samedi 18 février 2023

Jour 360 - D’où vient le conflit, comment pourrait-il finir ?


Il y a un an, le 24 février, un peu après 6 h du matin à l’heure de Moscou, commençait l’invasion de l’Ukraine par la Russie. 

Mais est-ce bien le cas ? Cette guerre a-t-elle vraiment commencé à cette date précise ? 

« Je pense qu’on peut dire que cette guerre a vraiment débuté en 2014 », répond Charles-Philippe David, professeur de sciences politiques de l’UQAM, fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques. Il rappelle que la révolution de Maïdan en février de cette année-là a abouti à la destitution du président prorusse Victor Ianoukovitch, à la conquête de la Crimée par la Russie et à l’appui aux groupes autonomistes du Donbass, conflit qui a fait à lui seul 14 000 morts. « Les provinces de l’est de l’Ukraine sont de fait déjà en guerre factuellement depuis 2014 », résume-t-il. 

Olivier Schmitt, professeur de relations internationales au Centre sur les études de guerre de l’Université du Sud-Danemark, fait de l’invasion de la Crimée un tournant décisif. « C’est aussi un conflit de plus long terme qui se cristallise à partir de 2004, au moment de la révolution Orange en Ukraine, dit-il. À partir de ce moment, les Russes commencent à s’inquiéter et à se dire qu’il se passe quelque chose qu’ils ne contrôlent plus. Pour moi, le conflit débute donc en 2004 et bascule en guerre en 2014. » 

Les professeurs Schmitt et David ont codirigé La guerre et la paix. Approches et enjeux de la sécurité et de la stratégie (Presses de Sciences Po), somme incontournable en français maintenant à sa quatrième édition revue et augmentée. Le premier conflit en Europe depuis des décennies permet de mettre les théories à l’épreuve et de juger la pratique. 

« Comme beaucoup d’observateurs, j’ai été étonné : je pensais l’armée russe beaucoup plus compétente et l’armée ukrainienne moins efficace que ce qu’on a vu en réalité, dit M. Schmitt. Il ne faut pas non plus sous-estimer la capacité d’adaptation russe. Il ne faut pas tomber dans l’excès inverse en pensant que la Russie va perdre et a perdu cette guerre. » 

Une guerre néo-impériale 
De quoi est-elle faite, au fait, cette « opération militaire spéciale » ? De quel type de guerre s’agit-il ?

Le professeur David cite trois grandes catégories de conflits en se basant sur les caractéristiques définies par le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) et par The International Institute for Strategic Studies (IISS) de Londres : les conflits internationaux opposant deux États ; les guerres à l’intérieur d’un État entre factions armées ; et puis les guerres hybrides, internes et internationalisées. 

« La guerre en Ukraine se fait entre États, c’est clair : la Russie a envahi l’Ukraine, point, souligne le professeur québécois. On n’avait pas vu ça depuis longtemps, surtout pas en Europe. Il y a aussi un aspect international que je trouve intéressant. C’est une guerre interétatique avec une implication, un engagement international. » 

L’idée de la « guerre par procuration » (proxy war) des États-Unis ou de l’OTAN, agitée surtout par la Russie et des analystes antiaméricains acharnés, ne tient pas selon Charles-Philippe David. « Cette perspective a tout faux, indique-t-il. L’Ukraine a appelé à l’aide internationale pour pouvoir se défendre. On ne parle donc pas d’une victime instrumentalisée. » 

Olivier Schmitt propose plutôt d’examiner les enjeux politico-sécuritaires pour les pays occidentaux appuyant l’Ukraine. « On est très clairement dans un conflit de normes avec la Russie, mais on n’est pas en train de se battre avec la Russie », dit-il, en parlant d’une guerre « fondamentalement néo-impériale ». 

Pour lui, la Russie cherche à « rétablir une sphère de domination dans son étranger proche », ajoute-t-il, en reprenant la vieille formule pour décrire les ex-républiques soviétiques (les Pays baltes, la Moldavie, la Biélorussie, etc.). « Voyant que l’Ukraine voulait sortir de cette sphère d’influence et était attirée de plus en plus par un modèle démocratique libéral, elle a décidé de contraindre ce pays. C’est une menace existentielle pour le modèle autocratique basée sur des valeurs conservatrices que veut représenter la Russie. » 

Son collègue québécois propose des rapprochements avec les anciens rapports entre le centre et la périphérie de l’Empire soviétique. « Je pense que Poutine s’est réincarné en Leonid Brejnev en 1968 ou tel un Nikita Krouchtchev en 1956. Il s’est dit : comme l’URSS a envahi la Tchécoslovaquie et la Hongrie, je peux envahir l’Ukraine et faire tomber le régime pour des raisons de sécurité. C’est une copie carbone. Il était convaincu qu’il pouvait changer le régime de Kiev en un claquement de doigts, en quelques jours. » 

Un enlisement [...] 
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Stéphane Baillargeon
Le Devoir, 18 février 2023

vendredi 17 février 2023

Jour 359 - Une nouvelle offensive russe incertaine


C’est un survivant russe de la bataille de Vouhledar, dans l’est de l’Ukraine, qui raconte, cité par le quotidien russe 7X7 : lancée le 23 janvier dernier, l’attaque de la petite ville minière du Donbass devait marquer le début d’une nouvelle offensive des troupes de Moscou contre l’Ukraine, à l’approche du 24 février, premier anniversaire de cette guerre d’invasion. Mais le scénario ne se serait pas déroulé comme prévu pour la troisième compagnie de la 155e Brigade de marine de la flotte du Pacifique, une unité d’élite, décimée sur le champ de bataille au rythme de 150 à 300 hommes par jour. 

« Ceux qui ont survécu ont été traités comme des déserteurs », a raconté le soldat qui faisait partie des quelque huit survivants de cette offensive, tout en expliquant le fiasco de l’attaque par la composition des troupes faites à « 80 et 90 % » de jeunes recrues fraîchement mobilisées et mal entraînés. « Il aurait mieux valu que je sois capturé plutôt que de revenir », a-t-il ajouté en parlant de l’attitude violente du commandement de l’armée russe à son endroit, en raison de la tournure des événements. 

Au croisement du front de l’Est dans la région de Donetsk et du front Sud dans la région de Zaporijjia, Vouhledar a été placée au coeur des ambitions militaires de Vladimir Poutine depuis plusieurs semaines, et ce, dans l’espoir d’y éradiquer une résistance ukrainienne qui mine les lignes d’approvisionnement russes et ainsi redonner un deuxième souffle à son invasion. Mais avec les lourdes pertes que l’homme fort du Kremlin semble y encaisser, la ville, dont le nom signifie « cadeau de charbon » en ukrainien, est surtout en train de devenir le symbole de son incapacité à soutenir l’offensive printanière dont il rêve pourtant depuis des mois.
 

« La coûteuse campagne militaire de la Russie en Ukraine a probablement considérablement épuisé les réserves d’équipement et de main-d’oeuvre russes nécessaires pour soutenir une offensive à grande échelle réussie dans l’est de l’Ukraine », estimait mercredi le Institute for the Study of War (ISW), un groupe d’analystes indépendants de la guerre basé à Washington, dans son dernier bulletin. L’organisme parle au passage de « l’incapacité de la Russie à régénérer à court terme les véhicules mécanisés épuisés [ce qui] limite davantage les capacités de guerre et de manoeuvre des troupes russes ». 

Mercredi, dans une entrevue à la BBC, le ministre anglais de la Défense, Ben Wallace, a indiqué que les services britanniques de renseignement n’avaient pas vu les forces russes s’organiser sur le terrain de manière à tenter une percée des lignes de défense ukrainienne dans le cadre « d’une grande offensive » à quelques jours du premier anniversaire de cette guerre. Il a estimé que Moscou aurait fait entrer 97 % de son armée dans le conflit en Ukraine, avec des pertes qui auraient diminué sa capacité de combat de 40 %. 

Dans le contexte actuel de la guerre, ces données sont difficilement vérifiables, mais suivent malgré tout les analyses effectuées dans les dernières semaines par plusieurs autres services de renseignements militaires et groupes indépendants. 

L’Institut international d’études stratégiques (IISS) estime que la Russie a perdu environ 50 % de ses chars d’assaut T-72B et T-72B3M et de nombreux chars T-80, obligeant ses troupes à poursuivre ses attaques sur des équipements plus anciens. En une semaine à peine, pour la conquête de la ville de Vouhledar, Moscou aurait perdu 130 blindés et 36 chars d’assaut, selon l’état-major militaire ukrainien. 

Jeudi, le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, a indiqué que malgré tout, le Kremlin continuait d’« introduire un grand nombre de troupes » sur le champ de bataille en Ukraine, mais que ces nouveaux soldats, « mal équipés et mal entraînés » devraient continuer à s’exposer à des « pertes importantes ». « Nous nous attendons à ce que cela continue », a-t-il dit lors d’une conférence de presse tenue en Estonie, où il était de passage. 

Mardi, dans une entrevue accordée au quotidien Financial Times, le chef de l’état-major américain, le général Mark Milley, a dit qu’il était « presque impossible pour les Russes d’atteindre leurs objectifs politiques [de soumettre l’Ukraine] par des moyens militaires » et ajouté qu’il était toujours, un an plus tard « peu probable que la Russie envahisse l’Ukraine. Cela n’arrivera tout simplement pas », a-t-il dit. 

L’homme a ajouté que les prochains mois pourraient toutefois être épuisants pour Kiev, placé devant la complexité stratégique désormais d’expulser les Russes de chaque centimètre de son territoire occupé. « Cela ne veut pas dire que cela ne peut pas arriver… Mais c’est extraordinairement difficile. Et cela va nécessiter essentiellement l’effondrement de l’armée russe », a-t-il dit. 

Après une tentative manquée de prise de contrôle de l’Ukraine en février 2022, le Kremlin et ses troupes n’ont pas obtenu de succès militaires significatifs sur le terrain depuis juillet dernier et la prise de la ville industrielle de Severodonetsk. Depuis, la résistance farouche servie par les armées ukrainiennes a réussi à libérer pas moins de 18 000 kilomètres carrés de son territoire. 

Pour l’ISW, « les échecs militaires russes en Ukraine continuent d’empêcher Vladimir Poutine de présenter ses succès militaires au public russe » et rendent également « peu probable » que le président russe « annonce des mesures pour une nouvelle escalade de la guerre en Ukraine, de nouvelles initiatives majeures de mobilisation russe ou tout autre politique importante » dans un discours qu’il doit donner devant l’Assemblée fédérale de Russie le 21 février prochain. 

Un scénario alimenté en partie jeudi par le chef du groupe paramilitaire russe Wagner, Evgueni Prigojine, qui a repoussé de quelques mois la perspective d’une nouvelle victoire russe en Ukraine, particulièrement autour de la ville dévastée de Bakhmout que les Russes cherchent à encercler depuis des mois, mais qui ne pourrait tomber, selon lui, pas avant « mars ou avril », a-t-il dit dans une vidéo diffusée en ligne. « Pour prendre Bakhmout, il faut couper toutes les routes d’approvisionnement » ukrainiennes, a-t-il dit, tout en accusant le commandement des armées russes, auquel il est indirectement lié, de contribuer à cet autre échec des Russes sur le champ de bataille. 

« Je pense qu’on aurait pris Bakhmout s’il n’y avait pas cette monstrueuse bureaucratie militaire et si on ne nous mettait pas des bâtons dans les roues tous les jours », a dit M. Prigojine, confirmant des tensions au sein du camp russe inhérentes aux nombreuses déconvenues militaires des forces du Kremlin sur le terrain. 

Analyse de Fabien Deglise 
avec l’aide de l’Agence France-Presse 
Le Devoir, le 16 février 2023 

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jeudi 16 février 2023

Jour 358 - Kyiv dit avoir abattu plusieurs «ballons» russes



(Kyiv) L’Ukraine a annoncé mercredi avoir abattu plusieurs « ballons » envoyés par la Russie pour tester ses systèmes de défense antiaérienne à Kyiv, en pleine prise de conscience internationale sur l’utilisation de ces objets-espions. 

« Selon les informations préliminaires, une demi-douzaine d’objets aériens ont été détectés dans l’espace aérien de Kyiv […]. Il s’agissait de ballons qui se déplacent sous l’influence du vent », a déclaré l’administration militaire régionale de la capitale ukrainienne. 

« Il est possible que ces objets aient transporté des systèmes réfléchissants et certains équipements d’espionnage », a ajouté la même source, assurant que « la plupart » des ballons avaient été abattus. 

La présence de ces objets volants a provoqué le déclenchement de sirènes antiaériennes dans la capitale ukrainienne, ce qui arrive généralement à l’approche de missiles. 

Les autorités vont collecter les débris des objets détruits pour les analyser, a précisé l’administration militaire régionale de Kyiv, qui soupçonne la Russie d’envoyer ces ballons pour activer les systèmes de défense antiaérienne et les repérer. 

Plus tôt, l’armée de l’air ukrainienne avait estimé de son côté que les Russes cherchaient à pousser les forces ukrainiennes à « gaspiller [leurs] ressources, y compris des missiles antiaériens, sur ces objets qui ne coûtent presque rien ». 

« Il s’agit d’un ballon ordinaire rempli de gaz » avec « un réflecteur et un radar attachés à une ficelle », a expliqué un porte-parole de l’armée de l’air. « Mais cela reste une cible aérienne et les systèmes de défense antiaérienne sont obligés de réagir ». 

Moscou n’avait pas commenté ces déclarations dans l’immédiat. 

Depuis le début de la guerre il y a presque un an, les autorités ukrainiennes ont plusieurs fois fait état de ballons russes dérivant dans leur espace aérien. 

Mardi, la Moldavie voisine a provisoirement fermé son espace aérien en raison de la présence d’un « objet volant ressemblant à un ballon-sonde météo », dans un contexte de vives tensions avec Moscou. 

L’utilisation de ballons à des fins d’espionnage, bien qu’ancienne, fait l’objet d’une attention particulière depuis que les États-Unis ont affirmé début février avoir abattu un ballon chinois muni, selon Washington, d’équipements de surveillance. Pékin a nié tout espionnage. 

Moscou revendique quelques succès sur le terrain 
Les forces russes ont revendiqué quelques succès sur le champ de bataille mercredi, alors que l’invasion de l’Ukraine par Moscou peine à prendre de l’ampleur près d’un an après son début. 

Le ministère russe de la Défense a déclaré que ses troupes avaient franchi deux lignes défensives ukrainiennes dans la région orientale de Louhansk et repoussé les troupes ukrainiennes sur environ trois kilomètres, les obligeant à laisser derrière elles du matériel et les corps des victimes. 

Il n’a pas été possible de vérifier de manière indépendante la déclaration de Moscou. Les responsables ukrainiens n’ont pas fait de commentaire immédiat. 

Depuis des mois, l’artillerie, les drones et les missiles russes pilonnent sans relâche les zones de l’est tenues par les Ukrainiens, frappant sans discrimination des cibles civiles et causant des destructions, alors que la guerre s’est largement ralentie pour devenir une impasse pendant l’hiver. Moscou est avide de progrès après des mois de revers. 

Les régions de Donetsk et de Louhansk, qui forment ensemble la région industrielle du Donbass, à la frontière avec la Russie, continuent de subir le poids des bombardements russes, alors que Moscou aurait envoyé davantage de troupes dans la région. 

À Louhansk, le nombre d’attaques terrestres et aériennes russes « augmente chaque jour », a déclaré le gouverneur Serhii Haidai à la télévision ukrainienne. 

« Les Russes ont pu transférer de nouvelles forces pour l’offensive et maintenant ils essaient de nous submerger avec la pure masse humaine », a précisé M. Haidai. 

Le gouverneur de Donetsk, Pavlo Kyrylenko, a annoncé mercredi qu’une ville avait été la cible de tirs « ininterrompus » de lance-roquettes multiples pendant plus de trois heures la veille, endommageant au moins 12 bâtiments résidentiels. 

Situation difficile à Bakhmout 
Les soldats ukrainiens tiennent « fermement » leurs positions à Bakhmout, une ville de l’est de l’Ukraine où la situation est « la plus difficile » face aux troupes russes, a affirmé mercredi le président ukrainien Volodymyr Zelensky. 

« C’est le point le plus difficile, le plus chaud actuellement », a-t-il déclaré pendant une conférence de presse à Kyiv avec le premier ministre suédois Ulf Kristersson, en déplacement dans la capitale ukrainienne. 

« Ce n’est pas facile pour nos soldats dans l’est, mais ce n’est pas pour rien qu’on parle de la “Forteresse Bakhmout”. Notre forteresse est vivante », a-t-il poursuivi, rendant hommage aux militaires ukrainiens qui « tiennent fermement » leurs positions. 

Volodymyr Zelensky a également cité comme point chaud Vougledar, au sud de Bakhmout, dans la même province de Donetsk au sein de laquelle les Russes sont à l’offensive. 

Mardi soir, il avait déjà fait état d’une situation « extrêmement difficile » à Bakhmout, où se déroule depuis des mois l’essentiel des affrontements et où les troupes russes ont grignoté du terrain ces dernières semaines. 

Les combats approcheraient une phase critique [...] 
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Suzie Blann 
La presse canadienne 
La Presse, le 15 février 2023

mercredi 15 février 2023

Jour 357 - Peut-on négocier avec Poutine ?


Le passé est une source inépuisable d’enseignements. Je suis en France pour quelques semaines, et un débat agite journalistes, experts, commentateurs et diplomates sur l’opportunité ou non d’engager une négociation avec Vladimir Poutine au sujet de l’Ukraine. L’affaire est sérieuse, d’autant plus qu’Ukrainiens et Occidentaux craignent une guerre longue aux résultats indécis. 

La question semblait avoir été tranchée lorsque le président Volodymyr Zelensky a fermé la porte à toute discussion avec Poutine à la suite de la découverte il y a quelques mois de centaines de cadavres d’Ukrainiens exécutés après avoir été torturés. Les images des charniers ont fait le tour du monde et, de façon bien compréhensible, ont durci l’attitude de l’opinion publique et des gouvernements envers la Russie. Sur les plateaux de télévision et dans les rubriques éditoriales, les camps se sont formés. Le front du refus de négocier avec Poutine rassemble à peu près tout ce qui parle et écrit et occupe 99 % des places. 

Il y a bien quelques commentateurs qui osent penser autrement même s’ils sont soupçonnés d’être prorusses ou, pire encore, d’être des Munichois, ce stigmate rappelant ces dirigeants occidentaux qui, réunis à Munich en 1938, pensaient obtenir la paix avec Hitler en sacrifiant la Tchécoslovaquie. Aujourd’hui, c’est Hitler/Poutine contre le reste du monde, il faut donc choisir son camp. 

Le camp de la négociation rejette cette dichotomie. Il compte des gens tout aussi intelligents que dans le camp d’en face et qui méritent qu’on les écoute. 

L’universitaire Bertrand Badie, le géopolitologue Pascal Boniface, le sociologue Mathieu Bock-Côté, l’ex-diplomate Gérard Araud et quelques autres rappellent une évidence : pour faire la paix, on ne négocie pas avec ses amis (quoique parfois cela soit nécessaire), mais avec ses ennemis. Et si on veut éviter le pire dans cette sale guerre en Ukraine, on ne doit exclure personne du champ de la discussion. 

Le cas Milosevic [...] 
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Jocelyn Coulon* est chercheur indépendant en Affaires internationales, il a été conseilleur politique du ministre des Affaires étrangères en 2016-2017
Publié le 14 février 2023 à 12:00 La Presse 

*M. Coulon publiera au début du mois de mars Ma France. Portraits et autres considérations (Éditions La Presse)

mardi 14 février 2023

Jour 356 - Situation «compliquée» au nord de Bakhmout



(Kyiv) L’Ukraine a reconnu lundi une situation « compliquée » au nord de Bakhmout, épicentre des combats dans l’est du pays, où l’armée russe a revendiqué la capture d’un nouveau village, poursuivant sa tentative d’encercler cette ville forteresse du Donbass. 

Cité de quelque 70 000 habitants avant la guerre, Bakhmout a été en grande partie détruite par plus de six mois de combats qui ont provoqué de lourdes pertes dans les deux camps. Si son importance stratégique est contestée, la ville a acquis un statut de symbole de la lutte entre Moscou et Kyiv pour le contrôle de cette région industrielle de l’Est. 

Après plusieurs mois marqués par des duels d’artillerie sans gains significatifs sur le terrain, les troupes russes ont progressé ces dernières semaines notamment au nord de Bakhmout, où elles ont capturé le mois dernier la ville de Soledar et ses mines de sel. 

La situation est « compliquée » dans le village de Paraskoviïvka, au sud de Soledar et à une dizaine de kilomètres du centre de Bakhmout, qui « fait face à des bombardements et à des assauts intenses » russes, a reconnu lundi la présidence ukrainienne. 

Selon le ministère ukrainien de la Défense, « l’adversaire change constamment de tactique ». « Parfois, il attaque en petits groupes d’assaut, puis il utilise des dizaines de personnes mobilisées pour un assaut. 
Parfois, il multiplie les bombardements nocturnes, frappe systématiquement les villes arrières avec des missiles », a-t-il détaillé. 

« Parfois, l’occupant apparaît plus fort et plus nombreux », a encore relevé le ministère sur Telegram, tout en affirmant que l’offensive russe était vouée à un « grand échec ». 

L’armée russe a, elle, revendiqué la capture du village de Krasna Gora, à proximité immédiate de Paraskoviïvka.

La prise de Krasna Gora avait été revendiquée dès dimanche par le patron du groupe paramilitaire russe Wagner, Evguéni Prigojine, dont les hommes sont en première ligne dans cette bataille. 

« Explosions tous les jours » 
Dimanche, l’armée ukrainienne avait déclaré que « le secteur de Bakhmout est toujours la zone principale des attaques de l’ennemi » avec 167 bombardements et 41 affrontements armés rapportés au cours des 24 heures précédentes. 

Les séparatistes prorusses de l’est de l’Ukraine avaient affirmé vendredi que les troupes de Moscou avaient désormais sous leur contrôle trois des quatre voies d’approvisionnement ukrainiennes vers Bakhmout. 

L’armée ukrainienne a également fait état d’un « nombre de bombardements record » près de Lyman, plus au Nord, ville qui avait été abandonnée par les Russes en octobre face à une puissante contre-offensive ukrainienne et où ils avaient échappé de peu à un encerclement. 

Dans la ville de Koupiansk, au nord de la ligne de front, des journalistes de l’AFP ont constaté lundi des immeubles détruits et criblés de balles et des rues jonchées de voitures calcinées et renversées. 

Après une forte explosion qui a secoué la ville au petit matin, les habitants ont dit redouter un assaut russe imminent. 

« Il y a eu des bombardements en face de ma maison, qui ont brisé toutes les fenêtres. Il y a des explosions tous les jours, c’est très effrayant », a témoigné Olga, une habitante de 62 ans. 

La présidence ukrainienne a aussi rapporté une situation « tendue » près de Vougledar, plus au sud, où les troupes russes sont à l’assaut. 

À Kherson, dans le sud de l’Ukraine, trois personnes ont été tuées et une blessée dans des bombardements ces dernières 24 heures, selon la même source. 

Munitions [...] 
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Emmanuel Peuchot avec Phil Hazlewook à Koupiansk 
Agence France-Presse 
La Presse, le 13 janvier 2023

lundi 13 février 2023

Jour 355 - Importantes pertes humaines côté russe


Pendant que les soldats russes sont décimés sur les champs de bataille en Ukraine à un rythme rarement vu depuis le début du conflit, le chef du groupe Wagner a vanté dimanche la prise, par ses mercenaires, d’une municipalité à quelques kilomètres au nord de Bakhmout, ville clé que Moscou cherche à conquérir depuis plusieurs mois. 

Des pertes humaines importantes côté russe 
Les pertes humaines enregistrées par l’armée russe ces derniers jours n’auraient jamais été aussi élevées, à l’exception du premier mois du conflit. 

C’est ce qui ressort de données publiées par l’état-major général des forces armées ukrainiennes et reprises par le ministère de la Défense du Royaume-Uni. 

Selon ces données, pas moins de 824 soldats russes auraient perdu la vie sur les champs de bataille en Ukraine chaque jour durant les deux premières semaines de février, soit une cadence près de cinq fois supérieure à celle des mois de juin et juillet 2022. 

Des chiffres « justes », selon les Britanniques 
Les pertes du côté ukrainien seraient aussi importantes, précise le ministère de la Défense du Royaume-Uni, sans avancer de chiffres. 

Si les autorités britanniques précisent ne pas être en mesure de vérifier ces chiffres et la méthodologie utilisée par l’armée ukrainienne, elles ajoutent que « la tendance illustrée par ces chiffres est probablement juste ». 

« L’augmentation des pertes russes est probablement due à une série de facteurs, notamment le manque de personnel formé, de coordination et de ressources sur le front », explique le ministère de la Défense du Royaume-Uni dans une série de tweets publiés dimanche. 

Le chef du groupe Wagner bombe le torse 
Dimanche, le chef du groupe paramilitaire russe Wagner a déclaré que le groupe s’était emparé d’une colonie près de la ville dévastée de Bakhmout, dans l’est de l’Ukraine. 

« Aujourd’hui, la colonie de Krasna Hora a été prise par des détachements d’assaut du PMC Wagner », a déclaré sur Telegram Evgueni Prigojine, selon ce qu’a rapporté la chaîne britannique BBC. 

Ce dernier a également attribué à son groupe le mérite de l’offensive sur Bakhmout, tout en minimisant le rôle de l’armée russe. « Dans un rayon de 50 kilomètres, plus ou moins, il n’y a que des combattants de Wagner », a-t-il écrit. 

Cette déclaration fait allusion à des tensions récentes entre l’armée russe et le groupe Wagner. Lors de la prise de la ville de Soledar en janvier, Evgueni Prigojine avait affirmé que ses combattants avaient le contrôle total de la situation et que seules ses troupes avaient pris part à l’opération, ce que le ministère russe de la Défense a contesté. 

Le Donbass sous contrôle russe dans deux ans ? 
Le président russe, Vladimir Poutine, aurait ordonné plus tôt ce mois-ci à ses troupes de prendre le contrôle de l’entièreté du Donbass d’ici mars, un objectif qui pourrait être atteint, mais dans un délai beaucoup plus long, toujours selon Evgueni Prigojine. 

Ce dernier estime que le contrôle du Donbass par les Russes pourrait être atteint d’ici deux ans. « Au final, j’en déduis que nous devons protéger les régions que nous contrôlons en ce moment », a-t-il souligné en entrevue avec un blogueur russe dont le contenu a été rapporté par l’agence Reuters. 

Vladimir Poutine et Evgueni Prigojine ont également discuté de l’avenir des régions ukrainiennes annexées par Moscou, comme celles de Kherson ou Zaporijjia. « Si on souhaite se rendre au Dniepr [un fleuve qui traverse l’Ukraine], ça pourrait prendre plus de trois ans », aurait-il également expliqué. 

L’offensive russe se poursuit dans l’est [...] 

Vincent Larin 
La Presse, le 13 février 2023

dimanche 12 février 2023

Jour 354 - Réparations hâtives après une vague de frappes russes


Les équipes des services publics ukrainiens s’efforcent de réparer les nouveaux dégâts importants subis par le réseau énergétique du pays, ont indiqué des responsables samedi, après que la Russie eut lancé un essaim de drones d’attaque de fabrication iranienne dans la nuit, succédant à un énorme barrage de missiles de croisière, de missiles antiaériens et de drones sur des villes ukrainiennes. 

Ces attaques ont porté un nouveau coup au réseau électrique ukrainien, déjà mis à mal, que la Russie a pris pour cible à plusieurs reprises dans le cadre d’une stratégie visant à plonger le pays dans le froid et l’obscurité pour lui faire perdre le moral, selon les analystes militaires. 

Ces frappes, qui constituent le premier assaut aérien d’envergure depuis des semaines, ont eu lieu alors que les combats au sol s’intensifiaient, les responsables ukrainiens affirmant que les forces russes sont en train de monter une nouvelle offensive majeure pour prendre le contrôle de toute la région du Donbass, dans l’est de l’Ukraine. 

Les systèmes de défense aérienne ont détruit 20 drones Shahed-136 entre 18 h et minuit, a déclaré l’armée de l’air ukrainienne dans un communiqué tôt samedi. Mais trois installations énergétiques de la région de Dnipro, dans le sud-est de l’Ukraine, ont été touchées, dont une à Kryvyï Rih pour la deuxième fois en une journée. 

« Ils ont visé nos infrastructures critiques », a déclaré Serhiï Lysak, le chef de l’administration militaire régionale, dans un communiqué sur l’application de messagerie Telegram, qualifiant les dégâts d’« importants ». 

Les drones ont été abattus au-dessus des régions méridionales de Kherson, Mykolaïv et Odessa, a rapporté The Kyiv Independent, citant le commandement sud de l’armée ukrainienne. 

Électricité rationnée 
L’attaque de drones s’est produite après que les forces russes eurent tiré plus de 100 missiles au cours d’une journée de frappes à travers l’Ukraine, dans ce que le ministère russe de la Défense et les forces aériennes ukrainiennes ont décrit comme un assaut « massif ». 

Douze personnes ont été blessées dans le pays, selon le service d’urgence de l’État ukrainien, et la compagnie d’électricité publique a déclaré que plusieurs centrales thermiques et hydroélectriques avaient été gravement endommagées. 

La compagnie, Ukrenergo, a qualifié samedi la situation de « difficile mais maîtrisée », précisant que le rationnement de l’électricité avait été mis en place dans certaines zones et que les travaux de réparation se poursuivaient. 

Kharkiv, dans le nord-est de l’Ukraine, a été durement touché, selon des responsables. Le chef de l’administration militaire régionale, Oleh Syniehoubov, a fait état samedi de dommages « importants » aux infrastructures et a déclaré que des coupures de courant d’urgence seraient pratiquées pendant « plusieurs jours ». 

Les attaques ont également perturbé le fonctionnement des centrales nucléaires ukrainiennes, selon l’organisme de surveillance nucléaire des Nations unies. Il a déclaré tard vendredi que « l’instabilité du réseau électrique » avait provoqué l’arrêt d’un réacteur de la centrale de Khmelnytskyï, dans l’ouest de l’Ukraine, et que la production d’électricité de deux autres centrales avait été réduite par mesure de précaution. 

Offensive majeure imminente 
Alors que la guerre approche de son anniversaire, la Russie a déversé des troupes et des équipements dans l’est de l’Ukraine, dans la phase initiale de ce qui, selon les responsables ukrainiens et occidentaux, devrait être une offensive majeure. 

Les alliés occidentaux de l’Ukraine se sont empressés de fournir des armes plus puissantes afin que Kyiv puisse monter sa propre offensive. Le gouvernement du président Volodymyr Zelensky a réitéré ses demandes d’armes supplémentaires et de livraison plus rapide. 

M. Zelensky a révélé avoir reçu de « bons signaux » de la part de ses alliés lorsqu’il a plaidé pour l’envoi d’armes plus lourdes lors d’un rare voyage international la semaine dernière à Londres, Paris et Bruxelles. 

« Cela s’applique à la fois aux missiles à longue portée et aux chars, ainsi qu’au prochain niveau de notre coopération : les avions de combat », a-t-il déclaré vendredi dans son discours du soir. « Mais nous devons encore travailler sur ce point. » 

John Kirby, porte-parole de la Maison-Blanche, a prédit vendredi que les semaines et les mois à venir seraient « difficiles et critiques » pour l’Ukraine. Il a déclaré que, même s’il n’avait pas encore vu une nouvelle offensive majeure prendre forme, « nous l’anticipons et, franchement, les Ukrainiens aussi ». 

Les États-Unis pensent que le président russe Vladimir Poutine « profitera » des mois d’hiver pour « se réapprovisionner, se ravitailler, se réarmer » en prévision de ce qui pourrait être de nouvelles opérations offensives au printemps, a déclaré John Kirby lors d’un point de presse vendredi. « À mesure que le temps s’améliorera, les combats deviendront probablement plus féroces », a-t-il ajouté. 

Points névralgiques [...] 

Cassandre Vinograd 
The New York Times 
La Presse, le 12 février 2023