Ce matin, une question qui ne cesse de me préoccuper, probablement
parce que je continue de manger de la viande avec plaisir au moins une fois par jour. Un
article qui fait réfléchir.
Peut-on manger des animaux ?
Chronique de Louis Cornellier publiée
dans Le Devoir, le 6 juillet 2013
« Comme la plupart d’entre vous, je mange de la viande. J’aimerais
disposer d’arguments irréfutables pour justifier cette conduite sur le plan éthique.
Or, je n’en ai pas. Aussi, les thèses défendues par les végétariens éthiques m’ébranlent.
Par les temps qui courent, ces derniers s’expriment haut et fort pour nous
convaincre d’en finir avec notre culture de carnivores, qu’ils assimilent à un
scandale éthique. En avril 2011, le magazine Marianne constatait déjà « l’inflation
de livres sur l’éthique animale ».
Le dernier en date s’intitule Les animaux aussi ont des
droits et se compose d’entretiens de fond avec Boris Cyrulnik, Élisabeth de
Fontenay et Peter Singer, réalisés par la journaliste Karine Lou Matignon avec
la collaboration de l’ornithologue David Rosane. « Le souci de la condition
animale, écrit la journaliste, bien qu’il soit présent dans la pensée et les débats
des hommes depuis des millénaires, s’impose désormais avec une nouvelle
vigueur. » Cet ouvrage substantiel en constitue une preuve supplémentaire et
nourrit vigoureusement la réflexion.
On peut lui reprocher, toutefois, de ne pas vraiment présenter
les deux côtés de la médaille. Les trois intervenants s’opposent sur certains éléments,
mais s’entendent pour critiquer durement le traitement que notre monde réserve
aux animaux. Inviter à la table un Dominique Lestel, auteur d’une récente
Apologie du carnivore (Fayard, 2011), ou un Jean-Pierre Digard, un
anthropologue très critique des mouvements animalistes, aurait ajouté du sel à
la discussion.
Le critère de la souffrance
Utilitariste, le célèbre philosophe Peter Singer affirme
que, « lorsqu’on a affaire à un choix, c’est l’action qui produit le plus grand
surplus net de bonheur et de plaisir et le moins de souffrance et de misère que
nous devons choisir ». On pourrait en conclure que, puisque manger de la viande
fait le bonheur de bien des humains, ce comportement va de soi. Or, ce serait
oublier que, pour Singer, ainsi que le résume Matignon, « l’être humain a pour
obligation morale d’étendre la communauté éthique à tous les animaux
susceptibles de souffrir ».
Ce ne sont donc plus que notre bonheur et notre
souffrance qui sont dans la balance. Étant donné que certains animaux ont une
conscience et peuvent ressentir de la douleur, il importe de considérer leurs
intérêts aussi. Singer va même très loin en affirmant qu’entre la vie d’un
animal « capable de jouir de sa vie » et celle d’un humain quasi-légume, la
première a plus de valeur. Ce penseur australien appartient au camp des «
abolitionnistes », un mouvement qui prône le végétalisme radical et n’accepte
les recherches sur les animaux qu’en cas d’absolue nécessité (pour sauver des
vies humaines).
La philosophe française Élisabeth de Fontenay rejette ce
radicalisme antispécisme, qu’elle assimile à un antihumanisme. Elle reconnaît
une « continuité entre l’homme et l’animal », mais soutient que la culture du
premier le place au-dessus du second. Cette position, cependant, s’accompagne
de devoirs par rapport aux animaux « conscients et sensibles » (notamment les
singes, les animaux d’élevage, les chiens et les chats).
Ambivalente quant au végétalisme, la philosophe se
prononce toutefois clairement pour « la désindustrialisation de l’élevage et de
l’abattage » et, surtout, pour l’approfondissement de « la confrontation à
cette énigme ontologique qu’est la présence animale » puisque « celui qui ne s’aperçoit
pas et ne s’émeut pas de la vulnérabilité de ces vies nues ne me semble pas
tout à fait un humain digne de ce nom ». Riche et profonde, la réflexion d’Élisabeth
de Fontenay est le moment fort de cet ouvrage.
De l’entretien avec le neuropsychiatre Boris Cyrulnik,
qui se définit comme un « archéo-humain » parce qu’il n’est pas encore végétarien,
il ressort essentiellement cette idée qu’il faut mieux faire connaître l’univers
animal parce que « plus nous découvrirons et accepterons l’existence d’un monde
mental sophistiqué chez les animaux - et l’éthologie ne cesse d’en apporter les
preuves -, plus notre empathie va nous contraindre à ne plus faire n’importe
quoi avec eux ».
Les conséquences de nos choix
Tous, ou presque, seront d’accord avec cette idée. Il
reste, ensuite, à déterminer les limites de cette empathie et à évaluer les
conséquences de nos choix. Le philosophe Dominique Lestel s’oppose à l’élevage
industriel, mais se fait l’apologiste des carnivores et relève les
contradictions du végétalisme éthique. Ce dernier, explique-t-il, refuse le spécisme,
qu’il assimile au racisme, mais, ce faisant, il refait de l’homme un être d’exception,
capable, contrairement aux animaux, de s’imposer des interdits moraux. Le
carnivore, selon Lestel, en tuant lui aussi pour se nourrir, serait plus proche
des animaux que les végétariens ne le sont.
En décembre 1995, dans la revue Esprit, André
Comte-Sponville formule une objection à ce raisonnement. « On dira, écrit-il,
que la nature nous a faits omnivores. Elle nous a faits omnivores, mais elle
nous a faits aussi assassins et menteurs, et ce n’est pas une objection contre
le respect de la vie ou de la vérité. Puis, sans aller jusqu’à changer notre régime
alimentaire, nous pourrions au moins offrir aux bêtes qui nous nourrissent des
conditions de vie et de mort qui ne soient pas à ce point atroces qu’elles dégradent
l’idée même que l’on se fait de l’humanité, et le respect qu’on lui doit. »
Lestel, d’ailleurs, ne dit pas vraiment autre chose.
Ne plus manger de viande, enfin, n’aurait-il pas pour résultat, comme le
suggère le philosophe anglais Richard Hare, la disparition des animaux d’élevage
? C’est le prix à payer pour la fin de l’esclavage animal, admettent les
abolitionnistes. Est-il si sûr, pourtant, demande le philosophe français Ruwen
Ogien, que pas de vie du tout vaut mieux qu’une vie brève et peut-être pénible
? Ce qui est certain, en tout cas, c’est que toutes ces considérations rendent
les barbecues plus troublants. »
http://www.ledevoir.com/culture/livres/382185/peut-on-manger-des-animaux
je ne dirais rien ,ok rien
RépondreSupprimerhihihih
Bonjour Rejj,
RépondreSupprimerC'est bien mieux d'écrire «rien» que de ne pas écrire du tout.
Je sais ce que tu penses, et te remercie d'autant plus d'être passé.
(Surtout que c'est l'anniversaire de Puce aujourd'hui...)