samedi 11 mai 2013

Un slogan inapproprié






Folie n’est pas déraison,
 mais foudroyante lucidité.

Réjean Ducharme















Je ne suis pas formidable
Chronique d’Yves Boisvert publiée dans La Presse le 11 mai 2013

« Sur le mur de l'atelier de «soutien à la participation sociale», il y avait une belle grosse affiche.
«Tu es formidable, le sais-tu?», demandait l'affiche.
- Euh... Non, je ne savais pas, s'est dit Hélène. Je suis fine. Je suis bonne. Je trouve que je suis intelligente - ça, c'est une découverte récente, ça fait du bien à 50 ans. Mais... formidable ? Non. Pas formidable.

C'était le slogan de la Semaine de la santé mentale: tu es formidable. Tout ça part d'un bon sentiment: renforcer «l'estime de soi».

Faut-il pour autant infantiliser les gens qui ont des problèmes de santé mentale? Sont pas si fous, vous savez...
Les enfants non plus, d'ailleurs, je vous l'annonce. Ils débusquent assez facilement le compliment exagéré. Ils savent où finit l'«encouragement» et où commence la niaise flatterie.
«Oooooh comme il est beau ton dessin de lapin! Comment? C'est une maison? Ah bon. Jolie maison.»

Un de mes fils - il devait avoir 5, 6 ans - m'expliqua un jour que son frère trouvait la nappe un peu rugueuse. Mais que «pour l'encourager, il dit qu'elle est douce».
J'ai ri aux éclats à l'idée qu'on puisse encourager une nappe. Pour ensuite me rendre compte que tout le monde dans lequel ils baignent - parents, école, télé pour enfants - a tellement peur de les contrarier, qu'il leur raconte de gentils mensonges. Comme si «l'estime de soi» reposait essentiellement sur un discours «positif» à tout prix.
Ils comprennent ça très vite: «encourager» est devenu synonyme de mentir pour ne pas faire de peine. C'est une façon de dire: tu es trop fragile pour la vérité. Même une nappe en vinyle.
Formidable, non?

***

Hélène s'est retrouvée avec un fil autour du cou, dans le temps des Fêtes, à 22 ans. «Ça s'était pas bien passé à Noël dans ma famille...»
Quinze minutes à se demander si elle allait sauter ou pas. «Je suis pas sûre, sûre que ça aurait tenu, un fil accroché à la lampe... J'ai pensé à mon chum qui m'aurait trouvée là. Je l'ai pas fait.»
C'était sa première dépression. Elle a consulté un psychologue. Elle s'en est remise. A trouvé un boulot dans une grande société.
Une douzaine d'années tranquilles passent. Son chum part au bout du monde. Son père meurt. Elle rechute.
«On ne s'en rend pas vraiment compte quand on entre en dépression, pas moi en tout cas... Mais à un moment donné, tu ne veux plus rien faire, tu ne peux plus rien faire, que te mettre en boule... Et dans mon cas, ça annonce une psychose quelques mois plus tard. Je me mets à délirer complètement. Je m'imaginais être une grande actrice. Je me déguisais: coiffure, talons hauts, boa, vernis à ongles... Des choses que je fais jamais, vous voyez, je ne me maquille même pas. Je trouvais ça très drôle. Je me voyais dans une cabine du Titanic...»
Comme vous savez, il y avait un iceberg dans le noir.
Quand elle a pris son chat pour un extraterrestre, la famille l'a envoyée à l'hôpital. Elle y est restée quatre mois.
«Moi, c'est bizarre, je me sens bien quand je suis à l'hôpital. Quand je lui ai dit ça, le psychiatre m'a regardée par-dessus ses lunettes (il fait toujours ça quand il est éberlué) et m'a dit: "C'est parce que... y a personne qui trouve ça le fun d'être ici..." Ben moi oui.»
Ce qui est moins drôle, c'est qu'après la psychose, pour Hélène, revient la dépression. Des mois de noirceur. De proches qui la trouvent irresponsable. Paresseuse. Instable.
«J'ai perdu mon emploi en 2008; j'ai vu un orienteur. Il m'a classée "artiste conventionnelle". Eh ben... Je savais pas que ça existait! Je sais pas trop où on travaille avec ça...»
Elle n'a pas tellement travaillé depuis, d'ailleurs.

***

Passons sur la fois où la police l'a emmenée à Louis-H., les quatre mois internés, le diagnostic tardif de maniaco-dépression.
«Tout ça pour vous dire qu'on peut vivre avec la maladie mentale. Faut de l'aide extérieure. La famille, les amis, ils ne savent pas trop quoi faire avec "ça". Ils ont peur. Ils pensent que c'est une affaire de mauvaise volonté... J'ai déjà appelé Suicide-Action, j'ai vu un psy, j'ai des médicaments, je fais des ateliers... Je vis. J'ai un bon chum. Quand je tombe, il me prend par le bras. Quand il tombe, c'est moi qui l'attrape.
«Mais les slogans, les p'tites pensées positives cute, vivre le moment présent... Pfff! Quand ça va bien, c'est facile. Mais si t'es en boule dans ton lit, le moment présent, ça t'aide pas tellement...
«Excusez-moi, maintenant, il faut que j'aille chercher ma mère à l'hôpital. C'est moi qui s'en occupe.»
Elle n'est peut-être pas formidable, mais elle est fine, Hélène. »

Pour joindre notre chroniqueur: yboisvert@lapresse.ca

vendredi 10 mai 2013

Vieillir, ce navrant naufrage...




« C’est merveilleux la vieillesse… dommage que ça finisse si mal.»


François Mauriac



Un beau texte, juste et touchant, qui a bien failli m'échapper et que je vous invite à lire.

Mon printemps (mis)érable
Chronique de Lise Payette publiée dans Le Devoir le 3 mai 2013

« Le 3 octobre 2012, vous le savez sans doute déjà, je suis tombée bêtement sur un trottoir de la rue Sherbrooke Est, en sortant d’une visite sans histoire chez ma docteure de famille. Je me suis remise debout pensant m’être fait une entorse à la cheville droite. Hélas, c’était plutôt une triple fracture. À l’hôpital où j’ai fini par aboutir, on m’a fait un plâtre en me recommandant fortement de ne pas marcher dessus, car il n’était pas prévu pour cet usage. Résultat : pratiquement 6 semaines au lit à attendre le moment de retirer le plâtre, dans une maison dite de convalescence où il n’y avait aucun soin prévu pour un cas comme le mien. Pendant toutes ces semaines, la vieille dame que je suis perd des forces et j’ai vite l’impression d’entrer dans un tunnel qui va se rapetissant chaque jour. Puis, à force de volonté, j’arrive au jour de libération du plâtre et je rentre chez moi, pour constater que je ne peux pas marcher, que je n’ai plus la force nécessaire pour me tenir debout, et c’est le début de la descente aux enfers.

Pourquoi est-ce que je vous raconte tout ça ? Pour vous expliquer mon absence. Mais aussi pour plaider la cause de vos aînés dont j’ai partagé la vie quotidienne au cours d’un peu plus des deux derniers mois qui ont mené à mon retour à la maison d’abord et au Devoir aujourd’hui.

J’ai été soignée à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal parmi les autres malades, dont un trop grand nombre sont atteints de la maladie d’Alzheimer et dont les yeux vides vous arrachent les larmes chaque fois que vous essayez de les rejoindre au milieu de leurs souvenirs qui sont éteints.

J’ai vu travailler des membres du personnel capables de tendresse et de patience, alors que d’autres ont choisi de ne plus voir la souffrance en face et continuent de faire comme si l’être humain qui leur est confié était déjà mort. J’ai surtout vu la différence entre ceux qui ont des visiteurs qui viennent les dorloter et ceux qui n’ont plus aucun contact avec leur famille ou leurs amis.

J’ai travaillé très fort pour retrouver de la force physique avec les ergothérapeutes et les physiothérapeutes. En quelques semaines j’ai recommencé à marcher et je faisais la joie de ces femmes si extraordinaires de patience et de motivation qui vous remettent sur pied avec le sourire en vous laissant toujours l’espoir de retrouver ce que vous étiez « avant ». Il est évident que si vous avez toute votre tête, vous avez plus de chance d’y arriver… J’ai fait bien attention d’occuper ma tête en lisant, en restant dans la parade, en suivant les événements qui meublent nos journées, et je sais tout du comportement du gouvernement d’Ottawa ces derniers mois, des révélations ahurissantes de la commission Charbonneau, du travail colossal du gouvernement Marois malgré son évidente difficulté à remettre de l’ordre dans les affaires du Québec, de l’infini cynisme des citoyens face à ceux qui prétendent les diriger, du mouvement «de la rue» qui n’est pas occupée par les étudiants cette année, mais par les travailleurs qu’on étouffe pour les faire taire. Les acteurs changent, mais on joue toujours dans la même pièce…

En août prochain, j’aurai 82 ans. J’ai eu le temps au cours des 8 derniers mois de faire le tour de ce qu’a été ma vie. Il s’en trouvera sans doute parmi vous pour dire que j’ai raté une belle porte de sortie… Il se peut que vous ayez raison. Mais je suis toujours là, et j’ai bien l’intention de ne pas gaspiller le temps qu’il me reste à vivre.

J’ai l’intention de faire tout en mon pouvoir pour venir en aide aux personnes qui traversent une vieillesse sans tendresse et sans espoir. Il ne faut pas seulement de l’argent, il faut de l’amour et infiniment de respect. Je continuerai de vous en parler comme je vous parlerai de cette société qui est la nôtre et qui tourne avec le vent sans jamais remettre ses choix en question.

Je finirai bien par mourir. C’est inévitable. Mais tant que je saurai écrire, que je saurai penser, vous serez bien obligés de m’endurer.

Mon souhait le plus fort serait que le moment venu, je puisse mourir sans souffrance, au moment choisi… et quant à faire, dans mon pays, le Québec. Ce choix ne bougera plus. Il y a longtemps que je ne me sens plus Canadienne et il m’arrive de penser que je ne l’ai jamais été.

Voilà. Je tiens à vous dire que je suis heureuse d’être vivante et heureuse de vous retrouver. Et surtout, que je vais bien. Merci à tous ceux et celles qui m’ont aidée.»


jeudi 9 mai 2013

Une situation alarmante



« Si l’abeille disparaissait complètement de la surface de la planète, l’homme n’aurait plus que quelques années à vivre. Plus de pollinisation, plus d’herbe, plus d’animaux, plus d’hommes. »

Albert Einstein


Près d’un tiers des colonies d’abeilles ont été décimées 
l’hiver dernier aux États-Unis
Extrait d’un article publié conjointement par 
France-Presse et Le Devoir, le 8 mai 2013


« Chaque année depuis 2007, les autorités américaines et les associations Apiary Inspectors of America et Bee Informed Partnership interrogent à deux reprises un large échantillon d’apiculteurs sur leur élevage d’abeilles.

Quelque 6200 producteurs, représentant 22,9% de la production totale du pays de 2,62 millions de colonies, ont répondu cette année. Pas moins de «70% d’entre eux ont fait état de disparitions plus importantes» cette fois, selon l’étude. Désormais, et sans que les experts s’accordent sur un facteur déterminant, quelque 30,5 % en moyenne des colonies d’abeilles meurent chaque année depuis l’hiver 2006-2007.

Situation inquiétante
 «C’est alarmant, à la fois pour les apiculteurs et pour répondre à nos besoins de pollinisation, a déclaré Jeffery Pettis, qui dirige le service de recherches agricoles de l’USDA, à l’Agence France-Presse. «Les prix pour polliniser les cultures ont plus que doublé, le prix des abeilles est en nette augmentation, mais si on ne peut pas en fournir, les récoltes vont en pâtir, se réduire et faire monter les prix de la nourriture, affectant au final notre nutrition et la chaîne alimentaire.»
(…)
Les abeilles, dont le nombre disparaît dangereusement depuis une quinzaine d’années, sont responsables, par leur pollinisation, de plus d’un tiers de notre alimentation. Au total, ce sont 80% des plantes à fleurs qui sont pollinisées par les insectes comme les abeilles, les bourdons ou encore les papillons.

Mais depuis quinze ans, le nombre d’essaims disparaît mystérieusement sur toute la planète, un phénomène baptisé Syndrome d’effondrement des colonies. Le taux de mortalité des abeilles est d’environ 30% chaque année depuis 2007 en Europe. Et le phénomène prend aussi de plus en plus d’ampleur en Amérique du Nord.

Ce processus a été imputé à tout un faisceau de causes, à commencer par les pesticides, d’où la décision de Bruxelles d’en interdire plusieurs. En 2011, le programme des Nations unies pour l’environnement avait dénombré douze facteurs pouvant expliquer la mortalité des abeilles, surtout dans l’hémisphère nord industrialisé: outre les pesticides, il pointait surtout du doigt la pollution de l’air, la réduction du nombre de plantes à fleurs et un parasite mortel (le varroa). D’autres spécialistes blâment l’extension de la monoculture, qui amenuise la diversité de la flore nécessaire aux abeilles, et du même coup leur résistance immunitaire. »

Pour lire l’article au complet:
ttp://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/377679/pres-d-un-tiers-des-colonies-d-abeilles-ont-ete-decimees-l-hiver-dernier-aux-etats-unis

mercredi 8 mai 2013

Regarder, écouter...




Ce n’est pas pour me vanter mais je ne me souviens pas avoir vu un début de mois de mai aussi ensoleillé. En moins d’une semaine, la nature a explosé sous nos yeux incrédules, le paysage s’est coloré en vert, les bourgeons ont éclaté sur leurs branches, les feuilles ont poussé à une vitesse qui me rend perplexe. Pourquoi cette hâte tout à coup ? Moi qui à mon âge aspire à la lenteur, je m’inquiète. Se pourrait-il que la folie des hommes se soit communiquée à la planète. La saison belle est courte, nous ne la verrons pas filer… Écoutons le poète.

« C’est une triste chose de songer que la nature parle
et que le genre humain n’écoute pas. »

Victor Hugo

mardi 7 mai 2013

La pensée du jardinier



«Une mauvaise herbe est une plante dont
on n’a pas encore trouvé les vertus.»

Ralph Waldo Emerson

lundi 6 mai 2013

Une porte ouverte sur le bonheur...




J’ai l’humeur contrariée ce matin. Je n’en reviens tout simplement pas que les dictionnaires de citations retiennent aussi peu de pensées écrites par des femmes. Serions-nous moins habiles à pontifier que les hommes ? Il est vrai que les femmes sont exclues du pontificat…! J’en ai trouvé au moins une qui me plaît bien.

«Lorsqu’une porte du bonheur se ferme, une autre s’ouvre;
mais parfois on observe si longtemps celle qui est fermée
qu’on ne voit pas celle qui vient de s’ouvrir à nous.»

Helen Keller

dimanche 5 mai 2013

Rien ne sert de courir...



«Marcher dans la nature, c’est  comme se trouver 
dans une immense bibliothèque 
où chaque livre ne contiendrait que les phrases essentielles.»

Christian Bobin