vendredi 17 mai 2013

Le Québec dans son assiette, prise 2




J’ai l’humeur dubitative ce matin en lisant ce  billet qui fait suite à la nouvelle que j’ai mise en ligne hier dans ces pages.

La « souveraineté alimentaire». Vraiment ?
Un billet de Feifei Chiang*



Radio-Canada a affirmé, mercredi, que le gouvernement du Québec planchait sur la possibilité d’avoir des incitatifs plus sérieux pour les géants de l’alimentation à s’approvisionner au Québec.

La manie du gouvernement Marois de vouloir insérer le mot « souveraineté » partout m'a presque fait rater une nouvelle que je qualifie d'importante. J'ai dû lire une deuxième fois pour comprendre de quoi il s'agissait.

En effet, au Québec, les supermarchés refusent systématiquement de s’approvisionner au Québec. Pire encore : les lois forcent ces supermarchés à afficher la provenance de leurs aliments, mais ceux-ci, plus souvent qu’autrement, refusent de le faire.
Mon expérience personnelle me dit que certains gérants de supermarchés prennent le mors aux dents lorsqu’on leur souligne le fait qu’ils ne respectent pas la loi. Allez-y, voir, faites le test : promenez-vous dans l’allée des fruits et légumes dans un Loblaws ou dans un Intermarché. Est-ce que la
provenance des fraises, des bleuets, des navets et des topinambours est écrite? Si non, jouez les trouble-fête, je vous en prie : allez au comptoir de service à la clientèle, demandez le gérant, et demandez-lui pourquoi les provenances ne sont pas clairement indiquées. Regardez-le tourner rouge, bleu, vert, crier et vous « inciter » à quitter les lieux. Allez-y, pour voir!

Économies de bouts de chandelle
Alors que certains y voient enfin une lueur de bon sens de la part de ce gouvernement mis à mal dans les sondages, d’autres affirment qu’il s’agit de protectionnisme rétrograde et même d’une forme de taxe cachée. Mais qui peut bien penser que « manger local » soit une mauvaise idée? Je vous le demande en toute sincérité : quelqu’un peut me donner un argument valide? Je ne comprends pas qui pourrait être contre.

Voyons voir, quels sont les points positifs à vouloir financer, aider, promouvoir et célébrer les agriculteurs locaux?
- L’économie des régions est, en très grande partie, basée sur l’agriculture. Ceci signifie qu’il y aurait enfin des emplois dans des endroits mis à mal par la conjoncture économique actuelle.
- Les pesticides et autres produits chimiques qui sont illégaux au Québec – illégaux puisqu’on sait qu’ils sont nocifs – ne le sont pas nécessairement aux États-Unis, en Amérique latine ou encore en Chine. On ne sait pas vraiment ce qu’on met dans notre bouche…
- La viande est traitée très différemment. On sait déjà que le porc est maltraité au Québec et qu’il le sera encore longtemps, mais on moins, on le sait. On n’a aucune idée des traitements réservés aux animaux en provenance de l’Argentine ou de l’Inde.
- Les agriculteurs locaux sont des gens fiers, qui travaillent plus fort que quiconque, et qui sont en difficulté financière pour la plupart. En fait, l’agriculteur est une espèce en voie de disparition. Leur sort est entre nos mains.
- On a parlé maintes et maintes fois, depuis une dizaine d’années, de la bouffe bio. Si on veut que les terres du Québec soient traitées « à la bio », il faudrait, fort probablement acheter leurs produits.
- Le transport d’aliments est un sérieux problème. Par bateau, par avion, par train, par camion : tous brûlent des centaines de milliers de barils de pétrole par année. Ceci pose problème pour l’environnement et pour l’économie, bien entendu, mais aussi pour l’armée canadienne : par exemple, le pétrole brûlé au Québec vient, en grande partie, d’Algérie. Vous souvenez-vous de la prise d’otages de terroristes en janvier dernier? Aussi, Al-Qaida au Maghreb est bien implanté en Algérie – en fait, ses racines s’y trouvent.
Bien entendu, cette liste est non-exhaustive. En fait, je vous mets au défi, chers lecteurs, d’en trouver d’autres et de les ajouter aux commentaires au bas de cette page.
Et puis, si le gouvernement du Québec pouvait, du même coup, changer son fusil d’épaule au sujet de l’étiquetage OGM… Mais bon, je rêve probablement en couleurs.

Pas seulement les fruits et légumes
Mais cette situation est d’autant plus probante lorsqu’on pense à la viande. Les petits producteurs de bœuf d’Estrie (et de tout le Québec) souffrent sérieusement, au point où plusieurs observateurs se demandent si l’industrie ne serait pas à l’agonie. Entre autres problèmes, ils en ont un géant sur les bras, causé par les amis de Jean Charest avec l’affaire de l’abattoir Levinoff-Colbex, et ce scandale va continuer à leur coûter très cher durant les années à venir.
Aussi, la provenance des viandes emballées par les supermarchés n’est que très rarement affichée. Le gouvernement forcera-t-il l’industrie à changer cette pratique? Cette incongruité est malheureusement une sérieuse épine dans le pied de la crédibilité du gouvernement Marois sur ce projet de bouffe locale, qui n’est, rappelons-le, qu’à l’étape d’idée.
Le bœuf de l’Alberta, le porc du Vermont, le lait et les œufs d’Ontario…
Mais ce qui frappe le plus, c’est à quel point le marché de l’agneau et inondé de viande en provenance de Nouvelle-Zélande.
L’agneau du Québec – entre autres celui de Charlevoix, internationalement reconnu – est presqu’absent des tablettes des géants de l’alimentation. L’agneau congelé et décongelé venant de Nouvelle-Zélande – à une distance de près de 15 000 kilomètres, rappelons-le – est partout, moins cher, emballé sous vide et l’objet de maintes et maintes promotions dans les circulaires des Provigo et Super C de ce monde.

Une nouvelle mode frappe présentement Montréal : celle du restaurant qui offre des produits locaux – bières, vins, viandes, fruits et légumes – concoctés à l’aide de techniques locales venant de chefs québécois – Martin Picard, David McMillan – et cette mode locavore fait la renommée du Québec dans le monde. La preuve? Anthony Bourdain consacrait en avril dernier une émission d’une heure sur les mérites de la cuisine et des produits du terroir québécois. Cependant, les ménages québécois continuent de manger des produits venant de l’autre bout du monde.
Oui, le gouvernement québécois fait bien d’explorer cette avenue. En fait, celui-ci est probablement quinze ans en retard.

* Feifei Chiang
Chinoise, Québécoise, Pékinoise, Montréalaise, Canadienne, étudiante à la maîtrise en communications à l'université Northwestern de Chicago, Feifei Chiang passe son temps à apprendre, à questionner, à contester et à être contestée. Elle se passionne pour l'actualité sous toutes ses formes.


1 commentaire:

  1. Bonjour Messidor,

    Dans le temps ici, il y avait la Boucherie Chouinard qui offrait une viande de qualité supérieure. À force de travail et d'acharnement, les propriétaires que nous connaissons, ont ouvert un IGA extra qui porte le nom de IGA-boucherie Chouinard.

    Ils se sont battus avec la chaîne mais ils ont gagnés. Ils continuent d'offrir leur viande et au niveau des fruits et légumes, ils offrent des produits locaux quand ils sont disponibles. Au niveau de la poissonnerie, nous avons dans le coin un fumoir de saumon et de truite...et bien Chouinard en vend. C'est un IGA complètement différent des autres et nous en sommes fiers.

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