québécoise sur la problématique du poids souhaite que le gouvernement
institue une redevance sur les boissons sucrées, qui serait payée par les
fabricants et réinvestie dans la communauté afin de favoriser l'accès à une
saine alimentation. Elle souhaite aussi que la vente de boissons sucrées soit
interdite dans les établissements sportifs et les lieux fréquentés par les
jeunes, et qu'elle soit interdite partout aux moins de 18 ans.
***
Quantité de sucre
dans...
4 g = 1 c. à café
355 ml de
Coca-Cola = 42 g, ou 10 c. à café
355 ml de jus
d'orange = 34 g, ou 8 c. à café
500 ml d'eau
vitaminée = 28 g, ou 7 c. à café
2 c. à table de
ketchup = 8 g, ou 2 c. à café
2 tranches de pain
blanc = 3 g, ou 1 c. à café
3/4 t. de yogourt
nature = 5 g, ou 1 c. à café
3/4 t. de yogourt
sans gras, à la vanille = 21 g, ou 5 c. à café
2 c. à soupe de
beurre d'arachides = 2,5 g, ou 0,63 c. à café »
À mon avis, la consommation de sucre pure a toujours été un fléau. Les enfants d'aujourd'hui sont nourris avec cette substance que j'ai toujours qualifié de néfaste pour la santé.
RépondreSupprimerLa première fois que mes filles ont mangées du chocolat, elles avaient environ 5 ans. Avant c'était totalement interdit. Même à Pâques. Inutile de dire que les parrains et marraines me trouvait un peu «spéciale».
Je prônait les fruits et les légumes, en ce qui a trait aux desserts, je les faisait tous maison y compris les biscuits et je coupait toujours le sucre dans les recettes. Elles ne s'en portent que mieux aujourd'hui.
Bonne journée (sans sucre pure)
Bonjour Puce,
RépondreSupprimerJ'ignore si j'aurais été aussi sévère que toi avec des enfants, mais
je te donne raison, il faut agir pour enrayer ce fléau.
Comme avec le tabac, les profiteurs de l'industrie créent une dépendance chez les plus jeunes et les installe dans des habitudes dont ils auront bien du mal à se défaire.
Boycotter les desserts prêts-à-manger est une solution réaliste et encourager la consommation de fruits frais en remplacement des friandises est une mesure efficace contre l'immodération et la surconsommation.
Bonjour Rachel :)
RépondreSupprimerTrès intéressant ce texte.
"Et si Montignac avait raison ?"
Car si je ne m'abuse,il faisait la guerre aux sucres raffinés et aux mauvais gras.
Vive la "simplisanté" ! :)
Lama Rysette
Bonjour Lama,
RépondreSupprimerJe ne connais pas suffisamment les écrits de Montignac pour savoir
s'il déplorait lui aussi les manigances de l'industrie, mais je sais que
bien avant lui, la docteure Kousmine avait mis le doigt sur ce bobo de société et, sans doute
bien d'autres avant elle.
Pour moi qui n'en consomme pas beaucoup, c'est facile de lutter contre son envahissante présence.
J'aime beaucoup ton slogan simplisanté,
je lève mon verre à cette belle trouvaille !
Continuons le combat!
:-)))