samedi 18 février 2023

Jour 360 - D’où vient le conflit, comment pourrait-il finir ?


Il y a un an, le 24 février, un peu après 6 h du matin à l’heure de Moscou, commençait l’invasion de l’Ukraine par la Russie. 

Mais est-ce bien le cas ? Cette guerre a-t-elle vraiment commencé à cette date précise ? 

« Je pense qu’on peut dire que cette guerre a vraiment débuté en 2014 », répond Charles-Philippe David, professeur de sciences politiques de l’UQAM, fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques. Il rappelle que la révolution de Maïdan en février de cette année-là a abouti à la destitution du président prorusse Victor Ianoukovitch, à la conquête de la Crimée par la Russie et à l’appui aux groupes autonomistes du Donbass, conflit qui a fait à lui seul 14 000 morts. « Les provinces de l’est de l’Ukraine sont de fait déjà en guerre factuellement depuis 2014 », résume-t-il. 

Olivier Schmitt, professeur de relations internationales au Centre sur les études de guerre de l’Université du Sud-Danemark, fait de l’invasion de la Crimée un tournant décisif. « C’est aussi un conflit de plus long terme qui se cristallise à partir de 2004, au moment de la révolution Orange en Ukraine, dit-il. À partir de ce moment, les Russes commencent à s’inquiéter et à se dire qu’il se passe quelque chose qu’ils ne contrôlent plus. Pour moi, le conflit débute donc en 2004 et bascule en guerre en 2014. » 

Les professeurs Schmitt et David ont codirigé La guerre et la paix. Approches et enjeux de la sécurité et de la stratégie (Presses de Sciences Po), somme incontournable en français maintenant à sa quatrième édition revue et augmentée. Le premier conflit en Europe depuis des décennies permet de mettre les théories à l’épreuve et de juger la pratique. 

« Comme beaucoup d’observateurs, j’ai été étonné : je pensais l’armée russe beaucoup plus compétente et l’armée ukrainienne moins efficace que ce qu’on a vu en réalité, dit M. Schmitt. Il ne faut pas non plus sous-estimer la capacité d’adaptation russe. Il ne faut pas tomber dans l’excès inverse en pensant que la Russie va perdre et a perdu cette guerre. » 

Une guerre néo-impériale 
De quoi est-elle faite, au fait, cette « opération militaire spéciale » ? De quel type de guerre s’agit-il ?

Le professeur David cite trois grandes catégories de conflits en se basant sur les caractéristiques définies par le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) et par The International Institute for Strategic Studies (IISS) de Londres : les conflits internationaux opposant deux États ; les guerres à l’intérieur d’un État entre factions armées ; et puis les guerres hybrides, internes et internationalisées. 

« La guerre en Ukraine se fait entre États, c’est clair : la Russie a envahi l’Ukraine, point, souligne le professeur québécois. On n’avait pas vu ça depuis longtemps, surtout pas en Europe. Il y a aussi un aspect international que je trouve intéressant. C’est une guerre interétatique avec une implication, un engagement international. » 

L’idée de la « guerre par procuration » (proxy war) des États-Unis ou de l’OTAN, agitée surtout par la Russie et des analystes antiaméricains acharnés, ne tient pas selon Charles-Philippe David. « Cette perspective a tout faux, indique-t-il. L’Ukraine a appelé à l’aide internationale pour pouvoir se défendre. On ne parle donc pas d’une victime instrumentalisée. » 

Olivier Schmitt propose plutôt d’examiner les enjeux politico-sécuritaires pour les pays occidentaux appuyant l’Ukraine. « On est très clairement dans un conflit de normes avec la Russie, mais on n’est pas en train de se battre avec la Russie », dit-il, en parlant d’une guerre « fondamentalement néo-impériale ». 

Pour lui, la Russie cherche à « rétablir une sphère de domination dans son étranger proche », ajoute-t-il, en reprenant la vieille formule pour décrire les ex-républiques soviétiques (les Pays baltes, la Moldavie, la Biélorussie, etc.). « Voyant que l’Ukraine voulait sortir de cette sphère d’influence et était attirée de plus en plus par un modèle démocratique libéral, elle a décidé de contraindre ce pays. C’est une menace existentielle pour le modèle autocratique basée sur des valeurs conservatrices que veut représenter la Russie. » 

Son collègue québécois propose des rapprochements avec les anciens rapports entre le centre et la périphérie de l’Empire soviétique. « Je pense que Poutine s’est réincarné en Leonid Brejnev en 1968 ou tel un Nikita Krouchtchev en 1956. Il s’est dit : comme l’URSS a envahi la Tchécoslovaquie et la Hongrie, je peux envahir l’Ukraine et faire tomber le régime pour des raisons de sécurité. C’est une copie carbone. Il était convaincu qu’il pouvait changer le régime de Kiev en un claquement de doigts, en quelques jours. » 

Un enlisement [...] 
Pour lire la suite et l’article en entier, 

Stéphane Baillargeon
Le Devoir, 18 février 2023

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