Vous avez remarqué le changement de
titre de ce blogue ? Les bonheurs étaient lourds à porter et, pour tout dire,
pas évidents à trouver quand on se nourrit de l’actualité. Tous les matins,
j’épluchais les journaux, la mine triste, le regard lourd de déception. Trop rarement des sourires. Que du
marasme et de la grisaille, que de l’opposition et du mécontentement ! J’ai donc décidé de remplacer mes bonheurs par mes
humeurs. Et comme pour accompagner ce changement de cap, j’ai rédigé un billet
le samedi 2 novembre. En voici un autre.
Meurtre gratuit
J’ai tué une
araignée ce matin. Elle était mignonne, pas du tout du genre répugnant, elle
était rousse et courte sur pattes, le ventre rond, un très joli spécimen.
Immédiatement
après l’avoir écrasée du bout de mon pouce, j’ai regretté mon geste. Qui
suis-je pour avoir décidé d’interrompre sa vie ? me suis-je demandé. Parmi les
40 000 espèces connues, seulement 200 ont la capacité d’infliger des morsures
pouvant affecter la santé d’un être humain. Et celle-là n’était pas du genre
agressif, elle ne m’avait nullement menacée avant que je la réduise à néant. Au
contraire, elle ne s’était pas occupée de moi, je l’avais vue arpenter mon
bureau d’une allure déterminée, qui sait si elle n’était pas en quête d’un
sapin de Noël pour réjouir sa petite famille ?
Blague
à part, je n’avais pas le cœur à rire. Les aranéides sont des créatures
remarquables. En Inde, elles sont considérées comme «un symbole de liberté en
raison de leur capacité à descendre, mais surtout à s’élever le long du fil
qu’elles créent selon leurs besoins, ce fil qui leur permet de s’élever jusqu’à
la révélation et la libération ».
Plus
je lisais sur ce modèle de persévérance capable de reconstruire deux fois une
toile en une même journée (merci Wikipédia !), plus je me reprochais ma conduite
envers celle que je venais d’assassiner. Ce n’était plus qu’un petit amas
poussiéreux que je m’apprêtais à ramasser lorsque le chat de la maison s’est
approché pour le renifler.
--
Tu ne la manges pas ? m’a-t-il demandé, l’air narquois.
--
Euh…, je n’ai pas très faim,
dis-je, souriante mais penaude. Tu la veux, toi ?
--
Non, pas d’arachnides pour moi. Tu sais bien que je ne mange que les proies que
je tue.
Ce
n’était pas pour me déculpabiliser. Surtout qu’il a insisté, se prenant
cruellement pour ma conscience :
--
Pourquoi l’as-tu écrasée ?
Je
n’ai su quoi répondre. En réalité, je ne le savais pas. Et j’avais honte de ne
pas savoir.
Sans
le regarder, j’ai recueilli le petit cadavre dans un mouchoir de papier et j’ai
poursuivi ma lecture en souhaitant que le chat se trouve un endroit où
s’assoupir.
Hélas,
il continuait à me fixer, attendant une réponse.
C’est
encore dans le texte qui s’affichait sur mon écran que je crus pouvoir endormir
une partie de mes regrets.
--
Savais-tu, lui dis-je, que les araignées capturent chaque année 400 millions
d’insectes par hectare, c’est plus que les oiseaux ? Te rends-tu compte des
milliers de vies que j’ai sauvées en la tuant !
--
Bof, me répondit-il tu viens de me fournir un excellent argument quand tu me
reprocheras de tuer des oiseaux.
Encore
une fois, je restai muette de stupeur. Je n’aurais jamais dû apprendre à parler
à mon chat !
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