mercredi 21 septembre 2022

Jour 210 Poutine compte plus que jamais sur des mercenaires


Signe de désespoir ? Signe de dysfonctionnement ? 
Depuis le début de la contre-offensive ukrainienne dans le nord-est et le sud du pays et le recul significatif des forces du Kremlin, le président russe, Vladimir Poutine, semble plus que jamais compter sur des mercenaires et des milices paramilitaires afin de poursuivre son agression de l’Ukraine et surtout y maintenir ses positions. 

C’est du moins ce que souligne l’Institute for the Study of War (ISW), groupe américain d’analyse et de réflexion sur la guerre, dans son plus récent rapport, en évoquant au passage le « contournement » par l’homme fort du Kremlin du « commandement militaire supérieur russe et la direction du ministère de la Défense », « en particulier après la défaite autour de l’oblast de Kharkiv », célébrée par Kiev la semaine dernière. 

Une trajectoire prévisible dans une guerre qui, depuis ses premières mesures en février dernier, ne semble pas se dérouler comme prévu pour Vladimir Poutine, et qui confirme aussi le caractère « terroriste » de cette invasion. 

Les populations, exposées à ces miliciens « mal préparés » et recrutés parfois parmi les criminels incarcérés en Russie, risquent encore d’en payer le prix. 

 Recrutement dans les prisons 
« C’est un signe de plus que la Russie est en train de perdre la guerre en Ukraine, commente en entrevue au Devoir Sean McFate, membre du groupe de réflexion Atlantic Council et spécialiste en défense et géostratégie à la Georgetown University. Depuis mars dernier et l’échec de la guerre éclair, Moscou est entré dans une guerre non conventionnelle qui consiste à massacrer les civils et à raser les villes, comme elle l’a fait à Grozny [en Tchétchénie], Alep [en Syrie] et Marioupol [au sud de l’Ukraine].

C’est une stratégie terroriste, reposant sur une politique d’intimidation et de dommages collatéraux, et les mercenaires sont parfaits pour cette mission parce qu’ils se foutent de la guerre. Tout ce qu’ils veulent, c’est leur salaire. » 

Le recrutement de mercenaires semble battre son plein en Russie, comme en témoigne une vidéo qui a fait son apparition la semaine dernière et dans laquelle un homme, ressemblant à Evgueni Prigojine, un proche de Poutine et oligarque à la tête du groupe paramilitaire Wagner, à la solde du Kremlin, cherche à convaincre des prisonniers d’une colonie pénitentiaire de s’engager dans le conflit en Ukraine. 

Le document a circulé massivement sur les réseaux sociaux russes, laissant présager une « fuite » orchestrée par le pouvoir en place pour promouvoir une campagne de mobilisation que le bilan de l’offensive sur le terrain semble compliquer. Jeudi dernier, l’état-major de l’armée ukrainienne a indiqué que près de 350 soldats russes sont tombés au combat en un jour durant la dernière contre-offensive lancée pour reprendre la région de Kharkiv. Un nombre record depuis le début du conflit. 

Kiev estime à plus de 53 000 le nombre total de militaires russes morts dans cette guerre d’invasion, en près de sept mois. 

 Le Kremlin parle pour sa part de moins de 8000 morts dans ses rangs, même si une fuite récente de document, provenant du ministère des Finances russes et résumant les indemnités versées aux familles des soldats tombés sur le champ de bataille, permet d’établir à près de 48 000 le bilan humain de cette guerre, côté russe. 

« Le groupe Wagner peine de plus en plus à remplir ses rangs et n’a plus d’autres choix que de vider les prisons russes pour trouver ces mercenaires », dit Sean McFate. Dans la vidéo, Evgueni Prigojine, surnommé le « cuisinier de Poutine », promet aux hommes une grâce présidentielle contre un service de six mois en Ukraine. Le tout pour un salaire de 100 000 roubles, 2000 $ canadiens par mois, environ. 

Violations des droits de la personne ? 
Selon l’ISW, la « formation de telles unités risque d’entraîner de nouvelles tensions, des inégalités et un manque général de cohésion entre les forces » russes sur le terrain, tout en plaçant le personnel militaire et les civils ukrainiens devant des « problèmes de comportement parmi les prisonniers recrutés, en raison de la prévalence probable de personnes reconnues coupables de crimes violents, de trafic de stupéfiants et de viol », peut-on lire. 

 L’utilisation de mercenaires bon marché vient certainement augmenter la possibilité de violations des droits de la personne sur le terrain, ajoute Sean McFate, en raison d’une mauvaise discipline, mauvaise formation et d’un manque d’imputabilité de ces soldats. » 

 Face à la résistance et à la contre-offensive ukrainienne, le Kremlin a cherché mardi à sceller par ailleurs plus rapidement le sort des territoires conquis, en annonçant la tenue dans l’urgence de référendums d’annexion dans les régions de Louhansk et Donetsk, dans l’est, mais aussi de Kherson au sud, du 23 au 27 septembre prochains. 

Le geste a été qualifié de « chantage » russe motivé par « la peur de la défaite » par le chef de l’administration présidentielle ukrainienne, Andriï Iermak. Il a promis que cette menace allait être « liquidée », rapporte l’Agence France-Presse. 

Ces scrutins vont être organisés par les autorités séparatistes autoproclamées à la botte de Poutine et suivent le même cadre que celui qui a formalisé l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée par la Russie en 2014. 

La communauté internationale avait condamné cette « consultation ». Les choses ne vont pas bien pour Vladimir Poutine, qui fait face à une contestation de plus en plus forte en Russie et à des appels de moins en moins sourds réclamant son départ. 

« C’est probablement le point le plus bas de sa carrière politique », croit Sean McFate. Signe de ce mécontentement grimpant, dimanche, 

Alla Pougatcheva, 73 ans, icône russe de la chanson populaire postsoviétique, a appelé à la fin de la guerre en Ukraine, dans une publication sur Instagram qui n’est pas passée inaperçue. Elle y demandait « la fin de la mort de nos garçons pour des buts illusoires » et dénonçait un conflit qui a fait de « de notre pays un paria » tout en alourdissant « la vie de nos concitoyens », peut-on lire. 

Fabien Deglise, Le Devoir 
21 septembre 2022

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