Changer l’angle
Saviez-vous que le chat est un maître de vie ? Ce n’est pas moi qui l’affirme, c’est le site Psychologies.com qui en a fait un guide spirituel et un as de la communication, rien de moins ! Le chat occupe une place de choix sur ce site, à côté de personnages aussi illustres et clairvoyants que Krishnamurti, Socrate, Alice Miller, Montaigne, Ghandi. *
Je reconnais qu’il est un puissant thérapeute. Lorsque l’émotion me submerge et risque de me faire perdre le nord, je n’ai qu’à plonger la main dans sa fourrure, en quête d’un vibrant ronronnement, pour me sentir apaisée. Toutefois, Messidor n’est pas sans défauts, il s'emporte et se met facilement en colère.
Par exemple, un matin de cette semaine, quand je lui ai ouvert la porte, il a reculé sous la poussée du vent.
-- Tu as encore commandé l’hiver, m’a-t-il dit d’un ton accusateur.
-- Mais ce n’est pas moi, voyons ! Je n’ai aucun pouvoir sur le temps qu’il fait, je te l’ai expliqué bien des fois…
-- Ce n’est pas toi qui as ouvert la porte ?
-- Oui. Parce que tu me l’as demandé.
-- Tu as fait entrer le froid. Tu sais que je n’aime pas le froid, a-t-il ajouté, l’air mauvais.
-- Et toi, tu sais parfaitement que je le hais aussi et que je déteste l’hiver, cet avaleur de lumière. Je suis comme toi, j’ai horreur des arbres vides de feuilles, du jardin en broussaille, du petit soleil blafard qui ne réchauffe rien, de l’absence de couleurs, du profond vide dans lequel il me laisse.
-- Si tu le détestes tant que ça, tu n’avais qu’à le décommander, a-t-il conclu, la voix cinglante.
J’ai soupiré et, pour le consoler (et le faire taire) j’ai remis des croquettes dans son bol.
Le chat de la maison tient le même discours quand il pleut, convaincu que j’ai tous les pouvoirs y compris celui de commander le beau temps. Probablement parce que je réponds à toutes ses demandes matérielles et que je comble une grande part de ses besoins en lui fournissant le gîte et le couvert, il s’imagine que j’ai aussi les télécommandes du temps.
-- Je voudrais bien que cette saison soit rayée de la carte du ciel, ai-je dit. Et que tout de suite après la chute des feuilles qui créent de si beaux tapis de couleurs, d’autres de leurs sœurs, toutes vertes celles-là, se mettent immédiatement à pousser afin que les arbres retrouvent leurs panaches d’émeraude, que les oies, les bernaches et les hérons reviennent en poussant des cris de joie, que la cour se couvre de fleurs et que je m’agenouille de nouveau pour respirer l’odeur de la terre ou converser avec les grenouilles.
Pendant quelques minutes, j’ai fermé les yeux, toute à la contemplation de ces images désirables. Quand je les ai rouverts, j’ai vu par la fenêtre qu’il avait commencé à neiger.
-- Ah non, pitié, pas la neige déjà! Nous sommes encore en novembre, ai-je murmuré en cherchant Messidor des yeux… Mais son bol était vide, il avait disparu.
Bon, me suis-je dit, aussi bien qu’il ne le sache pas, il va encore m’accuser d’être de connivence avec les dieux de la météo.
Mais j'ai eu besoin de sa présence en sentant une pernicieuse vague de tristesse m’envahir.
Il n’était pas à sa place habituelle, je devrais dire ses places, il en a plusieurs. Je les ai parcourues une à une sans l’apercevoir. Il n’était pas au téléphone non plus, je sais qu’il aime bien appeler Ti-Guy le matin pour lui faire la conversation, c’est le chat de nos voisins de gauche… Pas au téléphone, non plus. Évidemment, me suis-je dit, il est allé dormir pour oublier son dépit, le sommeil est un bon remède contre l’hiver. Mais il n’était pas au pied de notre lit.
Et puis je l’ai enfin aperçu, assis à la fenêtre, au-dessus du calorifère, là où il ne va jamais. Je me suis approchée très doucement et j’ai effleuré sa tête. Il a poussé un bref jappement de surprise, m’a fixée un moment de son regard confiant et il m’a dit :
-- C’est beau, n’est-ce pas ?
Surprise par son attitude inespérée, j’ai regardé les cristaux géants se poser délicatement sur les branches du grand pin. Pendant un moment, je n'ai fait que regarder.
J’étais subjuguée, c’était magnifique.
-- Je n’aime pas le froid, mais je ne déteste pas regarder la neige tomber, a-t-il dit, souriant. Tu as bien fait de commander l’hiver, finalement ! Il suffit parfois de changer de place pour le voir autrement.
Je n’ai rien répliqué, mais je n’ai pu m’empêcher de penser : il a raison, il suffit de changer d’angle, comme pour la photo. J’ai donc bien fait d’apprendre à parler à mon chat !
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