Votre cerveau est-il trop rapide pour la
science?
Article de Pascal Lapointe
publié sur le site Agence
Science Presse
le 2 juillet 2013
Entre nos deux
oreilles, deux systèmes se font la lutte: une pensée rapide et une pensée
lente. Pourquoi échouons-nous (souvent) à communiquer la science? Pour ça.
Mais tout d’abord,
une mise en perspective. Nous aimons nous vanter que nous sommes des animaux
rationnels. Nous sommes fiers de notre capacité à départager le vrai du faux,
merci à notre intelligence qui nous permet de réfléchir avant de juger. Vrai?
Non, faux.
Si on se fie à ce
que psychologie et neurologie décodent ces dernières années de notre matière
grise, nous sommes non seulement dominés par nos émotions, mais surtout, notre
cerveau ne se «branche» sur la réflexion rationnelle que lorsqu’il y est
contraint et forcé.
C’est ça que
veulent dire les expressions «pensées rapides» et «pensées lentes» qui forment la
paire du livre du psychologue américain Dan Kahneman, Thinking Fast and
Slow. La pensée rapide (ou le Système 1, pour les intimes) est
constamment à l’oeuvre et nous conduit aux jugements les plus divers, à toute
heure du jour et dans toutes les circonstances.
Par exemple. À la
lecture de cette description, diriez-vous que Steve est bibliothécaire ou
fermier ?
Steve est
timide et introverti. Toujours prêt à donner un coup de main mais s’intéresse
peu aux gens et au monde réel. Il est une personne qui a besoin d’ordre et de
structure, et il a une passion pour le détail.
La majorité des
gens répondront spontanément bibliothécaire —pensée rapide. Mais une réflexion
ou une recherche —pensée lente— révéleraient que Steve a beaucoup plus de
chances d’être fermier: en Amérique du Nord, il y a 15 à 20 fois plus d’hommes fermiers
que d’hommes bibliothécaires.
Ne voyez pas dans
ce jugement erroné un banal préjugé contre les agriculteurs: la formulation de
la description est faite sur mesure pour vous manipuler —et ça marche, parce
que c’est ainsi que fonctionne notre cerveau. C’est comme s’il aimait se faire
manipuler. Notre cerveau choisit constamment le chemin le plus facile pour
résoudre un problème. La loi du moindre effort, en quelque sorte.
Or, considérez ce
que ça veut dire quand on songe aux difficultés à communiquer la science.
Un grand nombre de
gens ne veulent tout simplement pas entendre parler de science, parce qu’elle
leur semble compliquée. Et une des raisons pour lesquelles elle semble si
compliquée, c'est parce que les réponses qu’offre la science depuis 5 siècles sont
souvent contre-intuitives. Zéro pour le cerveau rapide.
Vous croyez que X
(insérez ici le nom d’un enjeu scientifique) est dangereux pour la santé? Vous
attrapez au vol tout texte qui confirme votre conviction et balayez tous les
autres? Cerveau rapide. Vous analysez les faits qui vont à l’encontre de vos
convictions? Cerveau lent.
Évidemment,
personne n’aime admettre qu’il juge trop vite. C'est dur pour l’ego. Je serais
donc curieux de savoir ce que vous pensez de ces arguments. Considérez cette
citation de Kahneman (p. 14) pour lancer votre réflexion :
Notre confiance
excessive en ce que nous croyons savoir. Notre apparente incapacité à accepter
la pleine mesure de notre ignorance et de l’incertitude du monde dans lequel
nous vivons. Nous sommes prompts à surestimer la quantité de ce que nous
comprenons.
Est-ce que vous
vous reconnaissez? Etes-vous sûr de pouvoir reconnaître vos propres préjugés?
Pour réagir à cet
article et en savoir plus :
Lent ou rapide? That's is the new question!
RépondreSupprimerIntéressant, car il est vrai que nous sommes, en principe, porter à un jugement rapide. Souvent, après réflexion nous nous rendons compte de notre erreur.
Mais j'y pense est-ce qu'il se peut que ma matière grise soit entre les deux, soit moyenne?
J'ai tendance à analyser avant de juger.
Bonsoir Puce,
RépondreSupprimerIl m'a semblé que cet article était complémentaire au sujet d'hier.
Encore là, il s'agit de réfléchir avec une grande ouverture d'esprit.
En choisissant la moyenne, tu dois te rapprocher de la solution gagnante,
ni trop vite ni trop lente...