mardi 22 janvier 2013

La chronique de Pierre Foglia (4)




Chronique de Pierre Foglia publiée dans La Presse du 22 janvier 2013

Un autre meurtre

Hugo Houle, 23 ans, de Sainte-Perpétue, est un de ces jeunes coureurs cyclistes québécois formidablement prometteurs. Quatrième aux derniers championnats du monde des moins de 23 ans, deuxième du Tour de Beauce, un top 10 dans une étape du Tour de Californie, il courait l'an dernier pour feu l'équipe canadienne SpiderTech, il a été accueilli cette année par AG2R. Mais ce n'est pas une histoire de vélo que je veux vous raconter, c'est une histoire de frères. Hugo a un jeune frère, Pierrik, 19 ans, en techniques policières au cégep de Trois-Rivières.

Le 21 décembre dernier, Hugo, qui est en stage avec son équipe à Oliva, en Espagne, revient passer les Fêtes au Québec. Son père l'attend à l'aéroport pour le ramener à Sainte-Perpétue, où ils arrivent à la fin de l'après-midi. Hugo, sur le décalage horaire, va se coucher et se réveille dans la soirée.

Où est Pierrik?
Il est parti courir, lui répond sa mère, il devrait être rentré, d'ailleurs. Mais Pierrik ne rentre pas. Peut-être s'est-il arrêté chez un ami? Hugo ne le joint nulle part. Son père, puis sa mère partent à sa recherche. C'est finalement un ami qui le trouvera sur le bas-côté du rang Saint-Joseph, en plein milieu du village. De toute évidence, il a été happé par une voiture qui a pris la fuite.

Hugo est sur les lieux, évidemment. Un peu à l'écart de l'attroupement qui s'est formé, il remarque un camion qui vient de se garer. Il remarque surtout le chauffeur, hésitant, immobile au pied de son camion. Hugo le rejoint.
Qu'est-ce que vous cherchez?
L'homme ne répond pas. À quelle heure est-ce arrivé? demande-t-il. Puis: comment il va?
C'est vous qui l'avez frappé, n'est-ce pas? dit alors Hugo.

C'était lui. Un homme de 41 ans d'un village voisin. Après l'accident, il s'est enfui, il est allé changer de véhicule, pour finalement revenir sur les lieux. Il est accusé de délit de fuite et de conduite avec les facultés affaiblies causant la mort.
Dimanche, malgré le mauvais temps, quelques centaines de personnes ont pris part à une course organisée à la mémoire de Pierrik dans le village de Sainte-Perpétue. Ils ont précisément fait la boucle de 4 km que le jeune homme faisait souvent. «On va le finir, ton jogging, mon chum», a lancé un de ses amis. Hugo invitait les gens présents non seulement à ne pas prendre le volant après avoir consommé de l'alcool, mais aussi à empêcher ceux qui s'apprêtent à le faire. «On pense que ça arrive juste aux autres... Voyez, aujourd'hui, c'est mon frère.»
Il repart jeudi pour l'Europe, où il courra les classiques du Printemps.

***
Il y a un an, je signais une douloureuse série sur les accidents, des histoires d'abrutis complètement saouls au volant et de petits débiles qui roulent à 180. J'ai drôlement bien fait de ne pas m'imaginer que cette série allait changer des choses, il ne s'est pas passé une seule semaine depuis sans que l'actualité me rappelle qu'on n'écrit justement pas pour changer les choses, seulement pour les nommer, ce qui est déjà bien.
Juste pour mémoire, trois grosses histoires durant le temps des Fêtes. Outre Pierrik à Sainte-Perpétue, délit de fuite à Sherbrooke, deux jeunes femmes, 19 et 20 ans, fauchées par un connard en état d'ébriété, l'une a été tuée, l'autre sérieusement blessée. À Terrebonne, une femme qui marchait dans la piste cyclable a été happée et tuée par un type aussi en état d'ébriété, dont le permis était suspendu pour... conduite en état d'ébriété.
On a tort d'appeler cela des accidents. Les accidents sont fortuits, il n'y a absolument rien de fortuit dans le fait de prendre le volant complètement paqueté et de tuer quelqu'un. Ce n'est pas un accident. C'est un meurtre.
GARNEAU - Deux mots d'adieu, Richard, juste deux, nous n'avons jamais été très proches et, en plus, ça tombe mal, on se laisse sur une demi-fâcherie qui dure depuis l'automne dernier.
Tu te souviens des Jeux d'Innsbruck? Peut-être pas, tu en as tant couvert, de ces Jeux. Nous logions au même hôtel, à ton invitation je me suis retrouvé quelques fois à la table de Radio-Canada pour le souper. Sachant que je n'y connaissais rien, tu me faisais aimablement la leçon de ski pour les épreuves du lendemain. Le ski était une de tes grandes passions, avec l'athlétisme. Je t'ai d'ailleurs déjà traité de meilleur commentateur francophone d'athlétisme. Admets-le, je n'ai pas été que malveillant.
C'était l'époque des «grandes voix» qui m'énervaient tant à Radio-Canada. Cela revient beaucoup, d'ailleurs, dans les adieux qu'on te fait aujourd'hui: quelle voix extraordinaire tu étais et quelle langue tu parlais. Rappelle-toi toutes ces fois où, dans ma chronique, je t'ai félicité exactement du contraire: d'être beaucoup plus qu'une voix, en athlétisme notamment. Je réitère.
La soudaineté de ta mort me fait freaker sur la mienne, bien sûr. Tu n'étais même pas malade et puis voilà... Comment ça, on peut mourir même quand on n'est pas malade? D'un autre côté, après avoir entendu l'hommage que Marcel Aubut t'a rendu hier matin, je me suis dit qu'au moins, cela me sera épargné. On se console comme on peut. Salut, mon vieux.

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