lundi 3 février 2014

La question du lundi




Dans nos environnements bruyants, nous sommes si éloignés du silence que nous sommes continuellement portés à le fuir. Même dans les moments de calme et de repos, nous allumons la radio ou la télé.  Recherchez-vous le silence ou avez-vous pris l'habitude de le remplir de bruits ? C’est la question du lundi : quelle place accordez-vous au silence dans votre vie ? À lire, un article éclairant.

Apprivoiser le silence
Article publié dans Psychologies.com, décembre 2012

Besoin de calme et d’isolement ? Dans un environnement saturé de stimulations sonores, l’absence de bruit peut pourtant provoquer l’ennui ou nous renvoyer à des angoisses profondes. Un peu de silence, oui, mais à conquérir à pas feutrés.

Dans The Artist, ce "silent film", comme disent les Américains, que l’on ne présente plus, une scène est particulièrement troublante. Un tonnerre d’applaudissements salue George Valentin (alias Jean Dujardin), mais nous n’entendons ni claquements de mains ni bravos, ce qui provoque en nous la sensation étrange d’être décalés, isolés de cette salve d’enthousiasme. « Le bruit construit un paravent permettant le retrait hors du monde, explique l’anthropologue David Le Breton. La muraille sonore érigée par le baladeur isole d’un monde difficile à saisir en donnant une sécurité provisoire, un sentiment de contrôle sur l’environnement. À l’inverse, le silence est une cristallisation de la durée, un temps arrêté ou infiniment lent ouvert à la sensorialité du corps humain. » « Il renvoie à l’inconnu tel un écran blanc », confirme la psychanalyste et psychothérapeute Marie Romanens, auteure avec Patrick Guérin de Pour une écologie intérieure (Payot, 2010).

L'angoisse du vide
Pour les scientifiques, le silence est un son à zéro décibel qui n’existe pas en dehors des chambres acoustiques. Même en haute montagne, un souffle d’air imperceptible fait grimper les décibels à dix. Cela est d’autant plus vrai que notre propre corps émet en permanence des sons que nous percevons plus ou moins consciemment : gargouillis, respiration forte, battements de cœur en cas d’angoisse ou d’effort physique. Même lorsque nous lisons dans notre tête, la clameur des mots résonne en nous. « Le silence relève d’une sensation subjective puisque notre ouïe est stimulée en permanence », précise Mireille Tardy, ORL et phoniatre de l’association Journée nationale de l’audition (JNA). Il parle à l’imaginaire et peut renvoyer soit à la représentation paisible du monde subaquatique, soit à celle, terrifiante, d’une cave isolée. Ce à quoi Emmanuelle Laborit, sourde de naissance, rétorque : « Mais c’est bruyant de sensations une cave ! » Et la comédienne de préciser qu’elle « l’entend » comme un lieu plein d’odeurs et d’humidité. Pour elle, le silence serait d’« avoir les yeux fermés, les mains paralysées, le corps insensible, la peau inerte. Un silence du corps », écrit-elle dans Le Cri de la mouette (Pocket Jeunesse, 2003).

Au fond, c’est parce qu’il nous prive de nos repères sonores qu’il fascine, intimide ou effraye. Dans nos sociétés modernes, le silence nous alerte. Il est celui « de la panne, de la défaillance de la machine, de l’arrêt de transmission », note David Le Breton. Un espace vide qui inquiète, au point que le chuchotement ou le mutisme deviennent immédiatement suspects : que cherche-t-on à me cacher ? Pourquoi ce silence ? Que traduit-il_  Depuis l’enfance, Emmanuelle Laborit associe le bruit à la lumière et aux couleurs, tandis que le silence est noir comme la nuit, ce moment où elle ne pouvait pas communiquer avec ses parents.

Silence et intériorité
Certains supportent mal la tranquillité d’une maison de campagne quand d’autres utilisent la télé comme une berceuse pour s’endormir. « Ce bruit de fond rassure en reprenant la façon dont notre entourage s’adressait à nous lorsque nous étions petits : une voix douce, un tempo régulier, des mots répétitifs », remarque Mireille Tardy. « L’absence de sons nous confronte à notre intériorité, et beaucoup craignent ce qui peut en émerger : colère, tristesse, frustrations… poursuit Marie Romanens. Cela renvoie à nos peurs archaïques, au sentiment d’insécurité de base, à la solitude, à l’abandon, à la finitude. Cela peut générer une véritable angoisse d’anéantissement pour ceux qui n’ont pas connu une mère “suffisamment bonne” », selon l’expression du pédiatre et psychanalyste britannique Donald Woods Winnicott. C’est d’ailleurs ce face-à-face inconfortable avec le silence qu’utilise la psychanalyse pour accéder à l’inconscient, libérer la parole et nous conduire sur le chemin de l’autonomie psychique.

Les risques de la fatigue auditive
Outre la psyché, l’organisme aussi a besoin de silence pour que ses fonctions soient optimales. « Une nuit à moins de trente-huit décibels permet au métabolisme de bien fonctionner et lui apporte le véritable repos. Exposé à soixante décibels, le sommeil n’est plus réparateur, ce qui peut générer à la longue de l’hypertension, des gastrites liées au stress auditif, de l’irritabilité, des troubles de la mémoire et de l’attention, observe Mireille Tardy. On ne peut pas pour autant parler d’insomnie ! » La solution ? Mesurer le volume sonore de la chambre pendant la nuit et installer, si besoin, des doubles vitrages, ou dormir avec des boules Quies. De jour, la fatigue auditive se manifeste par une impression d’avoir du coton dans les oreilles. Le médecin recommande alors de porter immédiatement des bouchons pendant vingt à trente minutes, surtout après deux heures d’exposition à plus de quatre-vingt-dix décibels (cris, rue en travaux, fort trafic automobile, discothèque…).

De la vie dans le silence
Aimez-vous le silence ? Faites le test pour le découvrir !
Si l’accoutumance au bruit se fait malgré nous – pour preuve, les riverains des gares ou aéroports qui finissent par ne plus entendre les trains ou les avions –, apprivoiser le silence demande un entraînement progressif.
Se balader dans un jardin ou en forêt, entrer dans une église, limiter le volume de son MP3, passer moins de temps devant la télévision ou dans les grands magasins, se boucher les oreilles à l’arrivée du métro, pratiquer le qi gong ou le tai-chi… L’essentiel est de ponctuer notre paysage sonore de temps de récupération, tels les pauses et les soupirs d’une partition musicale. Et d’écouter les sons non agressifs qui nous entourent. Déceler le chant d’un oiseau, le tic-tac d’une horloge, le craquement d’une armoire en bois et même le frottement de notre pantalon… Il y a de la vie dans le silence !

Développer cette acuité réduit l’anxiété, gomme le sentiment de solitude et confère un caractère sacré à ces moments de dépouillement. Cela permet de se retrouver soi. Nous pouvons aussi nous taire plus souvent en compagnie d’autrui, afin que mûrissent, en lui comme en nous, des réponses plus élaborées. Enfin, n’oublions pas l’incessant bavardage intérieur qui soûle nos pensées. La méditation apprend à ne plus y prêter attention pour accéder au silence intérieur. Sans doute le plus épanouissant.


4 commentaires:

  1. J'ai toujours besoin d'un petit moment de silence dans ma journée. Un moment où je fait l'introspection de ma journée, de ce que j'ai fait, aimé et moins aimé. Un moment aussi de méditation.

    Je n'ai aucun mérite rien parce que ces moments là je le retrouve en pratiquant mon yoga.

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  2. Bonjour Puce,
    J'ignorais que tu faisais du yoga. C'est effectivement un moment
    de calme et d'apaisement qui se fait dans le silence.
    Et qui apporte un équilibre à nul autre pareil.
    Merci d'être passée, bon lundi!

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  3. Bonjour Rachel,

    Le silence et moi, nous faisons bon ménage. Enfin disons que j'accepte volontiers les bruits de la nature. Mais ma tolérance n'est pas très forte pour la musique qui nous est imposée, les bruits d'usine, de ville, etc. Et de plus en plus, j'ai une tolérance zéro pour les personnes qui parlent tout le temps. Et quand elles parlent tout le temps et d'argent en plus, ben là c'est le bouquet....! Je suis une mordue de musique classique, mais je choisis de la musique qui respecte mon silence.

    Bonne journée à toi,

    Agathe

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  4. Bonjour Agathe,

    Comme toi, tolérance zéro pour les musiques qu'on nous impose, par exemple dans des films américains, et je suis de moins en moins patiente vis-à-vis des personnes qui parlent pour ne rien dire.
    Contente que tu parles de musique classique, car elle nous amène souvent à une autre forme de silence, celle d'une harmonie sans paroles.

    Merci d'avoir ajouté ta réponse, c'est un plaisir de te lire, bonne journée paisible!

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