Cette lettre-fiction, écrite avec
humour et dérision, est
signée Pierre René
Dansereau et a été publiée dans Le Devoir
le 29 avril 2014.
Montréal, le 30 avril 2030
Comment se fait-il
qu’aujourd’hui en 2030, certains francophones natifs du Québec profond
débarquent à Montréal avec une si piètre connaissance de l’anglais. Pourtant,
il y a déjà plus de 15 ans, le gouvernement Couillard instaurait des cours
d’anglais intensif dans les écoles primaires de la belle province. En 2014, le
ministre de l’époque, M. Yves Bolduc, laissait entendre que l’anglais intensif
en sixième année permettrait de bilinguiser tous les petits Québécois. Quelques
années plus tard après sa réélection en 2018, le gouvernement libéral rajoutait
une autre année d’anglais intensif en 5e année du primaire puis en
1re année du secondaire.
À l’époque, les
animateurs de radio de la ville de Québec avaient mené une campagne passionnée
pour exiger cette mesure. Unilingue francophone, Sylvain Bouchard, du 93,3, se
considérait d’ailleurs comme un handicapé et craignait que ses enfants ne
subissent le même sort. Malgré tous les efforts déployés depuis, on constate
que la maîtrise parfaite de l’anglais fait encore défaut dans les régions
éloignées de la province. En revanche, nous avons observé des résultats
spectaculaires à Montréal où tous les Québécois peuvent maintenant s’exprimer
dans un excellent anglais et communiquer efficacement avec les immigrants. Il
n’est donc plus nécessaire d’obliger ces derniers à apprendre le français, une
idée aberrante autrefois défendue par les nationalistes arriérés. Comment
a-t-on pu croire qu’on pouvait étudier sérieusement ou travailler en français
dans une grande ville internationale comme Montréal ?
Bien des hommes et
des femmes d’affaires, dont l’illustre Gilbert Rozon, notent aujourd’hui avec
satisfaction que les anciennes universités francophones ont évolué vers une
plus grande efficacité. À l’Université de Montreal University et à l’UQAM-QUAM,
tous les cours sont donnés en anglais dans les facultés qui enseignent les
vraies affaires : le commerce, le droit, le génie, l’administration. De
même, les anciens cégeps de la métropole se sont progressivement convertis à
l’anglais depuis 2020, tout le monde ayant compris que des études
post-secondaires sérieuses doivent se faire dans la langue de l’Économie.
Seuls les
départements et les facultés d’arts et lettres continuent d’offrir des cours en
français, car notre belle langue mérite d’être conservée pour nourrir la
richesse de la diversité canadienne. Afin de donner une chance égale aux petits
Québécois des régions éloignées, nous encourageons le nouveau gouvernement
libéral à aller de l’avant avec son projet de bilinguiser dès cette année
toutes les écoles primaires et secondaires de la province. Cela ne constitue nullement
une menace pour le français, comme certaines personnes osent encore le
prétendre. La nouvelle ministre de l’Éducation, Mme Lysiane Dubuc, a été très
convaincante en entrevue la semaine dernière avec Marie-Christine
Brazeau : notre belle langue française doit continuer de fleurir à
l’intérieur de nos familles et de nos maisons. Les francophones continueront
d’apprendre une certaine base en français, pour les mots du quotidien.
Mais c’est en
anglais que nos jeunes réussiront leurs carrières, tout le monde en conviendra
en 2030. Avec le français chez soi et l’anglais au travail, les moutons seront
bien gardés, l’économie pourra prospérer et l’avenir de nos enfants sera
assuré. Très bientôt, les Québécois de toutes les régions seront aussi
bilingues que les autres Canadiens français du Nouveau-Brunswick et de
l’Ontario, et tous ensemble nous serons fiers de constituer une grande minorité
culturelle dans le Canada d’aujourd’hui. Merci Madame la Ministre.
Et comme disait
l’humoriste bien connu Honey Tammy, dans son nouveau spectacle 100 % en
mots français : « Les francophones peuvent garder leur confidence de
pouvoir parler avec leurs relatives. Quel est le point de faire des
démonstrations dans la rue? Ça te porte à une non-issue d’adresser la langue
comme un problème, car à la fin de la journée, nous sommes tous des Canadiens
qui se rencontrent avec la langue anglaise. »
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