La boîte de Pandore au recyclage
Chronique de Stéphane Laporte publiée dans La Presse,
le 23 mars 2013
Zeus donna à
Pandore une boîte, en lui faisant promettre de ne pas l'ouvrir. Quel tordu! Les
dieux maîtrisent mal le concept de cadeau. Ils posent toujours des conditions
absurdes. Pourquoi donner une boîte à quelqu'un s'il ne peut pas l'ouvrir? À quoi
ça sert de donner un pommier à Ève si elle n'a pas le droit de manger de
pommes?
Ce n'est pas un
don, c'est un piège. Surtout que, dans toutes les mythologies du monde, la
femme est curieuse, la femme veut savoir. Comme Janette. Pandore ouvrit sa boîte,
bien sûr. Et tous les maux de l'humanité s'en échappèrent: la vieillesse, la
maladie, la guerre, la famine, la misère, la folie, le vice, la tromperie...
Mettez-en!
Si Pandore avait
suivi le conseil de Patrick Huard, ferme ta boîte, tout irait bien sur la
planète. Tous les humains seraient jeunes, beaux, en santé, équilibrés et
fidèles. Comme dans les descriptions d'abonnés au Réseau Contact.
Ben non! Les
malheurs sont sortis de la boîte. Et les malheurs, c'est comme les meubles
IKEA, une fois que c'est sorti de la boîte, on ne peut plus les remettre
dedans. On est mieux de faire quelque chose avec les morceaux parce que, de
toute façon, on va les avoir dans les jambes.
Le journal est
rempli des affaires qui sont tombées de la boîte de Pandore. Ç'aurait été si
simple de mettre sa boîte dans un coffret de sûreté. Et de l'oublier.
Jean Charest n'est
pas une femme. Il ne voulait pas l'ouvrir, la boîte de Pandore. Il ne voulait
rien savoir. Mais Sylvie Roy et Pauline Marois n'ont pas arrêté de lui dire:
faut l'ouvrir, faut l'ouvrir! Il n'a pas eu le choix. Il a fini par instituer
une commission d'enquête sur la construction. Son plan initial, c'était qu'elle
dure seulement une semaine et que les témoins aillent donner des conseils de
décoration, comme les Airoldi.
Mais ce n'est pas
ça qui est arrivé. Quand la boîte est ouverte, elle est ouverte.
La commission
Charbonneau va durer presque quatre ans. Elle risque de voir se succéder au
moins trois gouvernements. La corruption est partout. Et fouiller partout, ça
prend du temps. On est encore juste à Montréal. On n'est même pas rendu à
Laval. Il y a 1135 municipalités au Québec, plus un gouvernement provincial. Ce
sont autant d'autorités qui commandent des travaux et qui ont des petits amis.
La commission
Charbonneau pourrait facilement durer 10 ans, 20 ans, il y aurait encore des
centaines de scandales à dévoiler.
Duplessis s'est
fait élire parce que le gouvernement Taschereau était trop corrompu. Les
libéraux sont revenus au pouvoir parce que la bande de Duplessis était trop
corrompue. Le Parti québécois a pris le pouvoir parce que les libéraux étaient
trop corrompus... Ça ne finit plus.
Les purs
remplacent des corrompus et deviennent des corrompus, remplacés par des purs
qui deviendront corrompus.
La commission Charbonneau
ne mettra pas fin à ça. Ce n'est pas parce qu'un hôpital existe que tout le
monde sera en santé un jour.
La commission
Charbonneau doit d'abord diagnostiquer le cancer de la corruption. Puis elle
accouchera d'un rapport proposant un traitement. Mais jamais elle ne vaincra la
corruption. Elle va juste essayer de ralentir sa progression.
On va sûrement
ériger de nouveaux systèmes de surveillance qui seront efficaces jusqu'au jour
où ils seront infiltrés à leur tour.
Devant cette
fatalité, l'homme est corrompu et le sera toujours, aurait-il mieux fallu
laisser les vilains s'organiser dans leur boîte, en cachette? Ce qu'on ne sait
pas ne fait pas mal.
Non. Parce que si
la commission Charbonneau nous fait mal, elle fait aussi mal à ceux qui le
méritent. Et ça éveille les consciences de ceux qui en ont encore une.
Nous n'avons pas à
avoir honte des révélations de la commission Charbonneau. Toutes les sociétés
sont corrompues. L'Ontario, les États, la France, personne n'a de leçon à nous
donner.
Et si on en parle
moins ailleurs, c'est tout simplement parce qu'on n'ouvre pas la boîte. Mais
elle est bien là. Et en version géante.
Nous avons le
courage, en ce moment au Québec, de dénoncer la corruption. C'est déjà un pas
dans la bonne direction.
Le triomphe de
l'honnêteté ne se fera pas en quatre ans. Mais si l'honnêteté baisse les bras,
si l'honnêteté laisse faire, il ne se fera jamais.
Tandis qu'en
luttant, en enquêtant, en condamnant, il y a toujours espoir qu'il se fasse un
jour.
C'est cet objectif
qui empêche la résignation de corrompre mêmes les incorruptibles.
Ce n'est pas parce
qu'il y aura toujours de la poussière qu'il faut arrêter de balayer.
Balayons,
balayons.
Ce ne sera jamais
propre pour toujours. Mais ça va être moins sale.
La boîte de
Pandore finira un matin au recyclage. Et deviendra une boîte à musique.
http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/stephane-laporte/201303/23/01-4634038-la-boite-de-pandore-au-recyclage.php
J'ai bien ri ce matin en lisant cette chronique. Comparer la Commission Charbonneau et la Boîte de Pandare, fallait le faire.
RépondreSupprimerEt comme on le dit si bien dans l'article les bons deviennent tous des corrompus à un moment donné.
Alors, comme le ménage du printemps, balayons!
En effet, la comparaison est originale.
RépondreSupprimerEt nous le savons, il y a des ménages indispensables,
qui nous donnent une furieuse envie de sortir le balais.
Ciel, que cette neige fonde au plus vite pour que nous puissions
balayer en choeur!
En espérant que il y aura pas trop de personnes qui auront une indigestion de cette enquête, car le trop plein est là et sera en titi!!!!
RépondreSupprimerMoi la première...veut bien croire que c'est un besoin...
Mais de l'entendre à journée longue ouffffff moi je crois que je vais commencer à mettre mon Ipod sur mes oreilles à journée longue.....
Allô Jo,
RépondreSupprimerC'est vrai que c'est ennuyeux à regarder.
Un peu comme si on observait une personne balayer toute
la journée, quatre jours sur sept.
Reste que ce ménage est indispensable
et qu'il doit durer le temps nécessaire si on veut
mettre fin aux manigances des fraudeurs.