jeudi 29 juin 2023

Jour 491 - Loukachenko, grand bénéficiaire de la crise Prigojine ?



Le coup de force avorté d’Evgueni Prigojine n’a pas fait que des perdants : Alexandre Loukachenko, président de la Biélorussie depuis 1994, émerge comme l’un des grands bénéficiaires de cette crise. La conférence de presse qu’il a donnée le 27 juin reflète le nouveau rôle qu’il entend jouer sur la scène politique européenne : un soutien de Vladimir Poutine, un médiateur entre les cercles de décision russe, un protecteur pour les rebelles et, donc, un négociateur potentiel entre la Russie et ses voisins. Mais il n’est pas le seul gagnant de ce road-movie politique. 

Résurrection d’un zombie politique 
La conférence de presse tenue par Alexandre Loukachenko mardi soir a consacré la résurrection politique du président biélorusse. Depuis 2020, il était en position de faiblesse à l’égard de la Russie et de son président. 

Après avoir truqué les élections présidentielles en août, après avoir réprimé l’opposition des mois durant et après avoir subi les sanctions de l’Union européenne, il avait dû renoncer à sa fonction de médiateur. Le président biélorusse ne pouvait plus se prévaloir du rôle d’intermédiaire qu’il avait joué en 2014 pour sceller les accords de Minsk entre la Russie, l’Ukraine et les Européens. 

Depuis 2020, il était manifestement l’obligé et le protégé du président russe : frappée par les embargos européens, l’économie biélorusse était devenue encore plus dépendante des échanges avec la Russie ; isolé politiquement en Europe, le leader biélorusse ne survivait internationalement que par ses entretiens réguliers avec Vladimir Poutine ; encadré par l’adhésion de son pays à l’Organisation du traité de sécurité collective et à l’Union économique eurasiatique, il était contraint de reprendre le projet d’union entre Russie et Biélorussie ; coupé des Européens, il était compromis dans l’invasion de l’Ukraine de multiples façons par son voisin russe : présence de troupes sur son territoire, positionnement d’armement nucléaire dans des sites biélorusses, etc.

De sa sécurité personnelle à l’approvisionnement énergétique de son pays et de la survie de son régime au positionnement international de son État, Alexandre Loukachenko était entièrement dépendant de son voisin russe. C’était une rupture notable pour cette ancienne république socialiste soviétique qui avait tenté de se positionner en passerelle entre l’Union européenne et la Fédération de Russie.

À la faveur du coup de force armé lancé par le fondateur et dirigeant de la société de mercenaires Wagner, Alexandre Loukachenko s’est imposé (ou a été imposé) comme celui qui a tiré profit de la crise et de sa résolution. Dans sa conférence de presse du 27 juin, il a souligné ses multiples rôles : conseiller en chef du président russe pour le dissuader d’« éliminer » le rebelle Prigojine, médiateur entre Vladimir Poutine et son ancien protégé, homme d’État capable d’écarter les risques de guerre civile en Russie, tacticien capable de réguler la lutte des clans interne à la Russie. 

Vainqueurs de la guerre des clans 
Dans l’entourage du président russe aussi, on peut dénombrer les gagnants — peut-être provisoires. Dans la lutte entre cercles de décision, le clan Prigojine a échoué à enrayer le renforcement des deux leaders qu’il contestait ouvertement depuis des mois, le ministre de la Défense Sergueï Choïgou et le chef d’état-major Valéri Guerassimov. 

Le premier était depuis longtemps donné comme successeur potentiel de Vladimir Poutine ; le deuxième a été nommé en janvier à la direction opérationnelle des opérations en Ukraine. Leurs succès sont indubitables : ils vont réintégrer les mercenaires de Wagner dans les rangs de l’armée régulière et ils bénéficient de l’exil du chef de guerre qui les a défiés, les armes à la main. En un mot, ils n’ont plus de concurrent sous la forme de la société Wagner. 

Le président tchétchène, Ramzan Kadyrov, a lui aussi engrangé un double succès : sur le plan militaire, il a mobilisé sa « garde » contre les mercenaires Wagner et sur le plan politique, il s’est présenté comme le garde du corps en chef du président russe. Enfin, l’ancien président russe Dimitri Medvedev (2008-2021) s’est une nouvelle fois illustré dans la communication grand public pour répondre à la campagne Telegram de Prigojine. De porte-parole en chef à dauphin, il espère franchir le pas. 

Dans la lutte entre clans, ces quatre figures renforcent leur influence (et leur pression) sur la présidence russe, placée en état de dépendance accrue à leur égard. 

Et à la fin, c’est Poutine qui gagne ? [...] 
Pour lire la suite et l’article en entier, 

Cyrille Bret, enseignant à Sciences Po, Paris 
Le Devoir, le 29 juin 2023

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pour vous aider à publier votre commentaire, voici la marche à suivre :
1) Ecrivez votre texte dans le formulaire de saisie ci-dessus
2) Si vous avez un compte, vous pouvez vous identifier dans la liste déroulante Commentaire
Sinon, vous pouvez saisir votre nom ou pseudo par Nom/URL
3) Vous pouvez, en cliquant sur le lien S'abonner par e-mail, être assuré d'être avisé en cas d'une réponse
4) Cliquer sur Publier enfin.

Le message sera publié après modération.

Voilà : c'est fait.
Et un gros MERCI !!!!