samedi 23 mars 2013

Aimer à neuf ans...




À l’école du premier amour
Lettre au dernier des romantiques

Chronique de Josée Blanchette publiée dans Le Devoir, le 22 mars 2013 

«La magie du premier amour c’est d’ignorer qu’il puisse finir un jour.» – Disraeli

«Il n’y a qu’un remède à l’amour: aimer davantage. » – Thoreau

«Quand on est aimé, on ne doute de rien. Quand on aime, on doute de tout.» – Colette

«Heureux les aimés et les aimants et ceux qui peuvent se passer de l’amour. Heureux les heureux.» – Borges

«Mon beau B, 
 
Tu aurais fait un magnifique chevalier, un troubadour plus probablement, équipé d’une viole, une pastourelle pour toute armure. Je t’imagine chanter sous les fenêtres d’une belle alanguie comme lorsque tu grimpes dans les arbres avec ton amoureuse et la contemple, telle une oiselle posée sur ta branche. L’attraperas-tu ? S’envolera-t-elle en emportant ton coeur ? Perdrez-vous des plumes à ce nouveau jeu ? Il n’y a pas d’âge pour aimer, et 9 ans, c’est suffisamment de printemps pour essayer d’éclaircir le mystère d’une vie.

Aimer d’amour ou aimer l’amour ? Être romantique, c’est se voir condamné à souffrir mille morts en retour de se sentir exister un peu, de tendre vers un idéal. Le romantique est un tendre guerrier, sentimental, sensible, prêt à mourir pour la grandeur du geste, en oubliant parfois pourquoi il aime.

Les mots doux furtivement glissés, comme ceux que tu échanges en classe, me rappellent ces chatons qui font leurs griffes sur les rideaux. Parfois, ils y grimpent aussi.

Je t’ai vu espérer, tergiverser, soupeser, foncer, soupirer, flotter, t’inquiéter, te liquéfier, désespérer, angoisser, t’effondrer, reprendre vie, te détacher. Tu as connu en accéléré le premier amour - plaisirs d’amour ne durent qu’un moment -, la première peine - chagrins d’amour durent toute la vie -, le rejet, les retrouvailles, puis la sagesse qu’on tire de l’épreuve. « Tu sais, maman, tu avais raison. L’amour, ça ne rend pas si heureux. »

Ben voilà. Ça dépend comment on aime, et surtout qui.

Et puis, on ne cultive pas les mêmes attentes à 9 ans qu’à 90. Si j’ai déjà eu la maladresse de minimiser tes élans, tu m’as vite rappelée à l’ordre ; les maux de coeur ne sont pas moins douloureux à ton âge qu’au mien. Simplement, à 9 ans, le coeur est peut-être plus pur, plus innocent, et il attend nécessairement plus de l’amour parce qu’il n’a pas encore fait l’expérience de la déception.

L’insécurité des amoureux est une épreuve partagée à tous les âges de la vie. C’est le prix à payer pour avoir accès aux mirages, au cercle d’argent qui auréole chaque nuage, à l’illumination passagère, à cette forme de magie qui magnifie tout sur son passage, un accès privilégié aux portes de la conscience aiguë. Ça n’a rien à voir avec la couleur des yeux, c’est chimique, comme le chocolat. Oui, oui, je sais, Pâques s’en vient… Et le chocolat se mérite, pas l’amour.

Chère Joblo
Tu voulais des conseils, comment faire avec les filles pour qu’elles nous aiment toujours. Je t’ai expliqué que mon surnom, Joblo, me venait de ces années où je rédigeais un courrier du coeur dans ce journal et que ce n’était pas si différent pour les grands que pour les petits. D’abord, je t’avais prévenu, il faut se méfier des belles filles. Elles sont plus courtisées, forcément, et souvent plus compliquées. La compétition qui les entoure rend le prix convoité. Tu auras été prévenu, c’est de l’ouvrage.

Toi, tu veux une belle fille un peu mystérieuse, et elle désire un chevalier qui va la conquérir et avec qui elle va se sentir encore plus belle, pré-fé-rée. Mais gare à l’empressement : « L’amour, c’est comme un oiseau, tu vois ? Tu le laisses se poser sur ta paume. Si tu le serres trop dans ta main, il va étouffer et mourir. Et si tu ouvres ta main trop grande, il va partir. Il faut que ta main soit comme un nid. »

Tu m’as jeté un regard soupçonneux. Hein ? Elle écrivait ça dans son journal ? Pffff. Tu t’es demandé si je signais une chronique ornithologique.

Je t’ai parlé des adultes que tu connais qui ont éprouvé de grandes peines d’amour à ton âge. Robert, tiens, qui parle encore de sa Barbara, à l’âge de huit ans. Malgré sa cinquantaine avancée, il se rappelle chaque détail comme si c’était le moteur de sa première auto.

Il était follement amoureux mais elle a déménagé en Ontario avec ses parents, en plein milieu de l’année, au coeur de l’énamourement. Ça l’a tué, ses notes ont chuté, il a fait une petite dépression et ni ses parents ni son prof ne se doutaient pourquoi. Souvent, quand on est petit, on vit notre amour en secret. Parce que les grands pourraient l’abîmer ou se moquer. On couve l’oiseau.

Elles sont toutes pires
L’autre soir, une vedette racontait à TLMEP avoir rencontré la femme de sa vie à 9 ans. Ça fait 40 ans que ça dure et ils dansent toujours ensemble. Ses yeux s’illuminaient lorsqu’il parlait d’elle. On sentait qu’il avait encore 9 ans à ses côtés.

Ça t’a donné de l’espoir. Les romantiques ne veulent pas entrevoir la fin. Ils ont bien raison. Que vaut une histoire dont on connaît déjà l’issue ? C’est bon pour les cochons ou les éteignoirs.

C’est comme mon amie Léa ; elle aimait l’ami de son frère. Il avait 8 ans, elle en avait 10. Elle n’osait pas le lui dire. Alain, qu’il s’appelait. Il a subi un accident ; en tombant, une côte a perforé son foie. Il en est mort. Léa a toujours regretté de ne pas être passée aux aveux. Elle s’est sentie coupable qu’il meure sans se savoir aimé.

Tu sais quoi ? Emporté par la vie ou la mort, l’amour fait mal. La première peine n’est pas la pire. Elles sont toutes pires. Et on s’en rappelle toujours. « On voudrait mourir pour se soustraire, mais il se trouve que, le plus souvent, on survit », ai-je lu dans L’amour en miettes. Dans la table des matières de ce très joli livre, on trouve les mots « jaloux », « hémorragie », « intranquillité », « passion », « obsession », « pureté », « résurrection », « séquelles », « espoir », « maladie », « foi ».

L’amour, c’est tout ce bouquet d’émotions. Et même d’autres que tu inventeras. Parce qu’il faut être un peu magicien, comme en cuisine. Dans L’amour en miettes, l’auteure prétend aussi que l’amour, ça repousse, comme du chiendent. Même déchus, même déçus, nous espérons toujours, nous renfilons nos gants de jardinier. Enfin, pour la plupart…

Le printemps n’en finit plus de neiger mais on sait que le froid se lassera. La pire erreur serait de croire que les arbres sont morts alors que demain, il ne suffira que d’entailler pour voir jaillir la sève. Tu as tous les printemps devant toi, et tant de sève à faire bouillir.

»
***

Twitter.com: @cherejoblo

vendredi 22 mars 2013

Premier ménage du printemps


C'est le printemps : il est temps de rafraîchir votre régime!
Article publié sur le site de la SRC le 22 mars 2013

« Le printemps est le moment idéal pour rafraîchir votre régime alimentaire, histoire d'améliorer votre santé et de vous donner un regain d'énergie. Un petit ménage du printemps dans vos habitudes alimentaires ne veut pas nécessairement dire de vous tourner vers les thés nettoyants ou de jeûner pour purifier votre organisme.

Retourner à la base avec des aliments simples et non transformés, profiter de l'arrivée de produits de saison frais pleins de nutriments, boire plus d'eau, consommer moins d'alcool et porter attention à ce que l'on boit et mange -- autant de trucs qui peuvent vous donner un regain d'énergie et vous aider à prendre votre santé en main.

La consultante en nutrition Shannon Crocker nous livre ses conseils pour vous aider à améliorer votre alimentation :

Des repas simples
Évitez les repas préemballés et préparez des mets simples, en utilisant des ingrédients frais. Les aliments de base qui sont naturels fournissent plus de vitamines, de minéraux et d'autres nutriments, tout en étant relativement moins caloriques. Leur utilisation peut demander un peu plus de planification, mais en préparant vos propres repas, vous économisez de l'argent tout en évitant d'absorber les suppléments de calories, de gras, de sodium et de sucre que contiennent souvent les aliments transformés.

Rester bien hydraté
Pour ce qui est des liquides, évitez les boissons sucrées. Gardez du lait et de l'eau minérale dans cruches à portée de la main dans votre réfrigérateur. Ajoutez des tranches de citron, de lime, d'orange ou encore des feuilles de menthe pour donner à l'eau une saveur rafraîchissante.

Penser léger. Penser vert.
La soupe à la purée d'asperge est un mets de printemps à la fois simple et savoureux. Faites sauter les asperges avec un peu d'ail et d'échalote, ajoutez du bouillon, et cuisez à feu doux jusqu'à ce qu'elles deviennent tendres. Puis, transformez le tout en purée et assaisonnez à votre goût.

La moitié de votre assiette devrait être composée de légumes, un quart de féculents (produits de grains entiers) et l'autre quart de protéines : viande, volaille ou poisson maigre, ou encore un substitut de viande comme les légumineuses.

Choisissez une variété de fruits et légumes colorés. Préparez des salades, des sautés ainsi que des boissons fouettées faites de légumes-feuilles vert foncé. Comme collation, favorisez les fruits et les légumes.

À la section des aliments surgelés de votre épicerie, recherchez des solutions de rechange santé : du chou vert congelé, de l'edamame, des épinards, des petits fruits. Vous les trouverez souvent à meilleur prix que les produits frais, surtout hors saison.

Le moins de transformation possible
Au comptoir du boucher, choisissez des morceaux de viande ou de volaille fraîches, maigres et non assaisonnées au lieu des tranches de charcuterie faites d'aliments transformés. Ajoutez vos propres assaisonnements en utilisant des herbes fraîches.

Collations santé
Préparez des collations composées d'aliments sains et assurez-vous qu'elles soient bien à la vue dans votre frigo et votre garde-manger. Faites provision d'aliments frais comme des œufs durs, des légumes et des fruits découpés, des trempettes aux haricots et du yogourt nature. Dans vos garde-manger, assurez-vous de toujours avoir des collations santé comme des noix nature, une variété de graines et du maïs soufflé nature.

 Faites-vous un « ménage du printemps » au niveau de votre alimentation? Nous aimerions avoir de vos nouvelles. Faites-nous part de vos commentaires ci-dessous.

Quand vous planifiez des repas santé, le faites-vous avec d'autres personnes? Inscrivez les repas que vous partagez sur le site vivezmieux.ca et aidez à nourrir une famille canadienne dans le besoin.»

Sur notre page Facebook www.facebook.com/rc.vivezmieux
Sur Twitter @rc_vivezmieux #vivezmieux
Par courriel à vivezmieux@radio-canada.ca

jeudi 21 mars 2013

Une légende urbaine?



Doit-on détoxifier son corps?
Article de Sophie Allard publié dans La Presse, le 19 mars 2013

«Impossible d'y échapper. Nous sommes exposés à d'innombrables substances potentiellement nocives pour notre corps, par la pollution environnementale, mais aussi par nos choix alimentaires. En transformant la nourriture en énergie, notre propre corps produit également des déchets, comme l'urée ou l'acétone. Cela dit, doit-on en faire le grand ménage?

«Absolument pas! C'est une légende urbaine prônée par des gourous de la santé qui font un fric fou, note Jean-Louis Brazier, pharmacologue et professeur émérite à l'Université de Montréal. Dans l'imagerie populaire, on assimile à tort le foie et les reins à des filtres qui retiennent des résidus ou à une vieille cheminée qui, l'hiver, aurait accumulé un tas de saletés et qu'il faut ramoner. C'est archifaux.»

«Le foie et les reins sont faits pour éliminer les molécules étrangères et celles produites par notre métabolisme. Des enzymes les transforment et les éliminent dans l'eau [l'urine et la bile] de façon continue et dynamique, poursuit M. Brazier. La sueur, de son côté, permet d'éliminer une quantité infime de substances nuisibles.»

Le foie n'a pas besoin de repos ni d'aide et, même à l'occasion d'un excès (comme une cuite!), il met tout au plus 24 heures pour retourner à la normale. «La chlorophylle n'est d'aucune aide pour le foie dans le processus de détoxification. Elle n'est d'aucune utilité reconnue dans l'alimentation humaine», dit la nutritionniste Vanessa Perrone.

Certains agents toxiques laissent tout de même des traces dans l'organisme à plus ou moins long terme, note le toxicologue Claude Viau, directeur de l'Institut de recherche en santé publique de l'Université de Montréal. «C'est le cas de métaux lourds comme le plomb, qui tend à entrer dans nos os, ou du cadmium, qui entre dans les reins. Les BPC et le DTT, par exemple, sont des substances très persistantes.» La toxicité dépend de la composition de la substance, mais aussi du temps et de la durée d'exposition. Souvent, elles sont présentes en infime quantité dans le corps. «Et aucune cure ne peut les éliminer», note l'expert.

Dans le cadre d'une émission sur les mythes alimentaires, la chaîne BBC a invité 10 femmes adeptes de soirées arrosées à faire le plein d'alcool et de malbouffe. Pendant la semaine suivante, la moitié du groupe a suivi une cure de détoxification et l'autre, un régime alimentaire normal, avec vin et café en modération. Les sujets ont été testés (urine, sang et salive) à plusieurs reprises. Le résultat? Aucune différence! Les cures n'aident pas à améliorer la santé des organes, pas plus qu'elles ne favorisent l'éclaircissement du sang ou l'équilibre du pH, ni qu'elles stimulent le système immunitaire, disent les experts.»


mercredi 20 mars 2013

Le chroniqueur à Bagdad



La haine, la connerie, triste bilan
Chronique de Pierre Foglia publiée dans La Presse, le 20 mars 2013

« (Bagdad) L'école publique Al Kotha. Dans le New Bagdad, pas si «new» que ça. On est au coeur de Bagdad, tiens, la rue Saint-Hubert dans le bout de Beaubien. On est chez les chiites. Je suis dans une classe de petite filles d'une dizaine d'années, ce n'est pas un hasard, bonjour, mesdemoiselles, quel âge avez-vous?

Trente petites mains se lèvent, j'ai 10 ans! Moi aussi! Moi aussi!
Toi, avec des nattes, tu t'appelles comment?
Salina, j'ai 10 ans.
Toutes en uniforme. Chemisier blanc sous une longue robe bleue qui tombe sur des leggings, les mêmes que chez nous. Vous avez toutes 10 ans alors? Ça me fait penser à un truc...

C'est Ziad qui traduit. C'est mon fixer, un peu mon ami aussi, le même que celui de mon dernier voyage en Irak.
Ça me fait penser à un truc, mesdemoiselles, après-demain sera une journée spéciale pour l'Irak, qui peut me dire spéciale en quoi? Six ou sept mains se lèvent.
Oui, Salina?
C'est la fête des Mères?
Non, Salina. Et toi? Ton nom? Zaïnad? Alors Zaïnad, cet évènement spécial?
L'arrivée du printemps?
Non, Zaïnad. Pas l'arrivée du printemps. J'ai eu aussi le jour de la Terre, le jour des arbres et la petite Mariam, celle-là sans doute chrétienne, m'a dit le jour des oeufs?
Eh non, Mariam, pas le jour des oeufs.
Demain, les enfants, demain, tadam! c'est l'anniversaire de l'invasion de l'Irak par les troupes américaines (et un peu les troupes anglaises).
La directrice fulminait. On ne parle pas de ces choses-là à l'école en Irak. Le mot américain est banni, pas pour ce qu'il désigne, mais pour les disputes qu'il suscite, on ne dit pas non plus chiites, sunnites pour les mêmes raisons. L'école irakienne se veut un cocon fermé aux bruits de la rue, aux explosions, c'est pas une mauvaise idée, mais ça marche pas vraiment.
Bref, les Américains promettaient à ces gamines, qui sont nées quand ils sont arrivés, la démocratie. Entre autres. Et ce qui vient avec.
Résultat, 10 ans plus tard?
Aujourd'hui, le mardi 19 mars 2013: 50 morts, 200 blessés. Cela a commencé à sauter à 8h ce matin dans tout le Bagdad chiite. Cinquante morts, c'est le chiffre officiel, sûrement le double, les autorités cherchant toujours à minimiser leurs pertes. Cinquante morts, 200 blessés, juste pour ce mardi dans une vingtaine d'attentats à la voiture piégée, dont deux placées où, pensez-vous? Placées devant une école. Non pas celle des petites filles. Mais pas loin. La pire journée depuis six mois à Bagdad.

***
Il se trouve que je connais un des blessés. Je lui ai parlé lundi. Ziad, mon fixer, vient de m'appeler: tu sais, les travailleurs qu'on a rencontrés près de chez moi sur New Bagdad Street? Tu sais, ces types qui attendent dans la rue qu'on vienne les chercher pour des jobs, ces types avec des brosses au bout d'une longue tige pour déboucher les tuyaux? Tu te souviens de celui qui t'as dit que ça faisait plusieurs jours qu'il n'avait pas eu de job, qu'il n'osait pas rentrer à la maison les poches vides, trois enfants, rien à bouffer... Tu m'as dit on lui donne quelque chose? Tu te souviens? Lui. Je viens de le retirer des décombres d'une explosion à la voiture piégée...
Mort?
Blessé à l'épaule, pas trop gravement.
Je prends un taxi et j'arrive?
Tu ne passeras pas, toute la ville est bloquée, ça a sauté à Sadr City, à Kazimyah, à Karrada...
Ziad déjeunait dans son petit café préféré, en bas de chez lui, quand la première voiture a sauté 200 mètres plus loin. Elle a explosé vers l'heure de la rentrée des classes, tuant neuf petits garçons de 6 à 12 ans. Les gens se sont précipités pour porter secours, évidemment, boum, la deuxième voiture a explosé juste avant que Ziad arrive sur les lieux. Pour ce seul attentat, une vingtaine de morts, et des blessés.
Le résultat 10 ans plus tard, c'est exactement ça.
Les morts. La haine. Tuer des enfants exprès parce qu'ils sont chiites. Signé Al-Qaïda. Ou l'ISI pourÉtat islamique d'Irak, une création d'Al-Qaïda. Tuer le plus de chiites possible pour déstabiliser le gouvernement du chiite Nouri al-Maliki. Opération réussie: le gouvernement a annoncé le report des élections régionales prévues le 20 avril pour cause d'insécurité.
Il y a 10 ans aujourd'hui, quand les Américains ont envahi l'Irak, y'avait pas l'ombre d'Al-Qaïda en Irak. Pas plus d'Al-Qaïda que d'armes de destruction massive.

***
Je pose cette question idiote depuis que je suis arrivé à Bagdad. Vous souvenez-vous de ce que vous faisiez le 20 mars 2003? Adil, Saab, Hussan Kadim n'en ont aucune idée. Et aucune idée non plus pourquoi je leur demandais ça.
Le 20 mars 2003, les Américains ont envahi votre pays, espèces de nonos. Pensez pas que c'est une bonne occasion de faire le bilan?
Cinquante morts aujourd'hui, c'est pas assez clair comme bilan? m'a demandé Adil qui est électricien.
Et 4500 morts en 2012 seulement, c'est plus que les Américains en 10 ans. Et 120 000 civils irakiens tués en 10 ans. C'est trop court, comme bilan?
Ce que je faisais le 20 mars 2003? T'es pas sérieux! Au moins, demande-moi ce que je faisais le 9 avril 2003, m'a dit Bassem, c'est le 9 avril que les Américains ont pris Bagdad. C'est le 9 avril que je les ai vus pour la première fois.
Ç'a été une très bonne journée pour les chauffeurs de taxi, d'ailleurs. Tout le monde se sauvait, tout le monde voulait aller au terminus d'autobus où il n'y avait plus d'autobus, j'avais beau leur dire, ils voulaient y aller pareil...
Mais toi, Bassem, tu ne te sauvais pas?
Avec neuf enfants et deux épouses, tu te sauves pas vite. (Petite note en passant, il a aujourd'hui 12 enfants et 3 épouses, Bassem est mon chauffeur à Bagdad.)
Revenons au 9 avril, restait-il des soldats irakiens pour défendre la ville?
Mais oui, plein, se souvient Bassem. Des barrages. Des patrouilles. Des unités spéciales de combat le visage barbouillé. Et puis, tout d'un coup, un peu avant midi, plus personne! Tout d'un coup, plus un seul soldat irakien dans les rues de Bagdad. Volatilisés! Comme s'ils s'étaient tous donné le mot: à 11h37, on déserte! Le troc de l'heure était: donne-moi des habits civils, je te donne mon arme. Ce jour-là, plusieurs Bagdadis sont rentrés à la maison en caleçon, une kalachnikov à main.
Au début de l'après-midi, un client m'a mis la main sur l'épaule, il m'a dit regarde derrière, on roulait dans une petite rue parallèle à un grand boulevard: ils étaient là! Les Américains! Sur le boulevard. Des chars d'assaut, des jeeps, des antennes, des casques qui dépassaient des tourelles.
En plus du taxi, je tenais un petit commerce dans une cabane en tôle avec deux réfrigérateurs, je vendais du Coca-Cola, du 7 Up, des cigarettes, j'y étais deux ou trois jours plus tard, cinq Américains sont arrivés, m'ont demandé 5 Coca, m'ont payé. Parmi eux, il y en avait un qui parlait arabe, probablement d'origine égyptienne, on a échangé quelques mots, as-tu des enfants, ceci, cela.
Une semaine après, Bagdad a commencé à manquer d'essence et j'ai eu le culot d'aller leur en demander à l'école où ils avaient leurs quartiers, m'ont dit O. K., mais tu vas aller faire des courses pour nous. Je suis allé leur acheter des tomates et des patates.

***
Et toi, Salim, le 9 avril 2003?
Moi, j'ai marché. Je suis parti d'un petit village près de Babylone où ma famille s'était réfugiée pour retourner à Bagdad, 120 kilomètres par des petites routes... Les premiers Américains que j'ai rencontrés m'ont jeté à terre, m'ont demandé où j'avais caché mon arme.
Je ne suis pas un déserteur.
T'as pourtant l'âge d'être militaire... C'est un Noir qui faisait la traduction en arabe. Il m'a dit tu trembles de peur. Je lui ai dit non, je tremble de faim. Ils m'ont donné à manger. M'ont dit c'est du porc, ça te dérange? J'ai dit oui, ça me dérange. M'ont donné du boeuf.
Je suis reparti. À mi-chemin, je suis tombé sur une autre patrouille américaine qui venait de ramasser un blessé par balle. Un déserteur, celui-là, il saignait sur le côté, s'était fait un tampon avec son t-shirt. Eux aussi m'ont jeté à terre. J'étais sûr de me retrouver dans un camp de prisonniers. M'ont donné de l'eau puis m'ont chassé. Comme je restais planté là, y'en a un qui a dit quelque chose, j'ai compris taxi, sûrement: tu veux qu'on t'appelle un taxi? Les autres ont ri. Sont montés dans un camion, m'on fait signer de les rejoindre, m'ont laissé dans Bagdad.
Quand je suis arrivé chez nous, des voleurs étaient en train de vider la maison. C'est une belle histoire, non? Des Américains m'ont donné à manger, à boire, m'ont reconduit à deux pas de chez moi où des Irakiens étaient en train de me voler tout rond.
Je me suis dit que les Américains étaient gentils.
Après, j'ai découvert qu'ils étaient très cons. J'ai découvert aussi que la connerie tue.»


mardi 19 mars 2013

Une puce amie des chiens et des chats


Des puces pour ne pas perdre la trace de pitou et minou
Un article de Stéphanie Vallet publié dans La Presse, le 18 mars 2013

« L'automne dernier, le service de contrôle animal de la ville de Toronto a offert à un tarif très préférentiel à ses résidants d'insérer une micropuce sous la peau de leur chat ou de leur chien, afin de le localiser s'il devait se perdre ou s'échapper.

Un procédé que les maîtres de chiens et de chats ayant déjà traversé l'Atlantique connaissent bien, car il est obligatoire pour pouvoir passer les douanes européennes. Il s'agit d'une petite capsule de la taille d'un grain de riz, insérée sous la peau entre les deux omoplates. Marquée d'un numéro de série, elle permet aux animaux égarés d'être identifiés et dirigés vers leur foyer grâce à un simple coup de scanner. La puce est activée par le champ électromagnétique d'un appareil lecteur et émet alors son code composé de 15 chiffres, associé aux renseignements sur les propriétaires de l'animal.

«La puce n'a pas de batterie et n'est absolument pas dangereuse. Ça fonctionne sur le principe de la résonance magnétique. Certaines entreprises vont vous facturer pour maintenir à jour vos informations dans leur banque de données. Il faut bien se renseigner au moment de la faire implanter. Assurez-vous aussi que vous pouvez faire changer sans frais les informations de votre puce», précise la Dre Sarah Annie Guénette, présidente, chef des opérations et directrice médicale des cliniques vétérinaires Anima-Plus.

Il faut compter entre 40 $ et 100 $ pour le micropucage, incluant les frais d'enregistrement dans la base de donnée qu'on peut consulter 24 h sur 24 h.

Au Québec, les SPCA utilisent déjà ce système pour tous les animaux qu'elles offrent en adoption. Selon une étude menée sur 7700 animaux publiée par le Journal of The American veterinary Medical Association, 52,2 % des chiens et 38,5 % des chats ayant une micropuce sont retrouvés par leurs propriétaires, contrairement à seulement 21,9 % des chiens et 1,8 % des chats non dotés de micropuces.

Tatouage, médaille ou puce?
Le tatouage a longtemps été un moyen d'identification répandu. Aujourd'hui, seuls certains éleveurs le pratiquent encore. L'enregistrement du numéro de tatouage et des coordonnées de l'animal s'effectue auprès de la Société Centrale Canine. Tout changement d'adresse ou de propriétaire doit ensuite être signalé.
«Au Québec, c'est encore une très grande minorité de propriétaires qui font insérer une micropuce à leur animal. Quand les vétérinaires vaccinent les chiens et les chats contre la rage, ils leur donnent une médaille avec les coordonnées de leur clinique dans le cas où il est retrouvé. Ça fonctionne bien et c'est un bon complément, mais contrairement à la micropuce, la médaille peut être perdue ou retirée. Alors, on recommande de plus en plus de faire poser la puce, surtout au moment de la stérilisation, pour profiter de l'anesthésie», dit la Dre Sarah Annie Guénette.

Il est en effet nécessaire d'utiliser une aiguille assez large (du même genre que les intraveineuses pour les humains) pour insérer la puce. Un fabriquant travaille actuellement à mettre sur le marcher une capsule dont la taille serait réduite de moitié.

«C'est certain que ça coûtera plus cher. Elles ressemblent à celles utilisées pour le marquage des animaux sauvages», explique le vétérinaire.
S'il existait plusieurs sortes de puces différentes il y a 10 ans pouvant être lues par différents lecteurs, l'American Canine Association recommande aujourd'hui une seule micropuce, la FDX-B (dont la lecture se fait à une fréquence de 134,2 kilohertz), qui est également préférée partout dans le monde.

«Nous avons vécu d'heureux dénouements grâce aux micropuces. Les gens nous amènent des chats perdus, on les scanne et s'ils sont micropucés, on trouve facilement leurs propriétaires», précise Sarah Annie Guénette. »


lundi 18 mars 2013

Pour femmes seulement




Je sais, la journée des femmes est derrière nous, mais, dans le blogue de Patrick Lagacé, journaliste à La Presse, publié le 8 mars 2013, un article que j’ai failli rater. Allez voir le lien qui conduit au site Les féministes, vous pourrez lire de beaux témoignages de femmes... et d'hommes.

Ah, les maudites féministes

« C’est le 8 mars, Journée internationale de la femme et avec les dossiers spéciaux dans les médias — comme ce palmarès concocté par La Presse —, on peut entendre l’écho des grognons qui se demandent pourquoi, « en 2013 », il faudrait souligner cette journée. Je ne suis pas particulièrement fan des journées thématiques, je comprends que le Québec est une société progressiste où les femmes ont fait des gains de géante depuis quelques décennies, mais il y a encore du chemin à faire.

Il y a du chemin à faire ici et ailleurs et cette journée le rappelle, tout simplement.

J’attire votre attention, pour l’occasion, sur un site web qui donne la parole à plusieurs femmes qui nous expliquent pourquoi elles sont féministes. Féministe, ah, le vilain mot ! Je suis toujours surpris quand j’entends des femmes se vanter de ne pas être féministe, de le dire avec le visage de celle qui vient d’avaler du lait passé date…

Mais je m’égare : ce site s’intitule Les féministes et les femmes à l’affiche s’expriment sur le mode question-réponse. La variété des participantes et des points de vue rappelle que le féminisme n’est pas qu’une seule vision de la vie et nous entraîne loin du cliché de la Germaine intraitable qui déteste les hommes. Voici quatre extraits choisis:

Pourquoi êtes-vous féministe?
 Je suis féministe parce que je suis une femme et que pour moi la définition du féminisme est la seule volonté de vouloir améliorer le sort des femmes dans le monde.
— Léa Steliski-Richard
Le féminisme, populaire ou pas? Pourquoi?
Quelle question! Depuis quand les forces de transformation ont la cote d’amour auprès de ceux qui détiennent les privilèges?

— Manon Massé

Pourquoi êtes-vous féministe?
 Partout, l’injustice envers les femmes persiste. La société québécoise a fait des pas de géants dans les dernières décennies. Mais encore aujourd’hui, le sexisme existe et empêche les femmes de réaliser leur plein potentiel. Le sexisme est partout : au travail, dans les médias, dans les arts. Dans la tête des hommes, et pire encore, dans la tête des femmes. C’est là, dans l’esprit des femmes, qu’une véritable Révolution sexuelle doit avoir lieu.

— Guylaine Maroist

Le féminisme, populaire ou pas ? 
Malheureusement, non. J’enseigne à des femmes de tous âges, et elles tiennent à se dissocier du féminisme. Tristement. Chaque 8 mars, je leur sers un sermon : elles ont la chance inouïe d’étudier, de choisir leur compagnon de vie, d’avoir des enfants ou non et oublient que ces acquis sont le résultat d’années de luttes – qui ne datent pas d’il y a 100 ans !
Le féminisme a mauvaise presse auprès de ma génération. Je souhaite que ce ne soit que passager.

— Fabienne Elliott

dimanche 17 mars 2013

Bonheur de lecture




Le bonheur de Messidor ce matin, c’est un extrait du livre que je lis en ce moment, qui fait écho au bonheur mis en ligne hier : le silence.


« Pouvait-on lire et n’en rien dire ? Pouvait-on garder le secret ? Cela avait-il un sens, au fond, de lire et de ne pas en parler ? Le silence des mots lus poussait-il vers le dehors le chahut bruyant des mots dits ? Comment se supportaient-ils, les  silencieux et les bavards dans la même tête ? »

Ce livre s’intitule justement Chut !, il est de Jean-Marie Gourio, c’est un magnifique hommage à la lecture.