samedi 10 septembre 2022

Jour 199 - Après la percée ukrainienne, la Russie envoie des renforts


L’armée russe a annoncé vendredi avoir envoyé des renforts en direction de la région ukrainienne de Kharkiv, réplique à une percée apparemment réussie des forces de Kiev dans cette zone frontalière de la Russie. Kiev a affirmé jeudi avoir reconquis quelque 1000 km2 dans cette région du Nord-Est ukrainien ces derniers jours, en particulier la ville de Balakliïa, ainsi qu’une vingtaine de localités. 

« C’est difficile, mais on avance », a déclaré sur Telegram le commandant en chef de l’armée ukrainienne, Valery Zaloujny. 

 Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a estimé depuis Bruxelles que le déploiement de renforts par Moscou montre que la Russie paye « un énorme prix ».

Le ministère russe de la Défense, qui n’a fait aucun commentaire sur le sujet, a néanmoins annoncé aux agences de presse russes le déploiement de renforts dans cette direction, diffusant une vidéo montrant blindés, obusiers et camions roulant en grand nombre sur des routes non géolocalisées. 

Il n’a pas diffusé de communiqué pour détailler ou commenter ces déploiements. Il n’a pas publié de communiqué pour détailler ou commenter ces déploiements, se contentant d’énumérer, comme chaque jour, les lourdes pertes que l’armée russe aurait infligées aux Ukrainiens. 

La télévision russe montrait elle les images du redéploiement russe vers Kharkiv, faisant état d’âpres combats. Signe de l’avancée ukrainienne, les autorités prorusses des territoires occupés dans la région ont annoncé vendredi évacuer les habitants vers d’autres zones sous contrôle de Moscou ou en Russie. 

« Nous essayons de concentrer tous nos efforts sur l’évacuation de la population locale depuis trois ou quatre jours, jusqu’à ce que la situation se stabilise », a déclaré à la télévision russe Maxime Goubine, un responsable du district de Koupiansk. 

Combats acharnés 
Un haut responsable de l’administration d’occupation mise en place par Moscou dans les zones contrôlées par l’armée russe, Vitali Gantchev, a affirmé vendredi sur la chaîne de télévision russe Rossiya 24 que des « combats acharnés » étaient en cours autour de la ville de Balakliïa, que Kiev a dit jeudi avoir reconquise.  

« Nous ne contrôlons plus Balakliïa. Des tentatives pour déloger les forces ukrainiennes sont en cours, mais les combats là-bas sont acharnés et nos troupes sont retenues aux abords » de la ville, a-t-il affirmé. Selon lui, des combats difficiles ont aussi lieu près de la localité de Chevtchenkové, toujours dans la région de Kharkiv. « Là aussi, les forces armées ukrainiennes essayent de briser les défenses. Des réserves depuis la Russie ont été envoyées là-bas, nos troupes ripostent », a affirmé Vitali Gantchev. 

La route de Kharkiv en direction du sud-est, vers Balakliïa, était ouverte à la circulation vendredi matin, a constaté une équipe de l’AFP, une zone que l’armée ukrainienne semble avoir reconquise lors de combats ces derniers jours. 

De nombreuses voitures civiles circulaient, ainsi que des véhicules militaires. Des files d’attente étaient également visibles à plusieurs points de contrôle. Kharkiv, capitale de la région du même nom et deuxième ville d’Ukraine, est située dans le nord-est du pays, juste à la frontière avec la Russie, et résiste depuis le début de l’invasion du 24 février aux efforts russes pour la conquérir. 

Outre la percée dans cette région, Kiev a aussi revendiqué jeudi une série de succès dans le Sud et l’Est, affirmant avoir repris des territoires et de nombreuses localités. S’ils sont consolidés, ces gains ukrainiens des derniers jours, associés à ceux revendiqués dans le Sud et l’Est, sont les plus importants pour l’Ukraine depuis le retrait des troupes russes des environs de Kiev fin mars. 

Dans le Donbass, bassin minier de l’Est ukrainien où les combats les plus violents de la guerre se sont déroulés ces derniers mois, Kiev a affirmé jeudi avoir avancé de deux à trois kilomètres près de Kramatorsk et de Sloviansk et repris le village d’Ozerné. 

Emmanuel Parisse et Dmytro Gorshkov 
Agence France-Presse 
Le Devoir 9 septembre 2022

vendredi 9 septembre 2022

Jour 198 - L’Ukraine reprend une ville dans l’Est, visite surprise d’Antony Blinken



(Kyiv) L’Ukraine a annoncé jeudi avoir percé les défenses russes et repris notamment une ville de 27 000 habitants dans l’Est, au moment où le secrétaire d’État américain Antony Blinken est à Kyiv avec une nouvelle aide militaire de 2,8 milliards de dollars. 

Dans son intervention quotidienne sur l’internet, le président Volodymyr Zelensky a affirmé que ses forces avaient repris à l’armée russe la ville de Balaklia, dans la région de Kharkiv (Est). « Les choses sont comme elles doivent l’être. Le drapeau ukrainien flotte sur une ville ukrainienne libérée, sous le ciel d’Ukraine », a publié M. Zelensky, avec une vidéo montrant des soldats ukrainiens marchant dans cette ville de 27 000 habitants, conquise par l’armée russe début mars. 

Alors que les troupes ukrainiennes mènent depuis la semaine dernière une contre-offensive, notamment pour reprendre la région occupée de Kherson (sud), l’état-major avait plus tôt dans la journée revendiqué une série de succès. Dans la région de Kharkiv, frontalière de la Russie dans le nord-est, les forces ukrainiennes affirment avoir percé les défenses russes sur 50 kilomètres de profondeur. 

Dans le sud de l’Ukraine, les forces de Kyiv disent avoir percé « profondément », jusqu’à « plusieurs dizaines de kilomètres », les lignes russes et « libéré plusieurs localités », selon Oleksiï Gromov, un haut responsable de l’état-major ukrainien. 

« Progrès clairs et réels »
 Dans le Donbass, bassin minier de l’Est où les combats les plus violents de la guerre s’étaient déroulés ces derniers mois, Kyiv dit que ses troupes ont avancé de deux à trois kilomètres près de Kramatorsk et de Sloviansk et repris le village d’Ozerné. 

 Ces gains, qui ne peuvent pas être vérifiés de source indépendante dans l’immédiat, seraient les plus importants pour l’Ukraine depuis le retrait des troupes russes des environs de Kyiv fin mars. 

Ils sont annoncés au moment où le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken effectue une visite surprise à Kyiv, sa deuxième depuis le début de l’invasion russe, avec la promesse d’une nouvelle tranche d’aide. 

 « C’est très tôt encore, mais on voit des progrès clairs et réels sur le terrain, notamment dans la zone autour de Kherson, mais aussi des développements intéressants à l’Est dans le Donbass », a commenté le diplomate. La progression de la contre-offensive ukrainienne est « régulière », s’est félicité aussi le chef d’état-major américain, Mark Milley à l’issue d’une réunion des alliés de l’Ukraine organisée sur la base américaine de Ramstein (Allemagne) et destinée à coordonner l’aide militaire à Kyiv.

La Russie n’a pas commenté. 

Aide à l’armement 
Après s’être entretenu avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le ministre des Affaires étrangères Dmytro Kouleba, M. Blinken a promis le soutien des États-Unis « jusqu’à ce que l’agression (russe) cesse et que l’Ukraine soit totalement souveraine ». 

M. Zelensky a qualifié cette aide de « signal très important, qui donne » la garantie que nous pouvons reprendre nos territoires, nos terres.  « Ce que nous voyons, c’est le prix que la Russie a à payer qui est déjà extraordinaire, et qui va être de plus en plus lourd », a abondé M. Blinken, venu pour discuter d’une nouvelle tranche de 2,8 milliards pour Kyiv et 18 pays de la région. 

Dans cette somme, 675 millions iront directement à Kyiv sous forme de livraisons d’armements, de munitions et de systèmes d’artillerie HIMARS qui ont déjà permis à Kyiv de frapper les lignes d’approvisionnement russes. 

 Pour les 2,2 milliards restants, ils seront versés en tant que prêts et subsides à l’Ukraine et aux pays se sentant menacés par la Russie, pour l’achat d’armes américaines. Cette nouvelle tranche fixe à 15,2 milliards de dollars le montant total de l’aide américaine à l’Ukraine depuis le début de l’invasion. 

 À Kyiv, M. Blinken avait commencé par visiter un hôpital traitant des enfants victimes de la guerre, en compagnie de son homologue ukrainien. « J’ai ramené des amis », a-t-il dit aux jeunes patients, leur amenant des peluches. 

DMYTRO GORSHKOV et SHAUN TANDON 
Agence France-Presse 
La Presse, 8 septembre 2022 16 h29

jeudi 8 septembre 2022

Jour 197 - Poutine menace de couper les vivres à l’Europe


 
La tension a encore monté mercredi entre Moscou et l’Union européenne (UE) au sujet des livraisons de gaz russe, Kiev prévenant de son côté qu’une catastrophe à la centrale de Zaporijjia pourrait avoir des conséquences au-delà de l’Ukraine. 

Tout en se défendant d’utiliser l’énergie comme une « arme », Vladimir Poutine a menacé de cesser toute livraison d’hydrocarbures en cas de plafonnement des prix, un projet relancé le même jour par Bruxelles. Plafonner les prix des hydrocarbures russes serait « une bêtise », a-t-il lancé lors d’un forum économique à Vladivostok. « Nous ne livrerons rien du tout si c’est contraire à nos intérêts, en l’occurrence économiques. Ni gaz, ni pétrole, ni charbon […] Rien », a ajouté le président russe. 

Mais quelques instants plus tard, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, relançait l’idée d’un tel plafonnement, dans le cadre de mesures pour alléger la facture énergétique des Européens. Pour Bruxelles, cela permettrait aussi de « réduire les revenus » utilisés par le pouvoir russe pour « financer cette guerre atroce contre l’Ukraine ».

« Au début de la guerre, le gaz russe par gazoduc représentait 40 % de tout le gaz importé [par l’UE]. Aujourd’hui, il n’en représente que 9 % », a également souligné Mme von der Leyen. 

 Kiev a dénoncé une « propagande de la Russie qui bat son plein en menaçant l’Europe d’un hiver glacial ». « Poutine s’avance vers la deuxième étape d’une guerre hybride, en menaçant la stabilité des foyers européens », a déclaré le porte-parole de la diplomatie ukrainienne, Oleg Nikolenko.« Ne vous y trompez pas, les coupures de gaz par la Russie n’ont rien à voir avec les sanctions. C’est planifié », a-t-il ajouté. 

Les griefs de M. Poutine ne se sont pas limités aux hydrocarbures, le chef du Kremlin s’en prenant à la « fièvre de sanctions » occidentales, qui ne parviendront pas, selon lui, à « isoler la Russie ». Le « pic » des difficultés liées à ces sanctions est « passé », a-t-il notamment assuré.M. Poutine a insisté sur le renforcement des liens avec l’Asie, la Chine en particulier, face à « l’agression technologique, financière et économique de l’Occident ». 

Le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, en visite à Belgrade, a abondé dans son sens, en accusant les Occidentaux de « provocation » envers Moscou. 

 « Catastrophe humanitaire » 
À Berlin, le chancelier Olaf Scholz, dont le pays est très dépendant du gaz russe, a affirmé que l’Allemagne allait passer l’hiver « avec courage et bravoure » malgré les risques de pénuries. 

M. Poutine a par ailleurs retourné contre les Occidentaux les accusations selon lesquelles le conflit en Ukraine et ses conséquences agricoles permettaient à Moscou de faire pression sur les pays en développement dépendants du blé ukrainien.Selon lui, l’immense majorité des céréales ukrainiennes, dont les exportations viennent de reprendre, vont vers les pays européens et non pas vers les pays pauvres, ce qui pose un risque de « catastrophe humanitaire ». 

Les craintes autour de la centrale nucléaire de Zaporijjia, occupée depuis six mois par les forces russes, continuent par ailleurs de rester vives. Un accident nucléaire aurait « des conséquences non seulement pour l’Ukraine, mais aussi, clairement, des conséquences au-delà des frontières », a averti Oleg Korikov, responsable de l’agence ukrainienne de sécurité nucléaire. 

Plus grande centrale nucléaire d’Europe, Zaporijjia subit des bombardements dont Kiev et Moscou s’accusent mutuellement. Dans un rapport publié mardi après une visite, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a souhaité la mise en place d’une « zone de sécurité » autour du site, dont la situation est devenue « intenable ». 

Le chef de l’opérateur public ukrainien Energoatom, Petro Kotine, a souhaité pour sa part mercredi que cette centrale soit placée sous la protection d’un « contingent de maintien de la paix ». 

Mais le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a réclamé des « clarifications » à l’AIEA sur ce rapport, et M. Poutine a démenti des affirmations de l’agence sur la présence d’équipements militaires sur le site. 

À Moscou, le parti de Vladimir Poutine, Russie unie, a proposé d’organiser le 4 novembre des référendums dans les territoires sous contrôle russe en Ukraine en vue de les rattacher à la Russie. « Donetsk, Lougansk et de nombreuses autres villes russes vont enfin retrouver leur port d’attache. Et le monde russe, aujourd’hui divisé par des frontières formelles, retrouvera son intégrité », a déclaré le secrétaire du Conseil général de Russie unie, Andreï Tourtchak. 

À Kiev, le commandant en chef de l’armée ukrainienne, Valery Zaloujny, a pour la première fois reconnu avoir mené des frappes de missiles ayant visé en août des bases russes en Crimée, menaçant de poursuivre ce type d’opérations. L’Ukraine a « effectué avec succès des frappes de missiles sur des bases militaires de l’ennemi, notamment sur l’aérodrome de Saki », a-t-il écrit dans un article publié par l’agence de presse publique Ukrinform. 

Des explosions ont retenti début août sur cet aérodrome russe situé en Crimée et ont fait un mort et plusieurs blessés en plus de détruire, entre autres, des munitions destinées à l’aviation militaire. 

Près de la ligne de front, des civils ukrainiens se préparent d’ores et déjà à un hiver rendu encore plus rude par la prolongation des combats et le manque de gaz pour se chauffer.

« Nous allons nous regrouper pour nous réchauffer et advienne que pourra », philosophe Oleksandre Matviïevski, un habitant de Kramatorsk, à 25 km du front, tronçonneuse à la main. 

Dmytro Gorshkov - Agence France-Presse à Kiev 
Le Devoir, 8 septembre 2022

mercredi 7 septembre 2022

Jour 196 - L’AIEA demande une zone de sécurité à Zaporijjia



L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) s’est prononcée pour la mise en place d’une « zone de sécurité » afin d’empêcher un accident nucléaire à la centrale ukrainienne de Zaporijjia, occupée depuis six mois par les Russes et où elle juge la situation « intenable » en raison des bombardements. 

« Il est urgent de prendre des mesures », a estimé l’agence onusienne dans un rapport rendu public mardi, préconisant « l’établissement d’une zone de sécurité nucléaire et de protection » de ce complexe du sud de l’Ukraine. « Les bombardements sur le site et dans les environs doivent cesser tout de suite pour éviter de provoquer de nouveaux dommages aux installations », a-t-elle affirmé, soulignant « les conditions extrêmement stressantes » dans lesquelles travaille en outre le personnel ukrainien, sous le contrôle des militaires russes. 

« La situation actuelle est intenable », a résumé l’AIEA, le site de la centrale ayant été touché ces dernières semaines par de multiples frappes dont Kiev et Moscou s’accusent mutuellement. 

Kiev et Moscou se renvoient la balle 
Le ministère russe de la Défense a accusé le même jour les Ukrainiens d’avoir « tiré à 15 reprises à l’artillerie sur la ville d’Energodar et sur le territoire [proche] de la centrale nucléaire de Zaporijjia », où un obus aurait explosé « près des réservoirs de stockage d’eau à proximité du deuxième réacteur ». 

« L’AIEA a fermé les yeux sur la situation avec les bombardements de la centrale nucléaire par l’Ukraine […] Il n’y a pas un seul appel pour que la partie ukrainienne mette fin à son terrorisme nucléaire », a commenté Vladimir Rogov, membre de l’administration d’occupation prorusse dans la région de Zaporijjia, cité par l’agence Ria Novosti. 

Mais Dmytro Orlov, le maire exilé d’Energodar, a accusé à l’inverse l’occupant russe de bombarder lui-même cette zone qu’il contrôle pourtant. « En ce moment même, il y a des explosions dans la ville d’Energodar. Les provocations continuent. Il y a des bombardements par les occupants », a-t-il affirmé sur Telegram. « Un habitant de la ville a raconté qu’il pouvait entendre les tirs [d’obus] et que dans les deux ou trois secondes qui suivaient ils retombaient », a-t-il ajouté.

Le chef de l’administration présidentielle ukrainienne, Andriï Iermak, a lui aussi dénoncé une nouvelle fois sur Twitter « les provocations russes à Energodar, autour du site de la centrale nucléaire ». 

Conseil de sécurité 
Le rapport de l’AIEA découle de sa récente mission à la centrale de Zaporijjia, dont le directeur général Rafael Grossi « rendra compte au Conseil de sécurité de l’ONU ». 

La publication de ses conclusions survient au lendemain de la déconnexion du dernier réacteur en fonctionnement dans ce complexe. Une ligne électrique, reliée à une centrale thermique voisine, en a en effet « été délibérément déconnectée afin d’éteindre un incendie », a expliqué l’AIEA dans un communiqué. 

Selon l’opérateur ukrainien Energoatom, le feu « s’est déclaré à cause des bombardements ». 

Mardi, la vice-première ministre ukrainienne, Iryna Verechtchouk, a réclamé la mise en place d’un couloir humanitaire pour les civils souhaitant quitter la zone autour de la centrale. 

Après moult tractations, une délégation de l’AIEA avait pu inspecter jeudi dernier son site. M. Grossi avait ensuite dit à la presse avoir constaté que « l’intégrité physique » de ces infrastructures avait été « violée à plusieurs reprises ». 

La majeure partie de l’équipe internationale a quitté la centrale vendredi. Sur les six experts restés sur place, quatre sont partis lundi et deux autres devraient y rester de façon permanente.

Agence France-Presse
Le Devoir, 7 septembre 2022

mardi 6 septembre 2022

Jour 195 - Un référendum russe reporté en raison d’une riposte de Kiev


Les autorités d'occupation russe dans le sud de l'Ukraine ont évoqué lundi le report d'un référendum d'annexion prévu par la Russie, en pleine contre-offensive des forces ukrainiennes dans cette région. 

Kiev revendique des succès sur ce front en frappant en profondeur la logistique de l'armée russe dans la région de Kherson, occupée depuis mars. 

Moscou assure de son côté infliger de lourdes pertes à son adversaire. «Nous étions préparés au vote, nous voulions organiser le référendum très bientôt, mais du fait des évènements du moment, je crois que nous allons faire une pause», a déclaré à la télévision publique russe Kirill Stremooussov, chef adjoint de l'administration d'occupation régionale. 

Peu après, il a tempéré ses propos sur Telegram en revenant sur le terme de “pause”, mais en relevant que “tout ne va pas aussi vite” que prévu. Selon lui, “le référendum aura lieu quoiqu'il arrive”, mais la date ne peut être fixée. 

 Depuis des semaines, l'administration d'occupation des régions de Kherson et Zaporijia disait préparer des “référendums” pour rattacher ces régions à la Russie dès cet automne, un scénario déjà mis en œuvre en 2014 lors de l'annexion de la Crimée. 

Mais Kherson et sa région sont ciblées par une contre-offensive de l'Ukraine, qui affirme avoir reconquis du territoire, infligé des pertes aux Russes et désorganisé les lignes de ravitaillements en rendant inutilisables les principaux ponts de la zone, coupée du nord au sud par le fleuve Dniepr. 

Dimanche, un dépôt de munitions russe a été détruit, selon l'armée ukrainienne, à Tomyna Balka, localité à l'ouest de Kherson, tout comme un pont flottant près du village de Lvové et un centre de contrôle de l'armée russe au sud-est de Kherson.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait de son côté annoncé dimanche soir la reprise de “deux localités dans le Sud” et d'une dans l'Est, sans préciser leurs noms. Quant au renseignement militaire ukrainien (GUR), il a assuré lundi avoir détruit dans la région de Zaporijia un dépôt où étaient stockés des bulletins pour le “référendum” voulu par Moscou. 

 “Tous les ponts” sur le Dniepr de la région de Kherson “sont hors d'usage”, a dit la porte-parole du commandement Sud de l'armée ukrainienne Natalia Goumeniouk lors d'une conférence de presse, ajoutant que “trois ponts flottants” construits par l'armée russe avaient également été détruits. 

Le ministère russe de la Défense a de son côté affirmé infliger de lourdes pertes aux Ukrainiens “qui tentent de s'enraciner dans certaines zones” du sud. 

Tensions autour de la centrale de Zaporijia 
Le dernier réacteur en marche de la plus grande centrale nucléaire d'Europe, à Zaporijia (sud), au centre de toutes les préoccupations et où se trouvent des experts de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), a été lui débranché du réseau lundi, en raison de bombardements ayant provoqué un incendie, selon l'opérateur ukrainien Energoatom. 

Lundi soir, l’AIEA a précisé que la ligne électrique en question avait été “délibérément déconnectée afin d'éteindre un incendie”, mais qu'elle n'avait “pas été endommagée” et qu'elle devrait être reconnectée dès que possible. 

Deux experts de l'AIEA, arrivés la semaine dernière, sont toujours sur place. 

Dans son intervention quotidienne, le président ukrainien indiqué que le rapport de la mission de l’AIEA “devrait être publié demain” (mardi). “J'espère qu'il sera objectif”, a-t-il ajouté. 

Agence France-Presse 
Radio-Canada, 5 septembre 2022

lundi 5 septembre 2022

Jour 194 - En Allemagne, l’Ukraine réclame encore plus de soutien militaire



Le premier ministre ukrainien, Denys Chmygal, a appelé dimanche l’Allemagne à renforcer son soutien militaire à l’Ukraine, tout en reconnaissant les efforts déjà accomplis, lors d’un déplacement à Berlin qui tourne la page de récentes crispations entre les deux pays.

L’attitude longtemps louvoyante de l’Allemagne à l’égard de Moscou, à la suite du déclenchement de la guerre il y a six mois, et son manque initial de soutien militaire à Kiev ont profondément irrité le gouvernement de Volodymyr Zelensky. Mais les choses se sont améliorées depuis. 

La visite dimanche de M. Chmygal à Berlin, une première pour un responsable ukrainien de ce niveau depuis le début de l’invasion russe, symbolise cette détente. Le premier ministre « a remercié l’Allemagne pour son soutien militaire, financier, humanitaire et politique », tout en soulignant la nécessité de fournir à Kiev davantage d’équipements militaires lourds, selon un communiqué de ses services. 

« Les lance-roquettes MARS II et les [obusiers] Panzerhaubitze 2000, fournies par l’Allemagne, ont bien fonctionné sur le champ de bataille, et nous espérons augmenter l’approvisionnement en armes lourdes », a déclaré M. Chmygal, cité dans le communiqué. 

Il y a moins d’une semaine, le chancelier Olaf Scholz a souhaité que l’Allemagne assume une « responsabilité particulière » pour aider l’Ukraine à renforcer ses systèmes d’artillerie et de défense aérienne. « Nous espérons que l’Allemagne deviendra l’un des leaders dans le processus de développement de la défense aérienne [ukrainienne] », a fait écho dimanche son homologue ukrainien. 

L’Allemagne accueillera jeudi prochain une réunion, à l’initiative de Washington, des ministres de la Défense des pays alliés de l’Ukraine. Cette rencontre d’une quarantaine de pays, sur la base aérienne américaine de Ramstein (ouest), est destinée à organiser le soutien des capacités militaires ukrainiennes face à la Russie. 

En Russie, l’ex-président Dmitri Medvedev a accusé dimanche l’Allemagne de mener une « guerre hybride » contre la Russie, justifiant l’arrêt des livraisons de gaz à Berlin par son comportement « inamical » en plein conflit en Ukraine. 

« Premièrement, l’Allemagne est un pays inamical, deuxièmement elle a imposé des sanctions contre toute l’économie russe […] et elle livre des armes létales à l’Ukraine », a déclaré M. Medvedev dans un message publié sur Telegram. 

Mea culpa 
Denys Chmygal a également soldé dimanche une autre brouille récente entre Kiev et Berlin, en rencontrant le chef de l’État, Frank-Walter Steinmeier. M. Steinmeier, deux fois ministre des Affaires étrangères d’Angela Merkel, a longtemps soutenu une politique de détente avec la Russie, avant de faire son mea culpa en reconnaissant une erreur. 

Déclaré pour cette raison persona non grata par l’exécutif de Volodymyr Zelensky, il avait dû annuler une visite à Kiev mi-avril. L’Allemagne « continuera à se tenir de manière fiable aux côtés de l’Ukraine », a assuré M. Steinmeier au dirigeant ukrainien, selon la porte-parole du président allemand. 

Une conférence d’experts sur la reconstruction du pays, à laquelle doit participer notamment la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, se tiendra le 25 octobre à Berlin. Avant sa visite, Denys Chmygal avait constaté « les immenses progrès » faits par l’Allemagne dans son aide militaire à l’Ukraine, passée « des équipements de protection » à « l’artillerie ».L’Allemagne avait récemment promis de livrer à l’Ukraine de systèmes de défense antiaérienne Iris-T. Ce doit être fait « à l’automne », selon le premier ministre ukrainien. 

Autre symbole de cette nouvelle ère dans les relations bilatérales, l’arrivée prochaine d’un nouvel ambassadeur ukrainien à Berlin. Son prédécesseur, Andrij Melnyk, s’en est pris pendant des mois avec virulence à l’attitude jugée timorée de l’Allemagne face à la Russie. 

Après sa visite à Berlin, M. Chmygal est attendu lundi à Bruxelles pour présider avec le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, une réunion du conseil d’association UE-Ukraine, et participer à une conférence sur les crimes russes en Ukraine avec la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola.

En Ukraine, les autorités locales ont annoncé dimanche que les forces russes avaient continué depuis la veille à bombarder la région de Mykolaïv (sud), provoquant notamment la mort d’un enfant à la suite de l’effondrement de sa maison, et d’une femme, et faisant 6 blessés. Un bilan impossible à confirmer de source indépendante. 

Sur le front des exportations agricoles, stoppées par la guerre et qui ont repris récemment après un accord incluant les belligérants pour éviter les pénuries dans le reste du monde, 13 bateaux chargés au total de 282 500 tonnes de denrées ont quitté dimanche les ports ukrainiens en direction de 8 pays, a annoncé le gouvernement de Kiev. 

Céline Le Prioux 
Agence France-Presse 
Le Devoir, 4 septembre 2022

dimanche 4 septembre 2022

Jour 193 - Erdogan se propose comme médiateur à Zaporijjia



La centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia, occupée par l’armée russe, a « de nouveau perdu la connexion » au réseau électrique samedi, quelques heures après une proposition de médiation du président turc à son homologue russe dans cette crise. 

La déconnexion de la plus grande centrale nucléaire d’Europe, dans le sud de l’Ukraine, s’était déjà produite le 25 août. Elle est survenue « après de nouveaux bombardements dans la zone », selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), mais la centrale continue cependant à fonctionner « grâce à une ligne de secours » qui l’alimente, permettant ainsi le refroidissement du combustible nucléaire. 

 La dernière ligne encore en fonctionnement « a été endommagée », a expliqué l’AIEA, rappelant que les trois autres avaient été « perdues précédemment pendant le conflit ». « Du fait d’une capacité insuffisante pour deux réacteurs, le réacteur numéro 5 a été arrêté », a précisé l’opérateur ukrainien Energoatom dans un communiqué sur Telegram, imputant les frappes aux forces russes. Actuellement, le sixième réacteur marche », a-t-il ajouté. 

L’AIEA, dont six experts sont sur place, a confirmé : « Il produit de l’électricité pour le refroidissement [du combustible nucléaire] et d’autres fonctions de sécurité essentielles ». Une perte totale d’alimentation de la centrale — si le courant arrivant depuis l’extérieur est coupé et que les groupes électrogènes de secours ne fonctionnent pas — risquerait d’entraîner une surchauffe des installations, voire une fusion du coeur d’un réacteur, comme à Fukushima (Japon) en 2011.

Depuis des semaines, des bombardements visent régulièrement le site, dont s’accusent mutuellement la Russie et l’Ukraine, au risque d’une catastrophe nucléaire majeure. Les frappes et les combats se sont également poursuivis ailleurs en Ukraine samedi. 

Dans le Donbass (est) que convoite Moscou, principale ligne de front, « l’armée russe attaque dans les directions de Bakhmout et Avdiïvka », a indiqué l’armée ukrainienne dans un communiqué, faisant aussi état de « cinq frappes » de l’aviation ukrainienne près de Donetsk et Pivdenny. 

Dans le centre, des frappes russes ont tué un garçon de neuf ans et blessé gravement 10 personnes à Zelenodolsk, dans la région de Dnipropetrovsk (centre), selon les autorités ukrainiennes, qui ont également signalé des « bombardements intenses dans la région de Novgorod-Siversk » (nord), près de la frontière russe, avec « plus de 50 explosions », sans victime. 

Combats près de la centrale 
Plus tôt dans la journée, lors d’un entretien téléphonique, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a déclaré à son homologue russe, Vladimir Poutine, « que la Turquie peut jouer un rôle de facilitation sur la centrale nucléaire de Zaporijjia, comme elle l’a fait pour l’accord sur les céréales » en juillet, a indiqué la présidence turque dans un communiqué. 

Le Kremlin a confirmé une discussion entre MM. Poutine et Erdogan, indiquant qu’ils avaient confirmé vouloir « accroître leurs liens économiques et commerciaux », via « des projets stratégiques communs dans le domaine de l’énergie ».Le communiqué turc ne précise pas si Ankara a proposé formellement sa médiation à Kiev. 

La Turquie veut présenter une proposition prévoyant, comme elle l’avait fait pour l’accord sur les céréales, la création à Istanbul d’un bureau dédié au dialogue entre des organisations internationales, la Russie et l’Ukraine pour trouver un point d’entente sur la question du contrôle technique et des inspections de la centrale. La Turquie entretient de bonnes relations tant avec Moscou que Kiev.

En juillet, un accord entre la Russie et l’Ukraine obtenu après une médiation turque avait permis la reprise des exportations de blé ukrainiennes, entravées par le blocus maritime russe imposé à Kiev en mer Noire. La situation de la centrale de Zaporijjia, tombée aux mains Russes en mars, peu après le lancement par Moscou de son invasion de l’Ukraine, inquiète de nombreux dirigeants internationaux. 

Le ministère russe de la Défense a affirmé samedi que les troupes de Moscou avaient « repoussé » la veille une tentative d’assaut amphibie des forces ukrainiennes qui ont « encore une fois essayé de s’emparer » de la centrale. 

Vendredi, Kiev avait indiqué avoir frappé une base russe à Energodar, ville voisine de la centrale, d’où elle accuse la Russie d’avoir retiré ses armements avant son inspection jeudi par une équipe de l’AIEA. Après l’inspection, le directeur de l’AIEA, Rafael Grossi, avait dit jeudi que « l’intégrité physique » de la centrale avait été « violée à plusieurs reprises ». C’est « quelque chose qui ne peut pas continuer à se produire », avait-il ajouté, sans nommer la partie responsable. 

« Hiver de guerre » 
Sur le dossier, également épineux, du gaz, après l’annonce vendredi soir par le groupe russe Gazprom de la prolongation de la suspension de ses exportations à destination de l’Europe via le gazoduc Nord Stream, l’Union européenne a affirmé samedi être prête à une coupure totale du gaz russe. 

Dénonçant « l’utilisation extrême de l’arme du gaz par la Russie », le commissaire européen à l’Économie, Paolo Gentiloni, a indiqué que les stocks de gaz de l’UE sont actuellement abondés « à environ 80 % ». 

Selon Gazprom, Nord Stream, qui relie la Russie au nord de l’Allemagne, doit être « complètement » arrêté jusqu’à la réparation d’une turbine. Le groupe russe n’a pas précisé de date de reprise. L’annonce de Gazprom est tombée après la décision vendredi des pays du G7 de viser de plafonner le prix du pétrole russe. 

Vendredi, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait aussi estimé qu’« il serait temps » de plafonner le gaz russe. 

Signe de la gravité de la situation, la Suède, appréhendant un « hiver de guerre », a indiqué samedi qu’elle allait fournir des garanties financières aux entreprises énergétiques des pays nordiques et baltes, pour un montant de plusieurs « milliards de dollars », afin d’éviter une crise financière déclenchée par la pénurie énergétique en Europe.  

Là où la Russie ne peut pas le faire par la force et les armes ordinaires, elle utilise l’arme de l’énergie », a commenté le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, dans son allocution du soir, appelant les Européens à « plus d’unité » et à renforcer les sanctions contre Moscou.

Fulya Ozerkan  et Dmytro Gorshkov - Agence France-Presse 
Le Devoir, 3 septembre 2022