Je hais les rhinites
Un virus, ça n’a
l’air de rien, c’est minuscule, ça ne se voit pas à l’œil nu, sauf sur
Internet, mais si vous saviez quels dommages la moins futée de ces nanoportions
peut causer à des êtres humains…!
On croit généralement que ce qui est petit est mignon, mais ce n’est pas
vrai dans le cas d’un virus. Quand je vois comment ce dangereux insignifiant
s’en est pris à mes parents adoptifs, un sentiment de haine m’habite à l’égard
de cette forme de vie destructrice.
Ce n’est pas pour
rien que le mot virus signifie poison. D’ailleurs, ce n’est pas seulement la
vie de sa victime qu’il empoisonne, mais celle de ceux qui gravitent autour
d’elle. Le virus qui a terrassé ma mère est pourtant survenu par un bel
après-midi de fin de semaine. Je me prélassais au salon, j’étais allongé dans
un rayon de soleil quand je l’ai entendue qui disait à mon père: « Je me sens
bizarre, on dirait que je vais avoir un rhume.» Cette phrase, je l’entends
pratiquement toutes les semaines de l’hiver, je n’en croyais rien. Mais
immédiatement après le souper, ma mère parlait d’une voix nasillarde et elle a
commencé à renifler et à se moucher. Elle a dit : « J’ai une boule dans la
gorge, il est violent celui-là, il va sûrement passer très vite, tant mieux ! »
Le lendemain, cinq boîtes de mouchoirs avaient été vidées. Mon père s’étonnait,
lui que la nature et l’hérédité ont gratifié d’un remarquable appendice nasal :
«Comment un aussi petit nez peut-il générer un tel océan de sécrétions, je
n’arrive pas à comprendre…? »
Ma mère
ressemblait à un clown avec son pif rouge, ses cernes sous les yeux, ses traits
tirés, sa langue blanchie, son air absent. Un clown
triste, évidemment, voire abattu, découragé, démoralisé, pessimiste, sombre,
ténébreux, en un mot dépressif. Mais on n’avait encore rien vu, la nuit qui a
suivi a été un véritable cauchemar pour nous trois, pour nous deux autant que pour
elle. Des quintes de toux l’ont secouée qui la laissaient épuisée et penaude,
et, nous comme elle, exaspérés. Elle s’est courageusement levée à quatre heures
du matin pour s’occuper de son blogue, j’étais soulagé, j’ai pu enfin
m’endormir. Mais après le petit-déjeuner, je l’ai perdue de vue, je ne la
trouvais plus. Je l’ai cherchée partout dans la maison sauf là où j’aurais dû,
elle était retournée au lit. C’était si inhabituel de sa part que je l’ai
laissée dormir, je suis retourné d’où je venais sans faire de bruit, elle
avait l’air tellement misérable. Elle s’est levée à dix heures, encore tout
ensommeillée, mais elle se traînait, marchait comme si elle avait vieilli de
vingt ans en quelques heures.
C’est mon paternel
qui fut le plus à plaindre durant cette semaine d’enfer. Non seulement il ne
l’entendait plus rire quand il plaisantait, mais elle ratait la plupart des
plats qu’elle préparait. Elle souffrait d’agueusie, elle avait perdu la faculté
de goûter les aliments. Toute une calamité pour une passionnée de cuisine, et
qui allait comporter de lourdes conséquences pour son goûteur. Une tarte au chocolat
sans sucre, un potage trop pimenté, une poisson fade et moche comme une journée d’hiver
sans soleil, mes deux vieux dépérissaient par la faute de cette nasopharyngite
de malheur.
Moi aussi, je
souffrais. Je ne l’entendais plus me murmurer des mots d’amour quand elle me
caressait, finis les dialogues philosophiques entre nous, elle avait aussi
perdu la voix. J’aurais pu me rabattre sur ses écrits, hélas, même pas, elle
avait également perdu l’envie d’écrire. Et pour que cela se produise, il
fallait qu’elle soit rendue vraiment très bas. Elle était devenue l’ombre de son
ombre, elle était devenue l’ombre de son chat. Certes, je compatissais à ses
malheurs, mais j’avais surtout très hâte que ce rhume de malheur se termine, le
pire dont j’avais pu observer les effets dévastateurs en quinze ans de cohabitation avec un
couple d’humains régulièrement aux prises avec ce virus.
Or, toutes les
situations ont une fin, à plus forte raison quand elles sont insupportables. Le
rhume a poussé son dernier souffle la nuit dernière. Je n’ai malheureusement
pas été témoin de son déclin, je passais dorénavant mes nuits à l’extérieur de
la chambre conjugale. Mais à mon réveil, j’ai entendu un son familier, le
bruit si mélodieux des touches qu’on frappe doucement quand on écrit sur un
clavier. Et puis j’ai entendu un murmure si cher à mes oreilles, ma mère adoptive venait
d’éclater de rire.
Alors, j’ai su
que nous allions couler encore des jours heureux et que cette première journée
de rémission serait splendide !
Le virus
Le rhume
Bonjour Messidor
RépondreSupprimerJe comprend très bien ce que tu a vécu. Quand la «bibite» s'installe chez nous ce n'est pas drôle. Ma mère adoptive n'est plus la même, elle bougonne et passe son temps à chialer à propos de son rhume. Mais la pire, c'est ma soeur adoptive, elle quand elle a le rhume, la planète complète est au courant. Content pour toi que tout cela soit du passé.
Bonne journée
Amicalement
Monsieur Victor
Bonjour Victor,
SupprimerAh, ces humains, quand ils attrapent un rhume,
c'est comme s'ils allaient trépasser.
Nous, est-ce qu'on passe notre temps à se plaindre de nos
articulations vieillissantes ou de nos maux d'estomac ?
N'empêche, j'aime autant ne pas attraper ce genre de virus.
Avec quoi nous moucherions-nous, je te le demande...?
Allez, salut Victor, bonne journée flambant neuve !