samedi 9 novembre 2013

Le clin d'oeil du chat (2)




Vous avez remarqué le changement de titre de ce blogue ? Les bonheurs étaient lourds à porter et, pour tout dire, pas évidents à trouver quand on se nourrit de l’actualité. Tous les matins, j’épluchais les journaux, la mine triste, le regard lourd de déception. Trop rarement des sourires. Que du marasme et de la grisaille, que de l’opposition et du mécontentement ! J’ai donc décidé de remplacer mes bonheurs par mes humeurs. Et comme pour accompagner ce changement de cap, j’ai rédigé un billet le samedi 2 novembre. En voici un autre.

Meurtre gratuit

J’ai tué une araignée ce matin. Elle était mignonne, pas du tout du genre répugnant, elle était rousse et courte sur pattes, le ventre rond, un très joli spécimen.

         Immédiatement après l’avoir écrasée du bout de mon pouce, j’ai regretté mon geste. Qui suis-je pour avoir décidé d’interrompre sa vie ? me suis-je demandé. Parmi les 40 000 espèces connues, seulement 200 ont la capacité d’infliger des morsures pouvant affecter la santé d’un être humain. Et celle-là n’était pas du genre agressif, elle ne m’avait nullement menacée avant que je la réduise à néant. Au contraire, elle ne s’était pas occupée de moi, je l’avais vue arpenter mon bureau d’une allure déterminée, qui sait si elle n’était pas en quête d’un sapin de Noël pour réjouir sa petite famille ? 

         Blague à part, je n’avais pas le cœur à rire. Les aranéides sont des créatures remarquables. En Inde, elles sont considérées comme «un symbole de liberté en raison de leur capacité à descendre, mais surtout à s’élever le long du fil qu’elles créent selon leurs besoins, ce fil qui leur permet de s’élever jusqu’à la révélation et la libération ».

         Plus je lisais sur ce modèle de persévérance capable de reconstruire deux fois une toile en une même journée (merci Wikipédia !), plus je me reprochais ma conduite envers celle que je venais d’assassiner. Ce n’était plus qu’un petit amas poussiéreux que je m’apprêtais à ramasser lorsque le chat de la maison s’est approché pour le renifler.

         -- Tu ne la manges pas ? m’a-t-il demandé, l’air narquois. 
         -- Euh…,  je n’ai pas très faim, dis-je, souriante mais penaude. Tu la veux, toi ?
         -- Non, pas d’arachnides pour moi. Tu sais bien que je ne mange que les proies que je tue.
         Ce n’était pas pour me déculpabiliser. Surtout qu’il a insisté, se prenant cruellement pour ma conscience :
         -- Pourquoi l’as-tu écrasée ?
         Je n’ai su quoi répondre. En réalité, je ne le savais pas. Et j’avais honte de ne pas savoir.

         Sans le regarder, j’ai recueilli le petit cadavre dans un mouchoir de papier et j’ai poursuivi ma lecture en souhaitant que le chat se trouve un endroit où s’assoupir.

         Hélas, il continuait à me fixer, attendant une réponse.
         C’est encore dans le texte qui s’affichait sur mon écran que je crus pouvoir endormir une partie de mes regrets.
         -- Savais-tu, lui dis-je, que les araignées capturent chaque année 400 millions d’insectes par hectare, c’est plus que les oiseaux ? Te rends-tu compte des milliers de vies que j’ai sauvées en la tuant !
         -- Bof, me répondit-il tu viens de me fournir un excellent argument quand tu me reprocheras de tuer des oiseaux.

         Encore une fois, je restai muette de stupeur. Je n’aurais jamais dû apprendre à parler à mon chat !

Sur le dôme des spirées, on peut admirer l'oeuvre des araignées au jardin


          








vendredi 8 novembre 2013

jeudi 7 novembre 2013

Coup d'oeil sur l'infiniment petit





On ne peut ignorer ces petites choses qui nous gardent en vie
Article signé David Suzuki publié le 7 novembre 2013
Site du Huffington Post Québec

« (…) Nous avons tendance à nous concentrer sur les gigantesques formes de vie telles que les arbres, les éléphants et les baleines. C'est compréhensible. Elles sont souvent spectaculaires. Mais notre penchant pour ce qui est grand et impressionnant masque l'importance, et la beauté, de ce que l'on nomme souvent les « bestioles », comme les vers, les insectes, les moisissures et les bactéries.
Petit garçon, j'étais fervent collectionneur d'insectes. Les insectes me nourrissaient d'une fascination sans fin. Beaucoup affichent des couleurs et des motifs spectaculaires et ont des formes bien plus étranges et surprenantes que tout ce que la science-fiction d'Hollywood ne nous a jamais présenté. Cette fascination de mon enfance s'est transformée plus tard, au collège, en l'étude de l'hérédité d'un insecte, la drosophile (mouche à fruits), qui en a beaucoup révélé sur les principes de la génétique de l'être humain.
Dans notre préoccupation à vouloir protéger les grizzlys, les ours polaires, les grues blanches, les séquoias, les loups et les caribous, nous ne laissons pas beaucoup de place aux petites créatures qui permettent la vie sur terre. De minuscules organismes et les racines de plantes filtrent l'eau alors qu'elle se fraie un chemin dans le sol ; les insectes, les bactéries et les moisissures créent de l'humus en décomposant plantes, animaux et excréments ; les bactéries dans les légumineuses capturent l'azote de l'atmosphère et l'incorporent à l'humus ; tout ce qui est vert, en captant les rayons du soleil, échange du dioxyde de carbone pour de l'oxygène, que les animaux, nous y compris, consomment et emmagasinent. Dans les faits, les bactéries produisent directement près de la moitié de l'oxygène que nous respirons. Il y a 10 fois plus de microbes que de cellules dans le corps humain, et bon nombre d'entre eux nous gardent en vie en aidant notre digestion, en combattant les infections, et en nous rendant bien d'autres services.
Il y a nombre d'années, des scientifiques norvégiens ont démontré qu'une seule cuillère à café de sol provenant d'une plage contenait plus de 4000 différentes espèces de bactéries. Une autre cuillère à café prise dans une forêt de feuillus avoisinante renfermait un nombre semblable d'espèces, la plupart différentes de celles trouvées sur la plage. La terre n'est pas de la saleté ni exempt de vie : c'est une communauté complexe d'organismes vivants, que les techniques modernes d'agriculture anéantissent souvent.
Les scientifiques estiment que pour chaque être humain sur la planète correspondent environ 200 millions d'insectes. Ils sont une composante importante des écosystèmes. Ils rendent des services tels que la pollinisation, la production de nourriture et la lutte contre les organismes nuisibles. De toutes les espèces d'insectes, très peu causent du tort aux humains, et pourtant nous épandons de puissants produits chimiques qui tuent tous les insectes pour atteindre la petite fraction qui est problématique.
Comme toutes les formes de vie ont évolué afin de trouver des manières de se nourrir, d'éviter de se faire dévorer, de guérir les infections, de se reproduire et d'éliminer les déchets, nous aurions fort à apprendre à les respecter et à patiemment observer comment ils créent des solutions. Des scientifiques ont découvert que la pénicilline était la réponse des moisissures aux attaques des bactéries. La vincristine , trouvée dans la pervenche de Madagascar, et le taxol , dans les ifs, aident tous deux la lutte contre le cancer. Les enzymes de restriction, outils indispensables des manipulateurs généticiens, sont utilisées par les bactéries afin de combattre les infections virales.
Les enfants chéris de la conservation sont les espèces charismatiques telles que les baleines, les pandas, les cèdres et les phoques. Mais les petites choses qui maintiennent la biosphère pour des créatures comme nous sont probablement encore plus menacées parce que nous les ignorons. Si nous prenions le temps de les étudier, elles auraient beaucoup à nous apprendre. »

Pour lire l’article au complet :

mercredi 6 novembre 2013

Bonheur de lecture




Mon écrivain préféré résume en une petite phrase ce que devrait apporter un parent à son enfant :

« Je n’attends rien d’autre d’un écrivain que ce que j’ai reçu de mes parents : qu’il me console, m’éclaire, m’aide à grandir et à me séparer de lui. »

Christian Bobin La lumière du monde

mardi 5 novembre 2013

Le proverbe du mardi




«On reconnaît un oiseau en écoutant son chant,
on reconnaît un homme en écoutant ce qu’il dit.»

Proverbe chinois

lundi 4 novembre 2013

La pensée du lundi




« Nul ne peut atteindre l’aube sans passer
par le chemin de la nuit.»

Khalil Gibran

dimanche 3 novembre 2013

Lettre d'un blogueur





« Le livre de la vie est le livre suprême.
Qu'on ne peut ni fermer, ni rouvrir à son choix ;
Le passage attachant ne s'y lit pas deux fois.
Mais le feuillet fatal se tourne de lui-même ;
On voudrait revenir à la page où l'on aime.
Et la page où l'on meurt est déjà sous vos doigts. »

Alphonse de Lamartine

Je t'aime bien l'abbé

Article signé Savignac blogueur,
publié le 31 octobre dans le Huffington Post (voir le lien ci-dessous)



Lettre à l'abbé Raymond Gravel
« Je t'aime bien l'abbé. Tu vas me dire qu'il serait temps, et que c'est tout de même curieux comme on peut être aimé et chéri au temps béni des métastases. C'est vrai. Mais je t'aimais bien avant aussi, c'est juste que chez nous, ça se faisait pas dire ces choses-là, je t'aime, je t'aime bien. Et encore moins à un curé, parce que vois-tu l'abbé, à la maison, ça ne priait guère, disons. Ou du moins, c'était un peu toujours la même prière qui revenait quand le père rentrait épuisé, sale et en colère, le soir: pendre le dernier des curés avec les tripes du dernier des patrons. Je viens de là l'abbé, je viens de loin. Je viens de loin pour te dire salut.
L'abbé, tu vas mourir. Je ne te cache pas que je suis un peu jaloux, ayant moi-même caressé l'espoir d'un départ romantique et prématuré il y a quelques années, espoir déçu par un cancer qui n'a pas tenu sa parole. Le tien a l'air pas mal plus prometteur. Un autre qui veut bouffer du curé, comme disait le père.
Normalement, je t'aurais écrit après que tu aies soufflé ta dernière chandelle, égrené ton dernier chapelet. C'est comme ça qu'on fait, c'est plus convenable, et comme les morts sont tous des braves types, ça produit généralement de la bonne littérature, certes aux sentiments parfois dégoulinants, mais quand même terriblement distingués. Mais quand j'ai vu combien tu avais été sali et méprisé, tantôt par tes propres patrons, tantôt par des illuminés prêts à scolariser un zygote prépubère, je me suis dit que t'étais capable d'en prendre de l'amour, et que par ailleurs, quoi que tu en penses, j'ai bien peur que tu ne puisses lire les hommages qui fleuriront au premier matin sans toi. D'aucuns diront que tu veilles désormais sur nous, ça les rassurera, mais je crains plutôt que tu n'entendes plus vraiment nos prières.
Je le sais, j'ai pas la foi l'abbé. Je t'aurais vu toi, avec le père. Et puis tes patrons ne m'ont pas vraiment aidé, mettons. Mais je vais te faire une confidence: ça me manque parfois. La contemplation, l'espérance, l'amour éternel, ces trucs-là. Alors, pour combler mon vide, j'ai embarqué dans une espèce de foi bon marché, une petite foi en l'humain, faute de mieux. Mais c'est une foi vaine qui donne trop peu d'espoir. Dieu, on dirait que c'est bien, mais je l'ai pas trouvé.
L'abbé, tu vas mourir. Tu fais bien, il se passe de drôles de trucs ici. On nous avait promis que le siècle serait spirituel ou ne serait pas, et regarde ce qu'on fait à la place; tes confrères nous ont trop tripotés, nous on accumule et on convoite, on s'engueule et on se hait, et notre Dieu à tous est désormais une pomme lumineuse. Les psychologues font la confesse, les églises font des condos, et la charte fait la bible.
Je vais m'ennuyer, l'abbé, de ta voix, de ta bonté et de tes doutes. Je vais m'ennuyer de ton intelligence et de ta liberté. Je t'aime bien l'abbé. Bon vent, prends ton temps encore si tu veux, mais lutte pas trop, t'as fait ta part.»