J’ai l’humeur dubitative
ce matin en lisant ce billet qui
fait suite à la nouvelle que j’ai mise en ligne hier dans ces pages.
La « souveraineté alimentaire». Vraiment ?
Un billet de Feifei Chiang*
Radio-Canada a affirmé,
mercredi, que le gouvernement du Québec planchait sur la possibilité d’avoir
des incitatifs plus sérieux pour les géants de l’alimentation à
s’approvisionner au Québec.
La manie du gouvernement
Marois de vouloir insérer le mot « souveraineté » partout m'a
presque fait rater une nouvelle que je qualifie d'importante. J'ai dû lire une
deuxième fois pour comprendre de quoi il s'agissait.
En effet, au Québec, les
supermarchés refusent systématiquement de s’approvisionner au Québec. Pire
encore : les lois forcent ces supermarchés à afficher la provenance de
leurs aliments, mais ceux-ci, plus souvent qu’autrement, refusent de le faire.
Mon expérience personnelle me
dit que certains gérants de supermarchés prennent le mors aux dents lorsqu’on
leur souligne le fait qu’ils ne respectent pas la loi. Allez-y, voir, faites le
test : promenez-vous dans l’allée des fruits et légumes dans un Loblaws ou
dans un Intermarché. Est-ce que la
provenance des fraises, des bleuets, des
navets et des topinambours est écrite? Si non, jouez les trouble-fête, je vous
en prie : allez au comptoir de service à la clientèle, demandez le gérant,
et demandez-lui pourquoi les provenances ne sont pas clairement indiquées.
Regardez-le tourner rouge, bleu, vert, crier et vous « inciter » à
quitter les lieux. Allez-y, pour voir!
Économies de bouts de
chandelle
Alors que certains y voient
enfin une lueur de bon sens de la part de ce gouvernement mis à mal dans les
sondages, d’autres affirment qu’il s’agit de protectionnisme rétrograde et même
d’une forme de taxe cachée. Mais qui peut bien penser que « manger
local » soit une mauvaise idée? Je vous le demande en toute
sincérité : quelqu’un peut me donner un argument valide? Je ne
comprends pas qui pourrait être contre.
Voyons voir, quels sont les
points positifs à vouloir financer, aider, promouvoir et célébrer les
agriculteurs locaux?
- L’économie des régions est,
en très grande partie, basée sur l’agriculture. Ceci signifie qu’il y aurait
enfin des emplois dans des endroits mis à mal par la conjoncture économique
actuelle.
- Les pesticides et autres
produits chimiques qui sont illégaux au Québec – illégaux puisqu’on sait qu’ils
sont nocifs – ne le sont pas nécessairement aux États-Unis, en Amérique latine
ou encore en Chine. On ne sait pas vraiment ce qu’on met dans notre bouche…
- La viande est traitée très
différemment. On sait déjà que le porc est maltraité au
Québec et qu’il le sera encore longtemps, mais on moins, on le sait.
On n’a aucune idée des traitements réservés aux animaux en provenance de
l’Argentine ou de l’Inde.
- On a parlé maintes et
maintes fois, depuis une dizaine d’années, de la bouffe bio. Si on veut que les
terres du Québec soient traitées « à la bio », il faudrait, fort
probablement acheter leurs produits.
- Le transport d’aliments est
un sérieux problème. Par bateau, par avion, par train, par camion : tous
brûlent des centaines de milliers de barils de pétrole par année. Ceci pose
problème pour l’environnement et pour l’économie, bien entendu, mais aussi pour
l’armée canadienne : par exemple, le pétrole brûlé au Québec vient, en
grande partie, d’Algérie. Vous souvenez-vous de la prise
d’otages de terroristes en janvier dernier? Aussi, Al-Qaida au
Maghreb est bien implanté en Algérie – en fait, ses racines s’y trouvent.
Bien entendu, cette liste est
non-exhaustive. En fait, je vous mets au défi, chers lecteurs, d’en trouver
d’autres et de les ajouter aux commentaires au bas de cette page.
Et puis, si le gouvernement
du Québec pouvait, du même coup, changer son fusil d’épaule au sujet de
l’étiquetage OGM… Mais bon, je rêve probablement en couleurs.
Pas seulement les fruits
et légumes
Aussi, la provenance des
viandes emballées par les supermarchés n’est que très rarement affichée. Le
gouvernement forcera-t-il l’industrie à changer cette pratique? Cette
incongruité est malheureusement une sérieuse épine dans le pied de la
crédibilité du gouvernement Marois sur ce projet de bouffe locale, qui n’est,
rappelons-le, qu’à l’étape d’idée.
Le bœuf de l’Alberta, le porc
du Vermont, le lait et les œufs d’Ontario…
Mais ce qui frappe le plus,
c’est à quel point le marché de l’agneau et inondé de viande en provenance de
Nouvelle-Zélande.
L’agneau du Québec – entre
autres celui de Charlevoix, internationalement reconnu – est presqu’absent des
tablettes des géants de l’alimentation. L’agneau congelé et décongelé venant de
Nouvelle-Zélande – à une distance de près de 15 000 kilomètres,
rappelons-le – est partout, moins cher, emballé sous vide et l’objet de maintes
et maintes promotions dans les circulaires des Provigo et Super C de ce
monde.
Une nouvelle mode frappe
présentement Montréal : celle du restaurant qui offre des produits locaux
– bières, vins, viandes, fruits et légumes – concoctés à l’aide de techniques
locales venant de chefs québécois – Martin Picard, David McMillan – et cette
mode locavore fait la renommée du Québec dans le monde. La preuve? Anthony
Bourdain consacrait en avril dernier une émission d’une heure sur les mérites
de la cuisine et des produits du terroir québécois. Cependant, les ménages
québécois continuent de manger des produits venant de l’autre bout du monde.
Oui, le gouvernement
québécois fait bien d’explorer cette avenue. En fait, celui-ci est probablement
quinze ans en retard.
* Feifei Chiang
Chinoise, Québécoise,
Pékinoise, Montréalaise, Canadienne, étudiante à la maîtrise en communications
à l'université Northwestern de Chicago, Feifei Chiang passe son temps à
apprendre, à questionner, à contester et à être contestée. Elle se passionne
pour l'actualité sous toutes ses formes.
Bonjour Messidor,
RépondreSupprimerDans le temps ici, il y avait la Boucherie Chouinard qui offrait une viande de qualité supérieure. À force de travail et d'acharnement, les propriétaires que nous connaissons, ont ouvert un IGA extra qui porte le nom de IGA-boucherie Chouinard.
Ils se sont battus avec la chaîne mais ils ont gagnés. Ils continuent d'offrir leur viande et au niveau des fruits et légumes, ils offrent des produits locaux quand ils sont disponibles. Au niveau de la poissonnerie, nous avons dans le coin un fumoir de saumon et de truite...et bien Chouinard en vend. C'est un IGA complètement différent des autres et nous en sommes fiers.