samedi 18 mars 2023

Jour 388 - La CPI lance un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine


(La Haye) Vladimir Poutine, qui recevra la semaine prochaine à Moscou le président chinois Xi Jinping, est désormais visé par un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) pour le crime de guerre de « déportation illégale » d’enfants ukrainiens lors de l’invasion russe. 

 La CPI, qui siège à La Haye, a également émis un mandat d’arrêt contre Maria Lvova-Belova, commissaire présidentielle russe aux droits de l’enfant, pour des accusations similaires.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a salué une décision « historique, qui marque le début d’une responsabilité historique », le Kremlin juge de son côté qu’elle n’a aucune valeur juridique. 

« La Russie, comme un certain nombre d’États, ne reconnaît pas la compétence de ce tribunal. Par conséquent, du point de vue de la loi, les décisions de ce tribunal sont nulles et non avenues », a déclaré le porte-parole du président russe, Dmitri Peskov. 

Pour le président américain Joe Biden, ce mandat d’arrêt est « justifié » et envoie « un signal très fort » même si la CPI n’est pas reconnue non plus par Washington. 

Les États-Unis n’ont « aucun doute sur le fait que la Russie commet des crimes de guerre et des atrocités en Ukraine, et nous avons été clairs pour dire que les responsables devront rendre des comptes », avait réagi un peu plus tôt un porte-parole du département d’État, tout en soulignant que la CPI agit de manière « indépendante ». 

Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a salué « une décision importante » et le Royaume-Uni une mesure qui va « obliger ceux qui sont au sommet du régime russe, y compris Vladimir Poutine, à rendre des comptes ».   

Plus de 16 000 enfants ukrainiens ont été déportés vers la Russie depuis l’invasion le 24 février 2022, selon Kyiv, et beaucoup auraient été placés dans des institutions et des foyers d’accueil. 

Le président de la CPI, Piotr Hofmanski, a déclaré que la délivrance des deux mandats d’arrêt est un « moment important dans le processus de justice » pour la Cour. 

Les mandats, délivrés à la suite d’une demande du procureur de la CPI, Karim Khan, concernent « les crimes de guerre présumés de la déportation d’enfants des territoires ukrainiens occupés vers la Fédération de Russie » depuis le début de l’invasion, a-t-il précisé. 

M. Hofmanski a ajouté que l’exécution de ces mandats dépendait « de la coopération internationale ». 

« Butin de guerre » 
Citée par l’agence de presse russe Ria Novosti, Maria Lvova-Belova a assuré qu’elle poursuivrait son travail malgré la décision de la CPI. 

La délivrance d’un mandat d’arrêt à l’encontre d’un chef d’État en exercice, membre du Conseil de sécurité de l’ONU, est une étape sans précédent pour la CPI, créée en 2002 pour juger les pires crimes commis dans le monde. 

Son procureur enquête depuis plus d’un an sur d’éventuels crimes de guerre ou contre l’humanité commis pendant l’offensive russe. 

M. Khan a déclaré en mars après une visite en Ukraine que les enlèvements présumés d’enfants faisaient 
« l’objet d’une enquête prioritaire ».

« Les enfants ne peuvent pas être traités comme un butin de guerre », a-t-il déclaré. 

Le contenu des mandats d’arrêt est gardé secret « afin de protéger les victimes », a précisé M. Hofmanski.    

« Néanmoins, les juges de la chambre chargée de cette affaire ont décidé de rendre publique l’existence des mandats dans l’intérêt de la justice et d’empêcher la commission de crimes futurs ». 

Ni la Russie ni l’Ukraine ne sont membres de la CPI, mais Kyiv a accepté la compétence de la cour et travaille avec le bureau de M. Khan. La Russie nie les allégations de crimes de guerre par ses troupes et selon les experts, il est peu probable qu’elle remette des suspects. 

Vendredi, Moscou et Pékin ont par ailleurs annoncé la visite de Xi Jinping en Russie du 20 au 22 mars. 

MM. Xi et Poutine signeront une déclaration commune pour approfondir leur « relation stratégique entrant dans une nouvelle ère », a déclaré le conseiller diplomatique du Kremlin, Iouri Ouchakov. 

Alors que Washington soupçonne la Chine d’envisager des livraisons d’armes à la Russie, ce que Pékin et Moscou démentent, les deux dirigeants parleront aussi de coopération « militaro-technique », toujours selon le Kremlin. 

MiG-29 slovaques Cité par les agences de presse russes, M. Ouchakov a aussi salué la « retenue » de M. Xi sur le conflit en Ukraine, dossier sur lequel Pékin se présente en médiateur malgré sa proximité avec Moscou. 

Le ministre chinois des Affaires étrangères Qin Gang, lors d’un entretien téléphonique jeudi avec son homologue ukrainien Dmytro Kouleba, a exhorté Kyiv et Moscou à reprendre « au plus vite » des pourparlers de paix, selon Pékin. 

Un appel au cessez-le-feu aussitôt sanctionné par les États-Unis, selon lesquels il revient à consolider les avancées russes et à donner au Kremlin une chance de préparer une nouvelle offensive.   

En février, la Chine avait déjà publié un document exhortant Moscou et Kyiv à tenir des pourparlers de paix.

À Bratislava, la Slovaquie a par ailleurs annoncé vendredi sa décision de fournir treize chasseurs MiG-29 à Kyiv, après que la Pologne a annoncé la livraison à l’Ukraine d’un « premier lot » de quatre de ces appareils. 

Ces livraisons « vont nous aider à défendre efficacement notre ciel », a indiqué le ministre ukrainien de la Défense, Oleksiï Reznikov, dans un message de remerciement à la Slovaquie publié sur Twitter. « Une coalition aéronautique est en train de se former ! ». 

Enfin, à la veille de l’expiration samedi de l’accord international sur l’exportation des céréales d’Ukraine, l’ONU a indiqué que les discussions à ce sujet se poursuivent. 

« Besoin de F-16 » [...]

Charlotte Van Ouwerkerk 
Agence France-Presse
La Presse, 17 mars 2023, mis à jour à 20 h19

vendredi 17 mars 2023

Jour 387 - Le transfert d’enfants ukrainiens par la Russie est un «crime de guerre», selon l’ONU


(Genève) Le transfert par la Russie d’enfants ukrainiens dans les zones sous son contrôle en Ukraine ainsi que sur son propre territoire constitue un « crime de guerre », a affirmé jeudi un groupe d’enquêteurs de l’ONU, qui pointe aussi de possibles crimes contre l’humanité. 

 Concernant les accusations de « génocide », le groupe d’enquêteurs ne l’a « pas constaté », a déclaré aux journalistes Erik Mose, un des trois commissaires chargés des investigations, soulignant toutefois « que certains aspects peuvent soulever des questions concernant ce crime ». 

« Nous poursuivrons ces enquêtes si notre mandat est prolongé» début avril par le Conseil des droits de l’homme, a-t-il promis, à l’occasion de la publication du premier rapport du groupe qu’il préside.   

Dans ce document, la Commission d’enquête conclut que « les situations qu’elle a examinées concernant le transfert et la déportation d’enfants, à l’intérieur de l’Ukraine et vers la Fédération de Russie respectivement, violent le droit international humanitaire et constituent un crime de guerre ». 

Selon Kyiv, 16 221 enfants ont été déportés en Russie jusqu’à fin février, des chiffres que la Commission n’a pas pu vérifier. Mais elle pointe du doigt les mesures juridiques et politiques prises par des responsables russes concernant le transfert d’enfants ukrainiens, et le décret présidentiel en mai 2022 facilitant l’octroi de la citoyenneté russe à certains enfants. 

« La Commission a également constaté que les vagues d’attaques menées par les forces armées russes à partir du 10 octobre 2022 contre les infrastructures énergétiques de l’Ukraine et le recours à la torture par les autorités russes pourraient constituer des crimes contre l’humanité », a indiqué M. Mose. 

Les enquêteurs ont pu identifier « un schéma de détention illégale généralisée » dans les zones contrôlées par les forces armées russes, visant de nombreuses personnes, y compris des femmes et des enfants. Dans certains centres, certaines personnes sont systématiquement torturées. 

La Commission a jusqu’à présent visité 56 localités et interrogé 348 femmes et 247 hommes. Ses enquêteurs ont notamment inspecté des sites détruits et des lieux de sépultures et de torture. 

En septembre dernier les enquêteurs avaient expliqué à la presse qu’il était alors trop tôt pour parler de crimes contre l’humanité, contrairement à ce qu’affirmaient déjà des ONG et l’Ukraine 

Ils avaient en revanche accusé les forces russes d’avoir commis un « nombre considérable » de crimes de guerre dans quatre régions ukrainiennes dans les premières semaines de l’invasion. 

L’ensemble des preuves qu’ils ont recueillies depuis montre, selon eux, que les forces russes « ont commis un vaste éventail » de violations des droits de la personne et du droit international humanitaire, également appelé droit de la guerre.   

« Nombre d’entre elles constituent des crimes de guerre et comprennent des homicides délibérés, des attaques contre des civils, des confinements illicites, la torture, des viols, des transferts forcés et des déportations d’enfants ». 

En outre, a souligné la Commissaire Jasminka Dzumhur, l’annexion par la Russie des régions de Donetsk, Kherson, Louhansk et Zaporijjia « est illégale » au regard du droit international. 

La Commission indique par ailleurs avoir recensé « un petit nombre de violations commises par les forces armées ukrainiennes », notamment deux incidents qualifiés de crimes de guerre, au cours desquels des prisonniers de guerre russes ont été abattus, blessés et torturés. 

La Chine exhorte l’Ukraine et la Russie à relancer « au plus vite » leurs pourparlers de paix [...] 
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Agnès Pedrero 
Agence France-Presse 
La Presse, le 16 mars 2023

jeudi 16 mars 2023

Jour 386 - La Russie veut récupérer le drone américain tombé en mer Noire


(Moscou) La Russie a dit vouloir repêcher le drone américain qu’elle est accusée d’avoir fait s’abîmer en mer Noire et qui prouve selon elle l’implication des États-Unis dans les opérations en Ukraine, Washington annonçant de son côté enquêter sur les motivations de Moscou dans cet incident. 

Mercredi soir, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a estimé que l’une des causes de l’incident était le « renforcement » des opérations d’espionnage américaines. 

« Les causes de l’incident sont la non-observation par les États-Unis de la zone de limitation des vols annoncée par la Russie et établie du fait de la conduite de l’opération militaire spéciale (en Ukraine), ainsi que le renforcement des activités de renseignement contre les intérêts de la Russie », a indiqué le ministre, cité dans un communiqué de son ministère. 

 « La Russie ne souhaite pas une telle évolution des évènements, mais elle réagira désormais proportionnellement à toute provocation », ajoute le texte.   

Le Reaper MQ-9 est tombé dans les eaux internationales après avoir été percuté, selon Washington, par un chasseur russe. Moscou admet l’interception de l’appareil par ses avions de chasse, mais dément tout contact qui aurait mené à l’écrasement. 

La Russie argue que le drone était entré, au large de la péninsule de Crimée annexée en 2014, dans une zone d’exclusion aérienne qu’elle a elle-même décrétée pour son opération en Ukraine. 

« Je ne peux pas parler à ce stade d’un motif ou d’une intention (de la part des Russes NDLR), mais ce que je peux dire très clairement c’est qu’il s’agissait d’une action irréfléchie et dangereuse », a déclaré le secrétaire d’État Antony Blinken, en visite à Addis Abeba. 

Kyiv a en effet accusé les forces russes d’avoir délibérément fait chuter le Reaper pour envoyer un message à Washington, alors qu’elles sont à la peine dans leurs tentatives de gagner du terrain en Ukraine. 

Dans l’est du pays, les forces russes en sont notamment toujours à prendre d’assaut la petite ville de Bakhmout, que les Ukrainiens défendent avec acharnement depuis des mois, a indiqué l’armée ukrainienne dans son rapport quotidien. « Nos défenseurs ont repoussé des attaques de l’ennemi près des villages d’Orikhovo-Vasylivka et Bogdanivka », a-t-elle ajouté. 

« Un signal de Poutine » 
Alors qu’ont commencé les livraisons de chars lourds occidentaux aux Ukrainiens, la neutralisation du drone Reaper est « un signal de Poutine qu’il est prêt à étendre la zone du conflit et à y impliquer d’autres parties », a déclaré sur Twitter le secrétaire du Conseil de sécurité ukrainien, Oleksiï Danilov. 

Le ministre américain de la Défense Lloyd Austin a souligné mercredi que les États-Unis continueraient à voler « là où le permet le droit international ». 

« Il incombe à la Russie de faire voler ses avions militaires de manière professionnelle et sûre », a ajouté lors d’une conférence de presse M. Austin, après un entretien téléphonique avec son homologue russe Sergueï Choïgou. 

La Russie de son côté a annoncé elle allait s’efforcer de retrouver l’appareil et de le récupérer pour en analyser les équipements d’observation très perfectionnés. 

« Je ne sais pas si on arrivera à l’atteindre ou pas, mais il faut essayer. Et on va obligatoirement s’en occuper, et j’espère bien sûr avec succès », a dit à la télévision russe le secrétaire du Conseil de sécurité, Nikolaï Patrouchev. 

Il a estimé que l’incident prouvait que les États-Unis « participent directement […] à la guerre ».

Washington a « pris des mesures » [...] 
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Agence France-Presse 
La Presse, le 15 mars 2023 mis à jour à 23 h 47

mercredi 15 mars 2023

Jour 385 - Un immeuble résidentiel bombardé à Kramatorsk


(Kyiv) Un missile russe a frappé un immeuble d’habitation dans le centre de Kramatorsk mardi, tuant au moins une personne et en blessant trois autres dans l’un des principaux bastions urbains de l’Ukraine dans la région orientale de Donetsk, qui lutte contre l’invasion de Moscou, ont déclaré des responsables. 

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a précisé que six immeubles d’habitation avaient été endommagés par l’explosion et que les opérations de sauvetage se poursuivaient. Il a mis en ligne une vidéo montrant des trous béants dans la façade de l’immeuble de faible hauteur qui a subi les pires dommages. 

 
Le bureau du procureur général ukrainien et le gouverneur de la région, Pavlo Kyrylenko, ont également fait état de l’attaque, en publiant des photos de l’immeuble devant lequel se trouvent des monticules de décombres. 

La guerre, qui a éclaté après le lancement de l’invasion russe en février 2022, a fait de nombreuses victimes civiles. Les victimes de mardi font partie des six civils tués et des 30 blessés en 24 heures, selon les autorités ukrainiennes. 

« Les troupes russes frappent des bâtiments résidentiels, des écoles et des hôpitaux, laissant les villes en feu et en ruines, a déclaré M. Kyrylenko, le gouverneur de la région, à la télévision ukrainienne. Les Russes marquent chaque mètre de leur avancée dans la région non seulement avec leur propre sang, mais aussi avec les vies [perdues] des civils. » 

Kramatorsk abrite le quartier général local de l’armée ukrainienne. Les autorités ukrainiennes affirment qu’il a été régulièrement la cible de bombardements russes et d’autres attaques par le passé. 

En avril dernier, un tir de missile sur la gare de la ville, imputé à Moscou par Kyiv et une grande partie de la communauté internationale, a fait plusieurs dizaines de morts et plus de 100 blessés. 

La Russie avait accueilli favorablement une proposition de paix chinoise visant à mettre fin aux combats, mais le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a déclaré mardi que le refus de Kyiv d’entamer des pourparlers ne laissait à Moscou que des options militaires. 

Pékin a ajouté que son amitié avec la Russie était « sans limites » et a refusé de critiquer l’invasion de Moscou, ou même de la qualifier d’invasion. 

Cependant, la poursuite des objectifs de Moscou en Ukraine a été ralentie par une mauvaise gestion de la guerre et un manque de ressources après avoir été battue à la fin de l’année dernière lors d’une contre-offensive ukrainienne, selon les analystes militaires. 

Le ministère britannique de la Défense a déclaré mardi que les pénuries de munitions d’artillerie de la Russie « se sont probablement aggravées au point qu’un rationnement extrêmement punitif des obus est en vigueur sur de nombreuses parties du front ». 

Ce manque, a-t-il ajouté, a « très certainement été l’une des principales raisons pour lesquelles aucune formation russe n’a récemment été en mesure de mener une action offensive significative sur le plan opérationnel ». 

Des munitions au phosphore tirées sur Tchassiv Iar 
Des munitions incendiaires au phosphore blanc ont été tirées mardi par les Russes sur une zone sans habitation à Tchassiv Iar, près de Bakhmout, dans l’est de l’Ukraine, ont constaté des journalistes de l’AFP. 

Deux projectiles ont été lancés à cinq minutes d’intervalle vers 16 h 45 (10 h 45 heure de l’Est), sur une route à la sortie sud de la localité et conduisant à la ville toute proche de Bakhmout, où se déroule la bataille la plus longue et sanglante depuis le début de l’invasion russe. 

Le sifflement des deux projectiles dans le ciel a été suivi à chaque fois d’explosions de sous-munitions libérant une multitude de petites boules incandescentes blanches de phosphore qui sont tombées lentement à la verticale. 

Une fois arrivées au sol, les boules incendiaires ont mis le feu à la végétation de chaque côté de la route, sur une surface environ équivalente à celle d’un terrain de football. 

L’AFP n’était pas en mesure de dire si le lieu visé était une position ou un campement des forces de Kyiv, mais une camionnette verte portant une croix blanche, signe de l’armée ukrainienne, était stationnée à l’entrée d’un chemin, dans la zone qui a été incendiée. 

Les premières habitations se trouvent à environ 200 mètres d’une des extrémités de la zone touchée. 

Les munitions au phosphore sont des armes incendiaires dont l’usage est interdit contre des civils, mais pas contre des cibles militaires, en vertu d’une Convention signée en 1980 à Genève. 

Kyiv a accusé Moscou de les avoir utilisées à plusieurs reprises depuis le début de l’offensive, notamment contre la population civile, ce que l’armée russe rejette catégoriquement. 

L’ONU tente de sauver l’accord sur les céréales ukrainiennes [...] 
Pour lire la suite et l’article en entier, https://www.lapresse.ca/international/europe/2023-03-14/guerre-en-ukraine-jour-384/un-immeuble-residentiel-bombarde-a-kramatorsk.php 

Karl Ritter, La presse canadienne 
La Presse, le 14 mars 2023

mardi 14 mars 2023

Jour 384 - Violents combats pour contrôler le centre de Bakhmout


(Kyiv) D’intenses combats ont opposé lundi Russes et Ukrainiens pour le contrôle du centre de Bakhmout, une ville de l’est de l’Ukraine où se déroule la bataille la plus longue et la plus sanglante depuis le début de l’invasion russe. 

Le même jour, la Russie a proposé de prolonger l’accord sur les exportations de céréales ukrainiennes, qui expire le 18 mars, pour 60 jours seulement, une offre critiquée par Kyiv qui y voit une remise en question de l’entente initiale. 

« Des détachements d’assaut [du groupe paramilitaire russe] Wagner attaquent à partir de plusieurs endroits, tentant de percer la défense de nos troupes et d’avancer vers les quartiers centraux » de Bakhmout, a déclaré lundi le commandant des forces terrestres ukrainiennes Oleksandr Syrsky. 

« Plus nous sommes proches du centre-ville, plus durs sont les combats, plus il y a d’artillerie », lui a fait écho Evguéni Prigojine, le patron de Wagner. 

Ses hommes sont en première ligne dans les attaques que les Russes lancent depuis l’été dernier pour essayer de prendre cette cité devenue un symbole de la résistance acharnée des Ukrainiens qui espèrent quant à eux y épuiser les assaillants afin d’être en mesure de déclencher une vaste contre-offensive. 

Situation « très difficile »
Le général Syrsky a assuré que les soldats ukrainiens « infligeaient des pertes significatives à l’ennemi » dans ces affrontements. 

« Avec le feu de l’artillerie, des chars […], toutes les tentatives de s’emparer de la ville sont repoussées », a-t-il fait valoir.   

M. Prigojine a reconnu que Wagner, qui a déjà réussi à couper plusieurs routes importantes pour le ravitaillement des militaires ukrainiens déployés sur place, se heurtait à une résistance acharnée.   

« La situation à Bakhmout est difficile, très difficile. L’ennemi se bat pour chaque mètre », a-t-il noté dans un message sur les réseaux sociaux. « Les Ukrainiens jettent des réserves sans fin » dans la bataille.

Cette cité qui comptait 70 000 habitants avant l’invasion de février 2022 est depuis des mois l’épicentre des combats sur le front oriental, même si son importance stratégique est contestée par des experts et si sa défense implique aussi un grand nombre de morts et de blessés dans les rangs des forces ukrainiennes.   

Quid de l’accord sur les céréales ? 
Sur le plan international, le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Verchinine a déclaré, après des discussions à Genève, que Moscou « ne s’oppos[ait] pas à une nouvelle prolongation » de l’accord sur les céréales ukrainiennes conclu en juillet dernier pour 120 jours entre l’ONU, l’Ukraine, la Russie et la Turquie. 

« Mais seulement pour 60 jours », a-t-il précisé, soulignant que « notre position future sera déterminée par les progrès tangibles dans la normalisation de nos exportations agricoles, non pas en paroles mais en 
actes ».

Selon Kyiv, c’est une remise en question de l’entente initiale. 

« L’accord sur “ l’Initiative céréalière de la mer Noire ” implique au moins 120 jours de prolongation, la position de la Russie de le prolonger de seulement 60 jours contredit donc le document signé par la Turquie et l’ONU », a tweeté le ministre ukrainien des Infrastructures Oleksandre Koubrakov, 

Un peu plus tard, Stéphane Dujarric, le porte-parole du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, a assuré que « les Nations unies restaient complètement impliquées dans [cet accord] et pour s’efforcer de faciliter les exportations d’engrais et d’alimentation russes ».

Cet accord, qui a eu pour effet d’atténuer la crise alimentaire mondiale provoquée par le conflit en Ukraine en permettant d’exporter plus de 24 millions de tonnes de céréales à partir des ports ukrainiens, selon les Nations unies, avait été reconduit en novembre pour quatre mois.   

Vers des poursuites pour crimes de guerre [...] 
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Anna Malpas, 
Agence France-Presse 
La Presse, le 13 mars 2023

lundi 13 mars 2023

Jour 383 - Kyiv veut «gagner du temps » avec la défense de Bakhmout


(Kyiv) L’armée ukrainienne continue dimanche de défendre Bakhmout, avec l’objectif de « gagner du temps » dans cette ville de l’est de l’Ukraine dont Moscou tente de s’emparer depuis l’été au prix de lourdes pertes. 

« Les vrais héros sont les défenseurs qui tiennent le front de l’Est sur leurs épaules », a salué le commandant des forces terrestres ukrainiennes Oleksandre Syrsky.   

« Il faut gagner du temps pour accumuler des réserves et lancer une contre-offensive, qui n’est pas loin », a-t-il encore dit, cité samedi par le service de presse de l’armée, sans donner plus de précisions sur cet assaut potentiel. 

L’armée ukrainienne a affirmé dimanche que 15 localités dans la zone de Bakhmout avaient essuyé des tirs russes la veille, signe de l’intensité des combats actuellement dans la zone.

« Compliqué de résister »  
«Au début de la guerre, nous n’avions pas de drones. Les missions étaient plus compliquées et moins efficaces. Mais en été, nous avons commencé à recevoir des drones et d’autres équipements. Aujourd’hui, nous sommes plus efficaces », explique Petro, le pilote d’un des trois hélicoptères d’attaque MI-8 qui venaient d’effectuer un raid contre une cible près de Bakhmout. 

Malgré ces équipements, le ministère britannique de la Défense a rapporté samedi qu’« au cours des quatre derniers jours », le groupe paramilitaire russe Wagner avait « pris le contrôle de la plus grande partie de l’est » de Bakhmout.  

« Les forces ukrainiennes contrôlent l’ouest de la ville et ont démoli des ponts clés au-dessus de la rivière » qui la traverse, a souligné ce ministère.

Evguéni Prigojine, le patron du groupe Wagner, a revendiqué de son côté une nouvelle progression de ses hommes qui se battent en première ligne à Bakhmout.   

« C’est le bâtiment de l’administration municipale, le centre administratif de la ville », a-t-il déclaré samedi, pointant du doigt, du toit d’un bâtiment, un autre édifice, en guise d’illustration de cette avancée.

 « C’est à un kilomètre deux cents ». […] « C’est la zone, il y a des combats en cours », a-t-il ajouté dans une vidéo diffusée par le service de presse de son entreprise Concord, des propos invérifiables de source indépendante dans l’immédiat. 

Les Russes essaient depuis plusieurs semaines d’encercler cette ville de quelque 70 000 habitants avant le conflit et ont réussi à couper plusieurs routes importantes pour le ravitaillement des soldats ukrainiens. 

La vice-première ministre ukrainienne Olga Stefanichyna a concédé dans qu’il « devient compliqué pour nous de résister et de dissuader » les forces à Bakhmout. 

« Nous estimons que l’armée russe a déjà perdu 150 000  hommes depuis l’an dernier dans ses offensives militaires sur notre sol. La masse humaine de son infanterie est une arme redoutable, elle semble inépuisable en volume et dans le temps », a-t-elle déclaré. 

Frappes sur Kherson [...] 
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Agence France-Presse 
La Presse, le 12 mars 2023

dimanche 12 mars 2023

Jour 382 - Rouler jusqu’à la paix dans l’Ukraine en guerre


Le Devoir a accompagné un citoyen polonais à bord de sa fourgonnette transportant de l’aide humanitaire en Ukraine. Récit d’une solidarité sans faille.

La silhouette d’un homme se devine à travers le pare-brise brouillé par la pluie. Jaillissant dans le faisceau des phares, le garde-frontière s’approche, le visage enfoui sous sa capuche, fusil en bandoulière sur sa parka kaki. La scène pourrait paraître inquiétante dans ce décor nocturne des confins de l’Europe, n’eût été le poste-frontière en face, signalé en grandes lettres cyrilliques : « Bienvenue en Ukraine ». 

Le véhicule d’Arkadiusz Malicki, 46 ans, s’immobilise. Derrière le tableau de bord, le Polonais à la chevelure grisonnante baisse sa vitre, le temps d’un bref échange avec le fonctionnaire ukrainien. « Merci pour ce que vous faites pour notre pays ! » de louanger l’agent en uniforme. Ce genre de remerciements, Arkadiusz y a eu souvent droit, ces douze derniers mois. Douze mois que ce gaillard au regard doux effectue les traversées dans le pays voisin en guerre, parfois accompagné, toujours à ses risques et périls. Avec le même objectif : y livrer des tonnes d’aide humanitaire de manière désintéressée. 

Il est passé 22 heures. Dans la lumière blafarde du point frontalier de Korczowa-Krakovets, tout à l’est de la Pologne, les véhicules se font rares. « Plutôt calme, ce soir », observe, calé dans son siège, Arkadiusz — « Arek » pour les intimes. 

La mission du soir ? Loin d’être la plus périlleuse jusqu’ici pour notre homme : rejoindre Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine, une région épargnée par les combats, quoique demeurant la cible occasionnelle de missiles russes. Là, le matériel qu’il doit livrer sera renvoyé, par l’entremise d’un intermédiaire, près des lignes de front, en Ukraine orientale. Ce soir de février, prenant à son bord Le Devoir, Arek en est à son 28e trajet vers l’Ukraine depuis l’invasion russe. 

Une trentaine de minutes viennent de s’écouler au poste-frontière. « C’est bon, vous pouvez y aller. » La route vers le pays en guerre se dessine droit devant, dans l’obscurité. 

Baptême humanitaire 
C’est à l’angle d’une station-service jouxtant l’aéroport Jean-Paul II de Cracovie, dans le sud de la Pologne, que le rendez-vous avec Arek était donné, quelques heures plus tôt. Le voilà qui arrive au volant de sa fourgonnette estampillée d’une croix rouge, des pointes de rouille s’invitant sur la carrosserie blanche. La cargaison à convoyer doit arriver d’une minute à l’autre au terminal de l’aéroport : des kilos d’équipements, surtout médicaux, à destination de soldats sur le front, près de Bakhmout, sous le feu incessant de l’artillerie russe. « C’est une médecin ukrainienne habitant Chicago qui a fait parvenir une bonne partie du matériel », explique Arek. 

Sur la chaussée mouillée du dépose-minute de l’aéroport, des dizaines de sacs s’entassent, lourds à faire courber l’échine. Un Arek grimaçant d’effort les engouffre dans le coffre. Un, deux, vingt-six… 

La fourgonnette ploie sous ces médicaments, garrots, bottes pour soldats, lunettes de vision nocturne. Les portières claquent. Départ. La fourgonnette roule à présent sur l’autoroute polonaise désertée. Alentour, des champs plongés dans les ténèbres. Il faut encore deux heures pour atteindre la frontière. Alors, dans l’intimité de l’habitacle, le regard fixé sur l’horizon balayé par l’essuie-glace, Arek se raconte. 

La nuit du 24 février 2022, tel un signe prémonitoire, le quarantenaire avait peine à fermer l’oeil. « Poutine a envahi l’Ukraine ! » lance aux aurores sa femme, Emilia, la voix étranglée. « J’en ai échappé ma brosse à dents, mon esprit tourbillonnait. » 

Bougies, denrées, jerricanes de carburant. Le surlendemain de l’agression, Arek chargea à ras bord sa berline. « Rester les bras croisés n’était pas une option », explique aujourd’hui le Polonais. Le plan : mettre le cap vers Boryslav, une ville de l’ouest de l’Ukraine, pour y livrer l’aide collectée, puis dans l’autre sens, prendre à son bord des Ukrainiens cherchant refuge en Pologne. De ce premier périple, doublé d’une évacuation, il n’en dit guère mot à sa famille. « Ma femme ne m’aurait pas laissé partir. Ce n’est qu’à Rzeszów, ville polonaise non loin de la frontière, que je l’ai avertie. Elle m’a intimé de faire demi-tour, en vain. »

En chemin, des amis l’informaient sur l’avancée des troupes de Moscou. Dans le brouillard de la guerre, d’aucuns redoutaient alors une capitulation ukrainienne. L’avertissement lancé par le douanier polonais lui donna le vertige : « Vous vous rendez compte que vous entrez dans une zone de guerre ? » Or, c’est au moment de traverser la frontière qu’Arek saisit « l’ampleur de la tragédie ». Sous ses yeux, un véritable exode de femmes et d’enfants hagards. La file pour passer dans le pays en paix, côté ukrainien, s’étendait sur plusieurs dizaines de kilomètres. 

Roulant à rebours de ce sauve-qui-peut, Arek remarqua dans le flot une jeune mère avec sa fille de trois ans, toutes deux en sanglots. « Il faisait froid et sombre. Je leur ai donné une couverture, du thé. Et puis, la maman esquissa un sourire… » La scène, depuis, lui reste gravée dans l’esprit. 

La fatigue guette 
L’histoire d’Arek, c’est aussi celle d’une solidarité sans faille de nombre de Polonais qui, fédérés par ce même sentiment d’urgence, ont mis leur vie sur pause depuis un an. Originaire de Dąbrowa Górnicza, dans le sud-ouest de la Pologne, cet ingénieur de formation s’investit au sein de divers réseaux de volontaires, tous convoyeurs humanitaires improvisés. « Mais moins de gens vont en Ukraine pour aider qu’au début, où l’attention était plus forte. Certains ne peuvent plus se permettre de donner de leur poche », relate Arek. 

En Pologne, aux premières loges du conflit, c’est la société civile qui a pris à bras-le-corps l’assistance humanitaire, notamment l’accueil des exilés. Mais alors que fait rage une inflation record (17 %), la fatigue guette. Les élans d’entraide se sont étiolés, à l’instar de la politique de générosité de Varsovie. « Les Polonais sont éreintés, on ne se rend pas compte du fardeau qu’a dû prendre la société », soutient Agnieszka Kosowicz, présidente de l’ONG Polskie Forum Migracyjne. 

L’empathie, toutefois, va au-delà du portefeuille d’Arek. Ainsi a-t-il acheté à crédit sa fourgonnette, misant sur une cagnotte en ligne pour s’acquitter de sa dette d’ici le printemps. Depuis la débâcle de l’entreprise de construction dont il était à la tête jusqu’à l’an dernier, il se maintient à flot en multipliant les petits boulots. 

Difficile de distinguer sa vie privée de celle de ses missions humanitaires. « Pour éviter d’angoisser mes proches, j’évite de leur détailler mes activités », explique ce père de deux fils, 16 et 23 ans, et d’une fillette de 3 ans. Sur la route, le téléphone sonne : c’est sa femme, justement. « Une fois, elle m’a demandé : “Pourquoi tu fais ça ? Tu as des enfants, d’autres pourraient le faire”, témoigne Arek, à l’issue du coup de fil. Comme réponse, je lui ai montré la photo d’une fillette de Kherson, serrant contre elle une peluche que je venais de lui donner, deux semaines après la libération. Emilia en a pleuré. » 

Braver le danger 
Kharkiv, Bakhmout, Kramatorsk… La moitié de la trentaine de ses séjours ukrainiens concerne des localités à proximité de la ligne de front. « Des gens me racontent leurs histoires d’occupation. Quand je reviens à la maison après un aller-retour en Ukraine, ma fille me serre dans ses bras. Elle est ma motivation pour continuer. » Il a conscience que chacun de ces voyages pourrait être son dernier. En novembre, lors d’une livraison de nourriture et de médicaments à Dvorichna, dans la région de Kharkiv, le convoi dans lequel il était a vraisemblablement été la cible de bombardements russes. 

Une partie de la cargaison de ce soir sera expédiée à des hommes de la 80e brigade, déployée dans l’Est ukrainien. « Elle occupe une place importante dans mon coeur », dit Arek, dont trois de ses anciens collègues qui en faisaient partie ne sont plus de ce monde. 

Le navigateur GPS lui permettant de se repérer dans ces zones périlleuses, ce sont des hommes de cette unité qui le lui ont offert, « l’ayant volé aux Russes ». La veste noire d’Arek arbore un écusson aux couleurs de l’Ukraine, un cadeau de « Grozny », de son nom de guerre, un soldat dont il était devenu proche. « Il est mort deux semaines après me l’avoir donné, les Russes lui ont tiré dessus », lâche Arek sans broncher. Se lier d’amitié avec des combattants est un crève-coeur : « Car ça fait mal, quand un ami est tué, alors j’évite. Et puis, mes visites sur le front sont souvent courtes, les bombardements y sont incessants. » 

Aider jusqu’à la paix [...] 
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De Cracovie en Pologne à Lyiv en Ukraine 
Patrice Senécal, avec Vladyslava Taranets 
Le Devoir, 11 mars 2023