samedi 25 février 2023

Jour 367 - L’étrange plan de paix de la Chine pour l’Ukraine


Après avoir mis le monde dans l’expectative depuis quelques jours, la Chine a dévoilé vendredi matin sa proposition de plan visant à mettre fin à la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Un document en 12 points, publié le jour du premier anniversaire de cette violente invasion du territoire ukrainien par les forces du Kremlin, reçu avec prudence et scepticisme par la communauté internationale, et ce, au terme d’une semaine marquée par des déclarations contradictoires du régime chinois et par un rapprochement stratégique et diplomatique exposé au grand jour par Pékin et Moscou. 

Que contient le document ? 
Une liste de voeux pieux, un catalogue de bonnes intentions : intitulé « Position de la Chine sur le règlement politique de la crise ukrainienne », le plan de paix de Pékin appelle d’entrée de jeu au respect de « la souveraineté, [de] l’indépendance et [de] l’intégrité territoriale de tous les pays » et invite les parties impliquées à « soutenir la Russie et l’Ukraine pour travailler dans la même direction et reprendre le dialogue direct aussi vite que possible ». 

Dans ce document, la Chine estime que « la prolifération nucléaire doit être empêchée et la crise nucléaire évitée ». Pékin s’oppose également « à la recherche, au développement et à l’utilisation d’armes chimiques et biologiques par n’importe quel pays, quelles que soient les circonstances », et demande à la Russie et à l’Ukraine de « se conformer strictement au droit humanitaire international [et d’]éviter d’attaquer des civils ou des bâtiments civils ». 

Parmi les 12 points, un semble cibler directement l’OTAN, pointée du doigt depuis le début du conflit par Vladimir Poutine pour justifier son agression de l’Ukraine : Pékin réclame en effet que le conflit sorte de sa « mentalité de guerre froide ». « La sécurité d’une région ne devrait pas être obtenue en renforçant ou en élargissant des blocs militaires, peut-on lire. Les intérêts et inquiétudes légitimes de tous les pays en matière de sécurité doivent être pris au sérieux. » 

Enfin, la Chine estime que pour se rapprocher de la paix, les Occidentaux, la Russie et l’Ukraine doivent chercher à « maintenir la stabilité des chaînes industrielles et d’approvisionnement », mais également 
« s’opposer à l’utilisation de l’économie mondiale comme outil ou arme à des fins politiques », une dénonciation en règle des sanctions visant Moscou que les alliés de Kiev cherchent encore à renforcer. 

Peut-on prendre ce plan au sérieux ? 
Difficile d’accorder beaucoup de crédibilité à ce document, surtout lorsqu’on le place dans son contexte. 

Le plan de paix de la Chine vient d’être publié au lendemain de l’abstention exprimée par Pékin lors du vote sur la résolution de l’ONU jeudi soir appelant la Russie à se retirer de l’Ukraine. C’est la quatrième fois depuis le début du conflit que la Chine, membre permanent du Conseil de sécurité de l’organisation internationale, refuse de soutenir une proposition claire appelant à la fin du conflit. 

Le régime totalitaire de Xi Jinping n’a jamais condamné l’invasion de l’Ukraine par les forces armées russes et, à ce jour, a toujours dénoncé les sanctions imposées à la Russie par l’Occident. Son document 
ne reconnaît d’ailleurs pas l’existence d’un agresseur dans ce conflit, « ce qui est un peu étrange parce que c’est clair qu’il y a un agresseur », a fait remarquer vendredi Jorge Toledo, ambassadeur de l’Union européenne en Chine. 

À ce stade, l'incapacité de la Chine à reconnaître l'agression russe contre l'Ukraine envoie un signal d’alarme — Niva Yau 

Sur les ondes de CNN, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan, a pour sa part minimisé l’importance de ce plan en estimant qu’il aurait pu se réduire au premier de ses douze 
points : « le respect de la souveraineté de toutes les nations ». 

« La guerre pourrait se terminer demain si la Russie arrêtait d’attaquer l’Ukraine et retirait ses forces », 
a-t-il dit. 

Hasard des calendriers : vendredi, le quotidien allemand Der Spiegel a révélé que des négociations auraient commencé entre le ministère de la Défense russe et une compagnie technologique chinoise pour la fourniture, d’ici avril prochain, de « drones rôdeurs » armés et pour le transfert de composantes et de savoir-faire afin de permettre à la Russie de produire ces armes localement. Les drones chinois seraient semblables aux drones Shahed-136 de fabrication iranienne, utilisés depuis des mois par Moscou pour mener des attaques contre des infrastructures civiles en Ukraine, selon le quotidien allemand. 

Cette semaine, Washington a accusé Pékin d’envisager de fournir des armes à la Russie afin de soutenir Moscou dans son offensive en Ukraine. Le régime chinois a vertement démenti ces allégations tout en s’affichant aux côtés de l’homme fort du Kremlin. 

« La Chine devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour mettre fin à la guerre […] et inciter la Russie à retirer ses troupes », a commenté Zhanna Leshchynska, chargée d’affaires de l’ambassade d’Ukraine en Chine, en soulignant un certain parti pris du « plan de paix » chinois. « La Chine devrait parler aux deux parties, la Russie et l’Ukraine. Car actuellement, nous voyons que la partie chinoise parle surtout à la Russie, mais pas avec l’Ukraine. » 

« Je veux croire que la Chine sera du côté d’un monde juste, c’est-à-dire de notre côté », a dit le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, vendredi après-midi, tout en affirmant avoir l’intention de rencontrer son homologue chinois, Xi Jinping, pour discuter des propositions de Pékin visant à résoudre le conflit avec Moscou. « Ce sera important pour la sécurité mondiale. La Chine respecte l’intégrité territoriale et doit tout faire pour que la Russie quitte le territoire de l’Ukraine », a-t-il dit, sans donner plus de détails sur cette réunion. 

Que cherche le régime chinois ? [...]
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Fabien Deglise, analyse 
Le Devoir, le 24 février 2023

vendredi 24 février 2023

Jour 366 - Après un an de guerre, nous n’avons pas craqué !


L’Ukraine qui « n’a pas craqué » s’apprête à entrer dans sa deuxième année de guerre contre les forces d’occupation russes, redoutant de nouvelles attaques à la veille du premier anniversaire de l’invasion du pays par l’armée de Vladimir Poutine. 

« Nous n’avons pas craqué, nous avons surmonté de nombreuses épreuves et nous triompherons. Nous demanderons des comptes à tous ceux qui ont apporté ce mal, cette guerre sur notre terre », a affirmé jeudi le président ukrainien Volodymyr Zelensky. 

À Moscou, le président Poutine est, lui, allé déposer des fleurs sur la tombe du soldat inconnu à l’occasion de la Journée du défenseur de la patrie, avant d’aller s’entretenir sous un ciel bleu et par -10 °C avec des militaires sur la Place rouge. 

« C’est l’obligation sacrée de l’État de s’occuper de ceux qui défendent le pays », a-t-il dit. 

« Les occupants (russes) préparent » des provocations à une grande échelle, très probablement, a indiqué de son côté le renseignement ukrainien qui a détecté un mouvement de convois transportant du matériel militaire près de la frontière avec la région de Tchernihiv. 

« Ils prévoient une frappe de missile mineure les 23 et 24 [février], ils ont deux dates. Croyez-moi, nous avons déjà survécu à cela plus de 20 fois », a déclaré pour sa part Kyrylo Budanov, le chef de la principale direction du renseignement du ministère de la Défense à Ukrainiska Pravda. 

« Pire année » 
Déjà éprouvés par « la pire année de leur vie, des Ukrainiens qui ont été notamment plongés dans le noir et le froid après la destruction par des bombardements russes d’une bonne partie de l’infrastructure énergétique du pays, espèrent que la » victoire est devant eux « . » 

En cette fin février, les pénuries de courant sont largement surmontées mais la guerre déclenchée le 24 février 2022 par Moscou demeure dans les esprits. 

« Je suis sûre que la victoire est devant nous, mais nous ne savons pas combien de temps nous devrons attendre et combien de victimes il y aura encore avant que ce genre de chose n’arrive. C’est la seule chose qui préoccupe tous les Ukrainiens maintenant », confie Diana Chestakova, 23 ans, employée dans une maison d’édition. 

Un artiste suisse a lui projeté mercredi soir sur des bâtiments publics de Lviv des images à la gloire de l’Ukraine : champ de tournesols, colombes de la paix, emblème ukrainien et le chiffre 365. Un spectacle dominé par les couleurs jaune et bleue de l’Ukraine. 

L’artiste suisse Gerry Hofstetter a projeté mercredi soir sur des bâtiments publics de Lviv des images à la gloire de l’Ukraine. 

Le premier ministre espagnol Pedro Sanchez s’est rendu jeudi en Ukraine pour manifester son soutien, après le président américain Joe Biden lundi et la première ministre italienne Giorgia Meloni mardi.

« Je suis de retour à Kiev, un an après le début de la guerre. Nous serons aux côtés de l’Ukraine et de son peuple jusqu’à ce que la paix soit de retour en Europe », a-t-il tweeté. La veille, Madrid avait annoncé le don de six chars Leopard 2A4 à l’Ukraine. 

La Finlande a annoncé l’envoi de trois chars Leopard 2 dans le cadre de la coopération internationale pour fournir à l’Ukraine des armes lourdes. 

À New York, l’Assemblée générale de l’ONU doit adopter jeudi une résolution réclamant une paix « juste et durable » en Ukraine, texte que Kiev et ses alliés espèrent voir recueillir le soutien le plus large face à Moscou. 

De leur côté, les ministres des Finances du G7 vont essayer de s’entendre jeudi à Bangalore, en Inde, sur un nouveau paquet de sanctions économiques contre Moscou, avant une réunion vendredi et samedi du G20 pour aborder des mesures face aux effets économiques de la guerre et un éventuel allègement de la dette des pays les plus pauvres. L’Inde, pays organisateur du G20, n’a pas condamné l’invasion. 

« Temps de la guerre froide » [...] 
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Agence France-Presse à Kiev 
Le Devoir, 23 février 2023 à 9 h 27

jeudi 23 février 2023

Jour 365 - L’homme qui parle aux Russes


C’est à croire qu’un rideau de fer s’est abattu entre la Russie et l’Occident. Aux dires des propagandistes, l’Ukraine et « l’Ouest collectif » appartiennent maintenant au club des nazis, des fascistes ou des satanistes. Cette rhétorique belliqueuse trouve écho parmi les citoyens du pays de Vladimir Poutine. Malgré tout, certains Russes s’acharnent à garder une fenêtre ouverte entre les deux camps. 

Veston rose et cheveux teints en blond, Daniil Orain répond sereinement aux questions du Devoir. Sa chaîne YouTube « 1420 » cumule des millions de vues depuis février 2022. Il traverse son pays de long en large, armé d’un simple téléphone, d’un microphone et d’un acolyte, et interroge ses camarades sur la guerre et leurs états d’âme. 

Pensez-vous que la guerre se déroule bien ? Détestez-vous les Ukrainiens ? Êtes-vous prêt à être conscrit ? Tel est le type de questions candidement posées. Les réponses suivent en général le discours officiel. « Tout va s’améliorer avec de nouveaux territoires et de l’argent frais. » « Je n’ai aucune sympathie pour les Ukrainiens. » « Si je suis appelé pour défendre ma patrie, j’irai. » Ainsi répondent bon nombre de citoyens. 

« En Russie maintenant, c’est sécurisant de soutenir la guerre. Tu vas te sentir en sécurité, tu vas être moins stressé si tu suis simplement les règles officielles », relève Daniil Orain. « On peut voir chez certaines personnes au cerveau lavé qu’elles suivent un leader. Elles ont besoin d’une main forte, d’une autre personne pour leur dire ce qui est bien ou mal. Elles ne savent pas penser par elles-mêmes. Je crois que c’est pour une majorité des gens. » 

« Mais, certaines personnes n’approuvent pas la guerre », nuance-t-il. Plusieurs de ces citoyens expriment à la caméra un soutien envers leurs « proches » ukrainiens. Beaucoup ruminent un pessimisme affirmant que « les choses vont empirer ». D’autres dénoncent carrément leur président. 

Beaucoup, cependant, se défilent devant la caméra. Et certains attaquent carrément le vidéaste pour son audace. 

Pas effrayé d’exercer sa liberté d’expression, Daniil Orain redirige le qualificatif de « courageux » sur ceux qui répondent à ses questions. « C’est bien qu’on ait des réponses très braves chaque fois. Avec des réponses braves comme ça, d’autres gens verront ces réponses et penseront que si une personne dit ça, je peux dire aussi ces choses-là. Ces personnes-là encouragent d’autres personnes à parler ouvertement. » 

Les dissidents restent rares en dehors des grandes villes, note-t-il. « Chaque fois que je fais mes vidéos, j’essaie de comprendre pourquoi ils soutiennent la ligne officielle. Ils disent, par exemple, qu’il y a des nazis, des fascistes là-bas [en Ukraine]. Ils répètent ce qui se dit à la télévision sans le questionner. Peut-être que c’est parce que d’autres personnes de leur village ont vu quelque chose à la télévision et que cette nouvelle se partage dans la communauté sans qu’on la questionne. » 

Selon le regard de l’intérieur du jeune homme, le président Poutine gagne présentement la guerre des ondes en Russie. « Est-ce que vous soutenez Poutine ? » Sur 100 Russes questionnés au hasard à Moscou par Daniil Orain, 46 approuvent, 22 condamnent et 32 préfèrent ne pas répondre. 

L’opinion publique semble bel et bien cimentée derrière le président, selon une approche plus scientifique. Plus de 80 % des Russes approuvent leur président aujourd’hui, un score plutôt stable depuis le début de l’invasion, selon le centre Levada de Moscou, un des seuls instituts crédibles de recherche sur le sujet. 

Les Russes derrière Poutine [...] 

Jean-Louis Bordeleau, 
Le Devoir, 23 février 2023

mercredi 22 février 2023

Jour 364 - Poutine suspend un traité sur les armes nucléaires et s’emporte contre l’Occident


Vladimir Poutine a annoncé mardi que la Russie suspendait sa participation au traité russo-américain New Start sur le désarmement nucléaire, alors que le président américain, Joe Biden, a de son côté assuré que la Russie ne gagnera jamais en Ukraine.

Dans un discours d’une heure et quarante-cinq minutes rappelant l’époque de la Guerre froide par sa virulente rhétorique anti-occidentale, le président russe a aussi juré de poursuivre « méthodiquement » son offensive en Ukraine. 

Les Occidentaux veulent « en finir avec nous une bonne fois pour toutes », a tonné M. Poutine, accusant Washington et ses alliés européens de porter « la responsabilité de l’attisement du conflit ukrainien et de ses victimes ». 

Le président américain, Joe Biden, a de son côté fait une allocution très attendue, à Varsovie, où il s’est trouvé après une visite surprise à Kiev lundi à l’occasion de laquelle il a encore promis des armes aux Ukrainiens. 

« Notre soutien à l’Ukraine ne faiblira pas », « l’Ukraine ne sera jamais une victoire pour la Russie, jamais » et « reste libre », a-t-il martelé, parlant de « la volonté de fer de l’Amérique ». 

« L’Occident ne complote pas pour attaquer la Russie comme Poutine l’a dit aujourd’hui », a assuré M. Biden. « Les millions de citoyens russes qui veulent seulement vivre en paix avec leurs voisins ne sont pas l’ennemi. » 

Vladimir Poutine « pensait que les autocrates comme lui étaient durs et que les dirigeants de la démocratie étaient mous, puis il s’est heurté à la volonté de fer de l’Amérique et des nations du monde entier qui refusent d’accepter un monde gouverné par la peur », a-t-il déclaré. 

« Il ne doit y avoir aucun doute : notre soutien à l’Ukraine ne faiblira pas, l’OTAN ne sera pas divisée et nous ne lâcherons pas », a assuré le président américain. 

Le même jour, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a annoncé que les pays membres de l’Union européenne allaient puiser dans leurs stocks pour accélérer les fournitures d’armes et de munitions à l’Ukraine. 

Essais nucléaires russes ? 
Vladimir Poutine a marqué les esprits mardi en annonçant la suspension du traité New Start sur le désarmement nucléaire, se disant en outre prêt à renouer avec les essais nucléaires. 

« Ils veulent nous infliger une défaite stratégique, s’en prennent à nos sites nucléaires, c’est pourquoi je suis dans l’obligation d’annoncer que la Russie suspend sa participation au traité [New] Start », a déclaré le président russe. 

Une annonce peu après atténuée par son ministère des Affaires étrangères assurant dans un communiqué que « la Russie entend conserver une approche responsable et continuera, pendant la durée de vie du traité, à respecter strictement les limites quantitatives des armes stratégiques offensives ». 

Signé en 2010, ce traité est le dernier accord bilatéral du genre liant Russes et Américains et vise à limiter leurs arsenaux nucléaires. La Russie avait déjà annoncé début août suspendre les inspections prévues sur ses sites militaires. 

M. Poutine a aussi appelé les forces russes à se tenir « prêtes à réaliser des essais d’armes nucléaires », au cas où les États-Unis en feraient en premier. 

Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a jugé « irresponsable » la décision de la Russie sur New Start, tout en assurant que les États-Unis « restent prêts à discuter sur les armes stratégiques » avec Moscou. 

Paris a rappelé que le traité New Start constituait « un instrument essentiel » de stabilité stratégique. 

Londres a souligné que le contrôle des armements était « vital » pour la sécurité, et ce, pendant que le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a dit « regretter » la décision russe. 

Un monde sans contrôle des armements nucléaires est « bien plus dangereux », a insisté de son côté Stéphane Dujarric, porte-parole du Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres. 

« Sans pitié » 
Vladimir Poutine a aussi juré de remplir « pas à pas, soigneusement et méthodiquement » les objectifs de son offensive en Ukraine, qui a été marquée ces derniers mois par une série de revers militaires humiliants pour Moscou, mais aussi, plus récemment, par de petites avancées dans l’est. 

« Mais ils ne sont pas sans savoir qu’il est impossible de battre la Russie sur le champ de bataille », a ajouté le maître du Kremlin. 

Pendant le discours de M. Poutine, les forces russes ont bombardé des immeubles à Kherson, dans le sud de l’Ukraine, causant la mort d’au moins cinq civils, selon les autorités ukrainiennes. 

La Russie « tue sans pitié la population civile », a dénoncé le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. 

Les images diffusées après cette frappe montrent des corps, l’un recouvert par une bâche pour le cacher, gisant au sol à proximité d’un arrêt de bus et un supermarché détruit. 

Soutien militaire chinois ? [...] 
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Agence France-Presse, Le 21 février 2023

mardi 21 février 2023

Jour 363 - «Un an plus tard, la démocratie est debout.»



Lors d’une visite surprise à Kyiv lundi, Joe Biden a réaffirmé son soutien à l’Ukraine et fait l’annonce d’une aide supplémentaire de 500 millions de dollars 

(New York) Au début de sa présidence, Joe Biden a prédit que les historiens de demain écriraient « leurs thèses de doctorat sur la question de savoir qui a réussi : l’autocratie ou la démocratie ». 

Depuis, la question n’a cessé d’occuper une place centrale dans sa présidence, lui fournissant la matière à quelques-uns de ses discours les plus importants. En décembre 2021, à quelques semaines de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, il avait tenu un sommet virtuel sur la démocratie au cours duquel il s’était engagé à combattre la dérive autoritaire tant aux États-Unis qu’à l’étranger. 

« Face à des défis soutenus et alarmants pour la démocratie, les droits de l’homme universels, et partout dans le monde, la démocratie a besoin de champions », avait dit celui qui avait battu un peu plus d’un an auparavant un admirateur de Vladimir Poutine et de Xi Jinping. 

Joe Biden était évidemment revenu à la charge lors de son premier discours sur l’état de l’Union, qui intervenait quelques jours seulement après l’invasion russe dont il avait prédit le début quasiment au jour près. 

 « Dans la bataille entre la démocratie et l’autocratie, les démocraties se montrent à la hauteur, et le monde choisit clairement le côté de la paix et de la sécurité. C’est un véritable test. Cela va prendre du temps », avait-il déclaré. 

« Lorsque les dictateurs ne paient pas le prix de leur agression, ils provoquent davantage de chaos. Ils continuent à gagner du terrain. Et les coûts et les menaces pour l’Amérique et le monde continuent d’augmenter », avait-il ajouté. 

« La guerre de conquête de Poutine est un échec » 
Mais aucun des discours ou des gestes de Joe Biden n’aura eu la portée symbolique de sa visite à Kyiv lundi, à quelques jours seulement du premier anniversaire de la guerre d’agression menée par Vladimir Poutine. Une visite inopinée qui a quasiment la valeur d’une doctrine : pour défendre la démocratie contre l’autocratie, le 46e président des États-Unis est prêt à prendre de très grands risques, y compris ceux qui engagent sa sécurité personnelle. 

Ce point a été illustré de façon poignante quand les sirènes de raid aérien ont retenti dans la capitale ukrainienne pendant la visite de Joe Biden. Des médias ont indiqué que ces sirènes avaient été déclenchées par le décollage d’un avion de combat russe Mig en Biélorussie, pays qui partage une frontière avec l’Ukraine au nord. Un missile tiré par un Mig à partir de la Biélorussie peut atteindre une cible à Kyiv en 20 minutes. 

Joe Biden était arrivé dans la capitale ukrainienne après un voyage de plusieurs heures à bord d’un train parti de la frontière polonaise. La Maison-Blanche avait alerté les responsables russes quelques heures à l’avance de l’arrivée du président américain dans la capitale ukrainienne. 

Mais le risque n’était pas nul pour le chef de la Maison-Blanche, qui a profité de sa présence à Kyiv pour narguer l’homme fort du Kremlin. 

« La guerre de conquête de Poutine est un échec », a déclaré Joe Biden aux côtés de Volodymyr Zelensky dans le palais Mariinsky, résidence officielle du président ukrainien. 

« Un an plus tard, Kyiv est debout. Et l’Ukraine est debout. La démocratie est debout », a ajouté celui qui prononcera mardi à Varsovie un discours majeur pendant que Vladimir Poutine prendra la parole à Moscou. 

En présence de Joe Biden, Volodymyr Zelensky rayonnait. 

« Merci beaucoup d’être venu, Monsieur le Président, à un moment important pour l’Ukraine », a-t-il dit.

Aide américaine [...] 
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Richard Hétu, collaboration spéciale (New York) La Presse, 21 février 2023

lundi 20 février 2023

Jour 362 - Incertitude stratégique - Chronique



Un an de cette horreur, et ce n’est pas fini.  Y aura-t-il un deuxième anniversaire d’une guerre non terminée ? Puis un troisième ? C’est malheureusement possible. Une grande incertitude stratégique continue d’envelopper ce sanglant conflit alors qu’il entre dans sa seconde année. 

Son pari fou de conquérir l’Ukraine en deux jours (ou deux semaines) ayant lamentablement échoué, Vladimir Poutine poursuit une stratégie de guerre d’usure. 

Il parie sur l’épuisement de l’ennemi : l’Ukraine, l’armée ukrainienne, mais aussi l’Occident, dont l’unité et la détermination, divines surprises des douze derniers mois, ne sont jamais garanties. 

Les possibilités sont multiples. Épuisement par manque de matériel ou d’hommes. Épuisement des alliés dans leur fourniture d’aide militaire. Épuisement des capacités industrielles à soutenir cette fourniture continue (on a puisé dans les stocks, maintenant il faut produire). Épuisement de la volonté à soutenir ad infinitum la défense de l’Ukraine et à en payer le prix économique. 

Le spectre de l’épuisement ou celui — toujours possible — de l’effondrement subit de l’un ou l’autre… ce spectre guette également la partie russe, ce qui entretient les espoirs ukrainiens de reconquête complète. 

La précipitation russe à relancer l’attaque dans le Donbass, visible depuis le début février, trahit une volonté « tactique » de prendre de vitesse les nouvelles livraisons annoncées en janvier : livraisons de chars, de blindés, de munitions, de défense antiaérienne. Attendues pour avril ou mai, elles comportent aussi des délais liés à l’incompressible temps de formation nécessaire aux utilisateurs de ces nouveaux équipements, notamment les fameux Leopard-2. 

Mais cette précipitation russe se traduit, en ce début 2023, par des attaques massives de « troupes » mal préparées, mal équipées, lancées dans cette campagne Donbass 2. 

Des malheureux poussés au front, véritable chair à canon : une masse humaine destinée à engloutir l’ennemi par la force du nombre — telle est la « stratégie » russe. Même si, pour ce faire, il faut envoyer à la mort certaine, au hachoir et dans des souffrances atroces, des dizaines de milliers d’êtres humains de son propre camp (sans compter les « sous-hommes » d’en face). 

Tel est le mépris de l’idéologie russe, de la direction russe, envers la vie humaine et l’individu. On le retrouve tous les soirs à la télévision moscovite. 

On retrouve aussi l’influence du héros de Poutine, Joseph Staline — Poutine, au fait, qui déteste Lénine… mais a toujours admiré le « petit père des peuples ». Staline, auteur de la fameuse citation : « La mort d’un homme est une tragédie. La mort d’un million d’hommes est une statistique. » 

La victoire soviétique contre l’Allemagne en 1945 avait reposé — à une échelle certes supérieure — sur des conceptions similaires : jeter sur le terrain, par vagues successives, des quantités illimitées de viande rouge humaine, de soldats-esclaves, surveillés par le NKVD (services secrets soviétiques) qui abattait dans le dos tout récalcitrant. L’envers atroce de « l’héroïsme » soviétique qui a vaincu la Wehrmacht (1). 

Après l’offensive russe actuelle, le plan de match, ou ce qu’on en sait, évoque une contre-attaque, dans quelques mois, des forces ukrainiennes. 

Fin du printemps ? Été ? Début de l’automne ? Sur le front Sud ou sur le front Est ? Difficile à dire. Mais les défis sont énormes et, si la situation actuelle ressemble à une « course contre la montre », les dangers d’une précipitation excessive sont également présents. Pour la Russie… mais également pour l’Ukraine. 

L’Ukraine se bat contre l’hésitation, l’épuisement, voire l’exaspération des appuis occidentaux, qui paraissent toujours en décalage sur les besoins du moment. 

Même si on leur répète « on vous soutiendra aussi longtemps qu’il le faudra », les dirigeants ukrainiens savent aussi que les Occidentaux espèrent des résultats, et vite, car ils ne veulent pas une guerre de dix ans ou un conflit gelé. Entre le « temps politique » en Occident et le « temps de la guerre » en Ukraine, il y a une contradiction dangereuse, potentiellement tragique. 

(1) Un coup de chapeau, en passant, au livre remarquable du professeur Tristan Landry, de l’Université de Sherbrooke, La valeur de la vie humaine en Russie, qui vient d’être réédité (Presses de l’Université Laval, collection « À propos », 2023). 


Le Devoir, 20 février 2023

https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/782388/incertitude-strategique


François Brousseau est chroniqueur-analyste de Radio-Canada pour les affaires internationales et signe une chronique hebdomadaire pour le quotidien Le Devoir. Il est le fils du comédien Jean Brousseau.


dimanche 19 février 2023

Jour 361 - La Russie a commis des crimes contre l’humanité, selon les États-Unis

Toute guerre est un crime contre l'humanité


La vice-présidente des États-Unis Kamala Harris a accusé pour la première fois la Russie d’avoir perpétré des « crimes contre l’humanité » depuis le début de son invasion de l’Ukraine il y a près d’un an, prévenant que les responsables devront « en rendre compte ». 

Intervenant à la Conférence de Munich, en Allemagne, sur la sécurité, Mme Harris, une ancienne procureure, a fait une énumération glaçante des exactions attribuées à Moscou, citant les bombardements systématiques visant les civils et les infrastructures critiques, les tortures et les viols attribués aux soldats russes, les déportations d’Ukrainiens en Russie, y compris de milliers d’enfants séparés de leur famille. « 

Nous avons examiné les preuves, nous connaissons les normes juridiques et il n’y a pas de doute : ce sont des crimes contre l’humanité », a-t-elle déclaré. 

Depuis le début de l’invasion, les États-Unis ont documenté ou répertorié plus de 30 600 cas de crimes de guerre commis par les forces russes en Ukraine, précise le département d’État américain. 

Le ministre des Affaires étrangères ukrainien Dmytro Kouleba a salué la position américaine et accusé de nouveau Moscou « de guerre génocidaire » en Ukraine, lors conférence de presse en marge de la Conférence. 

Il a dit toutefois craindre qu’il ne soit pas possible de réunir suffisamment de preuves pour poursuivre en justice « des individus spécifiques » ayant commis « des atrocités ». 

Kiev a appelé à la mise en place d’un tribunal spécial pour juger les plus hauts responsables russes, mais sa forme exacte soulève des questions juridiques complexes. 

Risques que « Poutine gagne » 
Réunis à Munich en marge de la Conférence, les chefs de la diplomatie des grandes puissances du G7 ont réaffirmé parallèlement dans un communiqué leur « solidarité inébranlable avec l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire » près d’un an après le lancement de l’invasion russe le 24 février 2022. 

Plus tôt, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, avait mis en garde contre une défaite de l’Ukraine, alors que la Russie est en train de mobiliser « des centaines de milliers de troupes ». 

« Le plus grand risque de tous est que Poutine gagne. Si Poutine gagne en Ukraine, le message pour lui et d’autres dirigeants autoritaires sera qu’ils peuvent utiliser la force pour obtenir ce qu’ils veulent », a-t-il averti. 

Le président français Emmanuel Macron a certes réaffirmé qu’il désirait « la défaite » de Moscou mais a mis en garde ceux qui veulent « avant tout écraser la Russie », ce qui ne sera « jamais » la « position de la France ». 

« Je suis convaincu qu’à la fin, ça ne se conclura pas militairement », a-t-il dit à Munich dans un entretien accordé à un groupe de journalistes. « Toutes les options autres que Vladimir Poutine au sein du système actuel » lui « paraissent pires » que le président russe, a-t-il ajouté. 

La rencontre de Munich a également permis un entretien entre le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken et son homologue chinois Wang Yi au cours duquel le secrétaire d’État a mis en garde contre les « implications et les conséquences » pour la Chine s’il s’avérait qu’elle apporte un « soutien matériel » à la Russie dans sa guerre en Ukraine, selon le département d’État. 

Auparavant, Kamala Harris avait fait savoir que son pays était « troublé par le fait que Pékin a approfondi ses relations avec Moscou depuis le début de la guerre ». 

« Toute démarche de la Chine visant à fournir un soutien létal à la Russie ne ferait que récompenser l’agression, poursuivre les tueries et saper davantage un ordre fondé sur des règles », a prévenu la vice-présidente. 

« Une issue politique » [...] 

Isabelle Le Page et Léon Bruneau 
Agence France-Presse à Munich 
Le Devoir, le 18 février 2023