Le premier ministre britannique s’est engagé cette semaine à créer une « coalition internationale » pour livrer à Kiev des avions de chasse occidentaux, nommément les F-16, des jets de combat de loin supérieurs à ceux qui guerroient présentement en Ukraine. Les Pays-Bas ont annoncé tout de go leur adhésion à cette coalition. Peu après, le président français a « ouvert la porte pour former des pilotes » ukrainiens aux équipements de l’OTAN.
Mais il y a un hic : tout ce branle-bas de combat attendait le feu vert de l’Oncle Sam. « Sur la liste [des priorités ukrainiennes], les avions modernes occidentaux sont environ huitièmes », a laissé tomber fin avril la secrétaire adjointe à la Défense des États-Unis, Celeste Wallander, interrogée par des élus.
Vendredi, la coalition a pu enfin prendre un véritable élan. Le président Biden a offert son soutien « à une initiative commune » pour de telles livraisons, selon un haut responsable de la Maison-Blanche.
On passerait d’un conflit à la Première Guerre mondiale, avec une ligne de front très resserrée où on se tape dessus à longueur de journée avec des fusils et de l’artillerie, à un conflit de type Deuxième Guerre mondiale
— Jean-Christophe Noël
Cette soi-disant coalition internationale, aussi enthousiasmée soit-elle, ne pouvait décoller sans l’accord de Washington. Celui-ci possède tous les leviers technologiques et diplomatiques autour de ces avions.
« [Les Européens] dépendent complètement de la technologie américaine, d’une part pour la logistique des pièces », explique l’ancien pilote de chasse Jean-Christophe Noël, aujourd’hui chercheur à Institut français des relations internationales. « D’autre part, ils font partie de l’OTAN. Il y a une solidarité. Ils savent qu’après les F-16, il y a les F-35 [les avions esnouvee le génération qu’achètent les Européens]. Si ça déplaît aux Américains, ces derniers peuvent leur dire : “Vous transférez ces avions à des gens pour lesquels on vous a dit de ne pas les donner, si vous nous refaites le coup pour les F-35, on peut oublier
ça.” »
Cette dépendance n’est pas sans irriter les grandes puissances européennes, qui y voient une perte de
« souveraineté » sur leur propre armée, ajoute M. Noël.
Donner des ailes à la contre-offensive ukrainienne
L’arrivée d’avions de chasse occidentaux changera la donne dans ce conflit gelé depuis l’automne dernier. Les F-16 figurent parmi les « best-sellers » de l’avion militaire mondial et surclassent les avions de conception soviétique utilisés autant par les Russes que par les Ukrainiens jusqu’à présent.
« Cette armée de l’air modernisée pourrait tout d’abord briser l’impasse dans laquelle on est. On passerait d’un conflit à la Première Guerre mondiale, avec une ligne de front très resserrée où on se tape dessus à longueur de journée avec des fusils et de l’artillerie, à un conflit de type Deuxième Guerre mondiale, où l’acquisition d’une supériorité aérienne permettrait de manoeuvrer plus facilement au sol », illustre
Jean-Christophe Noël.
Un conseiller du ministère de la Défense canadienne, qui a accepté de discuter du sujet avec Le Devoir sous le couvert de l’anonymat parce qu’il n’y est pas autorisé, estime que les F-16 restent cloués au sol pour des raisons politiques et financières plus que techniques.
« Les F-16 sont un grand signe de la puissance américaine depuis des décennies. Si un F-16 est abattu par les Russes, il y aura probablement beaucoup plus de reportages négatifs à ce sujet que si une poignée de [chars] Leopard sont mis hors service. »
Et surtout, qui assumera le coût vertigineux de l’entretien des avions, de la formation des pilotes et de tous ces frais afférents qui risquent de s’envoler ? « Les États-Unis “pourraient” en théorie couvrir tous les coûts. Mais, ils préféreraient que d’autres pays participent également. »
Cette question reste en suspens
Interrogé par Le Devoir sur l’appui ou non à la coalition internationale un peu plus tôt cette semaine, le cabinet de la ministre canadienne de la Défense n’a répondu ni par la positive ni par la négative. « Nous continuerons à identifier une variété d’options d’assistance militaire pour aider l’Ukraine à combattre et à gagner », a-t-on répondu dans un bref courriel. Le Canada ne possède de toute façon aucun F-16, mais bien des CF-18 en fin de vie.
Seuls une poignée de pays européens possèdent en réalité les F-16 demandés par l’Ukraine, soit la Belgique, la Norvège, les Pays-Bas et le Danemark, selon les analystes militaires interrogés. Et seuls ces deux derniers jouissent d’une flotte aérienne suffisamment garnie pour se départir de dizaines d’engins.
Bien plus que des avions et des pilotes [...]
Pour lire la suite et l’article en entier,
Jean-Louis Bordeleau
Le Devoir, le 20 mai 2023
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