vendredi 31 mai 2013

La photo intrusive



Humeur dubitative ce matin... Il m’est arrivé souvent, en voyage, d’avoir des scrupules à photographier des gens. Des paysans surtout, qui pensaient que je risquais de leur voler leur âme en les photographiant…

Mettre en photo une époque
qui aime regarder chez les autres
Chronique de Fabien Deglise publiée dans Le Devoir, le 28 mai 2013

Allez, avouez! Quand vous marchez dans la rue, le soir, vous ne rechignez pas à regarder discrètement vos voisins exposant leur intimité, malgré eux, par les fenêtres éclairées de leur résidence. Le photographe new-yorkais Arne Svenson non plus. Et il le prouve avec une série de clichés, actuellement exposés dans une galerie d'art de la «Grosse Pomme», et qui explorent avec finesse et une certaine poésie un des travers de notre présent: le voyeurisme.

Observer, sans se commettre. Surveiller à distance, parfois de manière sournoise. Suivre sans s'engager. La numérisation des rapports sociaux n'a pas seulement modifié notre façon de communiquer, mais également notre rapport à l'autre, estime Svenson qui, avec son projet intitulé The Neighbors — les voisins, quoi! — a décidé à sa manière d'explorer ces drôles de dérives qui viennent avec notre ici-maintenant. Comment? En posant sur papier numérique le quotidien volé de plusieurs dizaines de personnes vivant à New York et s'étant retrouvées au bon moment — ou au mauvais, c'est selon — proche de leur fenêtre lorsque le photographe passait par là.

Des jambes sous une table au moment du déjeuner, une femme élégante le visage masqué par un rideau, une autre à quatre pattes en train de réparer un meuble, un corps se reposant sur un canapé... cette collection d'intimités exposées est fascinante. Elle vient également matérialiser à sa manière les principes d'intrusion, de surveillance, d'observation passive de ses «amis» sur Facebook, d'exposition inconsciente du soi, qui eux, le sont moins.

D'ailleurs, une poignée de New-Yorkais ne semblent pas avoir particulièrement apprécié  l'exercice de style, après s'être reconnu sur les photos. Pour eux, le travail de Svenson n'est rien d'autre qu'une intrusion dans leur vie privée, comme l'a récemment rapporté la publication Today. «Je suis choqué, a dit le résident d'un immeuble de Manhattan dont les fenêtres se sont retrouvées sous l'oeil de l'artiste. Beaucoup d'enfants vivent dans cet immeuble et je suis sûr qu'il [le photographe] n'a pas tout montré». Une femme s'est dite «troublé» à l'idée de se savoir espionnée par le téléobjectif du photographe qui, lui, se défend en évoquant qu'aucun visage n'apparait sur ses clichés. Ce projet emprunte, dans sa forme, à l'observation photographique de la faune volante, explique-t-il, rien de plus.

Mais en fait, il vient surtout confirmer toute la force de sa proposition artistique qui, dans une époque qui aime questionner ses grandes contradictions, loin de laisser indifférente, éveille bien des choses, mais surtout pas l'indifférence.

http://www.ledevoir.com/opinion/blogues/les-mutations-tranquilles/379248/une-epoque-qui-aime-regarder-chez-les-autres

1 commentaire:

  1. Pour moi l'intimité d'un chez soi, c'est sacré. Non, je n'aurai pas aimé être une de ses victimes.

    Et si par hasard il tombait sur un couple en pleins ébats ou un enfant nu?

    D'après moi il est plus proche du voyeurisme pur et simple que du photographe.

    RépondreSupprimer

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