« Délaisse les grandes routes, emprunte les sentiers.»
Pythagore
L'art de la décision
Article publié dans Psychologies.com, juin
2013
Qu’est-ce qu’une
bonne décision ? Celle qu’on ne regrette pas ? Qui fut longuement mûrie,
réfléchie ? Méfions-nous de ces pistes rapides…
Décider, c’est
trancher, et trancher demande du courage. Trancher relève de l’art, et non pas
de la science. L’art de sauter dans le vide, de découper le réel au moment même
du saut. Je démissionne ou pas ? Je vote ou je m’abstiens ? Je le quitte ou pas
? C’est précisément parce que ma réflexion ne suffit pas qu’il va me falloir le
courage de trancher. J’ai eu beau peser le pour et le contre, mesurer tous les
arguments, demander tous les conseils, cela ne suffit pas. Alors j’y vais ; j’y
vais dans l’incertitude, malgré l’incertitude.
« Le secret de
l’action, c’est de s’y mettre », écrit joliment Alain pour nous donner des
ailes. L’art de la décision se déploie toujours dans l’au-delà du savoir. Une
décision fondée en raison, parfaitement justifiée dans une batterie de tableaux
Excel, n’est pas une décision : c’est simplement un choix. « J’ai choisi » et «
j’ai décidé » sont donc faussement synonymes. Choisir demande de
l’intelligence, décider demande surtout de la volonté. De l’intelligence aussi,
bien sûr, mais une intelligence qui ne suffit pas et se trouve secourue par
notre volonté. C’est la thèse singulière de Descartes, si peu « cartésien »
pour le coup : être humain, c’est compenser un entendement limité par une
volonté infinie. Ce que nous avons en nous d’infini, ce que nous pouvons
déployer sans limites, c’est la volonté, et non l’intelligence. Décider, c’est
ainsi vouloir plus qu’on ne sait. À l’origine des plus belles aventures
humaines, il y a toujours quelqu’un qui y est allé dans le doute, qui a voulu
plus loin que ce qu’il savait ; il y a toujours une prise de risque. Si nous
attendions d’être sûrs pour agir, nous n’agirions jamais.
Mais la prise de
risque n’est pas l’amour du risque, le sens du risque n’est pas l’amour du
risque. Le téméraire aime le risque, il fonce sans réfléchir : c’est une tête
brûlée, pas un décideur. Il est téméraire, et pas courageux. Le décideur
cherche d’abord, par son intelligence, à réduire le risque, mais il sait très
bien, en enfant de Descartes, que son entendement est limité et que le risque
zéro n’existe pas. Le risque qui reste, il le prend en connaissance de cause.
Il n’aime pas le risque, mais il aime « le risque qui reste ». Il n’a réduit le
risque que pour mieux prendre « le risque qui reste ». Il n’est allé au bout du
chemin de la raison que pour mieux oser le saut dans l’inconnu, dans l’avenir,
dans le réel.
Belle leçon
d’humanité : il faut marcher au bout du chemin de la raison pour oser se tenir
devant ce qui la dépasse. Peut-être est-ce le véritable but de notre souci de
maîtrise : oser l’« immaîtrise ».
Hum! On dirait que ce texte a été écrit pour mon homme ce matin. Je vais lui faire lire dès qu'il reviendra du travail.
RépondreSupprimerEt qu'elle est belle cette photo.
Merci du partage
Bonjour Puce,
RépondreSupprimerIl est vrai que prendre une décision est un art difficile.
La peur de se tromper est toujours présente, il faut savoir prendre
des risques. Mais comme le dit le proverbe, qui ne risque rien n'a rien...