jeudi 25 août 2022

Jour 183 - Six mois de guerre



Le 24 août marquait six mois de guerre en Ukraine. Un triste constat alors que les Ukrainiens soulignaient le 31e anniversaire de leur indépendance (24 août 1991). Quelques éléments à retenir.

Pertes humaines sous-évaluées
En date du 22 août, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) dénombrait 5587 civils tués et 7890 blessés depuis le 24 février 2022. L’organisme indique également que ces chiffres sont sous-estimés. « Le HCDH estime que les chiffres réels sont considérablement plus élevés. La réception d’informations provenant de certains endroits où des hostilités intenses se sont déroulées a été retardée et de nombreux rapports attendent d’être corroborés », dit-on. Seulement à Marioupol, on estime que 20 000 civils auraient été tués. Un flou demeure aussi sur les pertes militaires. Beaucoup s’entendent pour les chiffrer à plus de 10 000, voire bien davantage. 

Marioupol 
Mardi, le club de football FSC Marioupol a repris ses activités dans la deuxième division ukrainienne. Mais, guerre oblige, les joueurs s’entraînent dans un stade de Demydiv, au nord de Kyiv. S’il y a un exemple de ville-martyre pour illustrer les conséquences de l’invasion, c’est Marioupol, ville portuaire sur la mer d’Azov. Au-delà du médiatisé siège de l’aciérie Azovstal, la ville a été détruite à 90 %, clame son maire, Vadim Boïtchenko. La population, estimée à 432 000 en 2021, a fondu de plusieurs dizaines de milliers d’habitants. Occupée par les Russes, la ville revendique néanmoins son identité. « On est vivants », résume Oleksandre Iarochenko, président du FSC Marioupol. 

Quand le monde a faim 
La guerre a eu pour effet de rappeler l’importance de l’agriculture. En plus de voir leurs récoltes affectées, les fermiers ukrainiens ont vécu le blocus (maintenant levé) de leurs productions de grain. Frappée de sanctions économiques, la Russie a été freinée dans sa vente d’engrais essentiels aux producteurs de nombreux pays, dont le Canada. Les prix ont monté. Des pays pauvres sont menacés de famine. « Les projections de 2022 indiquent que jusqu’à 181 millions de personnes dans 41 pays pourraient faire face à une crise alimentaire. Or, la plupart de ces analyses ne tiennent pas compte des impacts de la guerre en Ukraine », indique l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). 

6 657 918 
En date du 17 août, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) recensait 6 657 918 réfugiés en provenance de l’Ukraine à travers l’Europe. Cela représente 15 % de la population recensée en 2021. Selon le site worldpopulationview.com, la population de l’Ukraine a chuté de 8,8 % depuis un an pour s’établir à 39,7 millions d’habitants. C’est de loin la plus importante chute des 209 États recensés. L’Ukraine aurait aussi compté 7 millions de déplacés à l’intérieur du pays. Certains sont maintenant retournés à la maison. 

20 % 
Avec la Crimée, annexée par la Russie en 2014, la superficie de l’Ukraine est de 603 700 kilomètres carrés. Or, depuis l’occupation des provinces de Donetsk et Louhansk, l’Ukraine a perdu 20 % de son territoire aux mains de la Russie. En pourcentage, c’est comme si on retranchait le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador du Canada. 

Pas moins inquiétant 
Si la guerre en Ukraine fait moins les manchettes que dans les premières semaines, la situation n’en est pas moins inquiétante. C’est l’impression de Yann Breault, professeur d’études internationales au Collège royal militaire de Saint-Jean. « Personne n’avait imaginé que l’Ukraine résisterait à une agression de cette ampleur ni qu’elle bénéficierait d’un tel soutien de l’Occident », dit-il. Or, que le conflit se soit récemment étendu en Crimée, péninsule ukrainienne annexée par la Russie en 2014, n’est pas de bon augure, dit-il. « On a traversé une ligne rouge en s’en prenant à la Crimée, que les Russes considèrent comme leur territoire. Il y a un processus d’escalade encore en marche et plus inquiétant qu’il ne l’a jamais été. » 

3 milliards 
Mercredi (le 24 août), le président américain, Joe Biden, a annoncé une nouvelle aide militaire d’une valeur de 2,98 milliards, ce qui porte le total à 13,6 milliards. Cela permet à l’Ukraine de résister et même de répliquer. Mais pour combien de temps ? « L’armée ukrainienne n’est pas équipée, même avec le matériel américain, pour freiner le feu battant de l’artillerie russe, croit M. Brault. Je suis assez pessimiste quant aux chances des Ukrainiens de libérer le territoire. L’Occident aimerait bien défendre l’ordre international et le respect de l’intangibilité des frontières. Mais on n’a pas la détermination d’aller jusqu’au bout dans une confrontation ouverte avec la Russie, qui demeure une grande puissance nucléaire. La motivation de libérer l’Ukraine va-t-elle se maintenir ? Pas certain. Les Russes, eux, misent sur cet épuisement de l’aide occidentale. » 

André Duchesne 
La Presse 
le 24 août 2022, 22 h 30

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