La faim justifie les moyens
La semaine a été
dure pour le chat de la maison, il n’est pas sorti depuis la première chute de
neige et s’est querellé avec son meilleur ami. Cet enfermement volontaire l’a
laissé dépité et grincheux. Assis à côté de son bol bien rempli, il m’a
regardée avec des reproches dans les yeux :
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Encore des satanées croquettes !
Sans
me préoccuper de lui, j’ai continué à apprêter le poulet que nous allons
déguster ce soir et, les deux mains sur la poitrine de l’oiseau, j’ai senti craquer
ses os; je n’avais plus qu’à l’aplatir au fond de la rôtissoire.
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Vous mangez encore de la viande ! s’est indigné le chat.
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Oui, un poulet rôti en crapaudine, ça sentira bon dans la maison.
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Tu n’as pas honte de maltraiter ce pauvre poulet ?
C’est
le genre de provocation auquel j’ai droit quand le chat de la maison est d’une
humeur de chien. Parce qu’il ne mange que des croquettes, il se croit
végétarien et passe continuellement des remarques sur nos menus de viande. Tout
en introduisant du pesto à la coriandre et aux pistaches entre la peau et la
chair des cuisses, j’ai répondu, un brin contrariée :
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Non, je n’ai pas honte. Un seul repas de viande par jour, c’est déjà mieux que
la moyenne des gens, tu sais.
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Tandis que moi, je n’ai droit qu’à de méprisables croquettes.
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Que le vétérinaire t’a prescrites pour que tu demeures en bonne santé, ai-je
ajouté sur un ton de directrice de garderie.
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Qu’est-ce qu’il en sait, le vet ? Qu’est-ce qu’il connaît de mes besoins et de
mes goûts ?
Silence
prudent de ma part. Mais le chat était crinqué :
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Est-ce que ce vétérinaire est un chat ? Est-ce qu’il mange des croquettes, lui
?
Devant
son air aigri, j’ai éclaté de rire avant de lui répondre.
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Non, mais il t’a guéri d’une grave maladie quand tu étais très jeune et nous a
conseillé de te nourrir ainsi. Ce qui t’a très bien réussi, je trouve : tu
es en excellente santé. D’ailleurs, tu les aimes bien, tes croquettes, non ?
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Bof, c’est parce que vous ne me donnez rien d’autre que je les mange. Mais
quinze ans de ce régime-là, c’est une éternité. Je me demande ce que vous
feriez à ma place, vous qui aimez tant varier vos menus…!
Évidemment,
il a marqué un point, je me sens coupable de le nourrir aussi platement. Mais
je sais, pour en avoir connu d’autres avant lui, que les chats à qui on offre
des petites gâteries deviennent capricieux et nous mènent ensuite à la
baguette. Je fais allusion à Galaxie qui n’a jamais voulu avaler d’autres
aliments que des foies de poulet crus, et qui a vécu jusqu’à l’âge vénérable de
18 ans.
Tout
en continuant à farcir mon poulet, j’ai songé que Messidor n’est pas éternel,
qu’il ne lui reste plus beaucoup d’années à vivre avec nous, que je devrais
peut-être me montrer plus conciliante avec lui, moins enfermée dans mes
principes. Toute à mes contrariantes pensées, c’est machinalement que je me
suis lavé les mains quand il m’a demandé la porte; je suis allée lui ouvrir
sans même m’étonner qu’il soit déjà dehors. J’ai ensuite nettoyé le comptoir
avant de me demander ce que je servirais pour accompagner le poulet.
C’est
vrai, me suis-je dit, Messidor a beaucoup vieilli cette année, il est devenu
casanier, il passe des heures à dormir, et il semble avoir très mal quand il
grimpe l’escalier, parfois très péniblement. Tiens, un gratin de pommes de
terre, ça fait longtemps, mon goûteur sera ravi. Et des endives braisées, il
adore ça aussi.
Par
la fenêtre, j’ai aperçu un junco ardoisé se poser sur une branche. Puis, un
autre et un autre encore. Et quelques minutes plus tard, alors que je
m’extasiais sur leur vivacité et la beauté de leur plumes d’un gris duveteux,
j’ai entendu le petit cri que pousse le chat de la maison quand il attrape un
oiseau, un cri étrange et déchirant, semblable à un cri de douleur.
Je
suis allée à la porte et l’ai vu à travers la vitre, qui tenait dans sa gueule
le petit oiseau tout frétillant. Messidor était encore en position d’attaque,
les pattes arrière dressées, celles de devant allongées devant lui dans la
neige.
Il
m’a aperçue et j’ai cru voir dans ses yeux une lueur de triomphale vengeance.
Mais
c’était sans doute encore de ma part la manie que j’ai de lui prêter des
caractéristiques humaines. Alors je me suis dit, comme pour me déculpabiliser d’être
si dure avec lui : j’ai donc bien fait d’apprendre à chasser à mon chat !
bonjour Messidor et Rachel,
RépondreSupprimera nos amis les chats, Messidor a eu sont repas de viande fraîche se matin hihiihhi,il vous a bien eux ,un vrais carnivore a ses heures,mais je me demande si il y a pas de la viande dans ses croquettes? sac a puce est bien difficile elle aussi,elle ne mange qu'une sorte,mais bon pour le peu de temps qu'il sont avec nous il ont bien droit d'avoir le choix que ont leur donne;)
bone journée avec vos amours
Bonjour Rejj,
RépondreSupprimerBien sûr qu'il y a de la viande dans ses croquettes et, je le suppose,
toutes sortes de cochonneries. Mais sais-tu ce qui attire le plus Petit Messie?
C'est le pain. Tu devrais le voir le matin attendre son assiette de miettes.
Mais chut, tout ce que j'écris à son sujet n'est pas forcément la réalité, tu
dois bien t'en douter.
Merci d'être passé et bon dimanche!
Quel beau texte ce matin. Monsieur Victor réagit de la même façon, il mange ses croquettes mais nous regarde souvent en voulant nous dire qu'il prendrait bien un peu de notre repas.
RépondreSupprimerFaut pas, faut pas dit le vet, Monsieur a des allergies alimentaires et son régime est strict. Je lui permets cependant quelques croûtes de rôties (sans beurre) 2-3 fois par semaine. Il se régale alors et me fait sentir mon coupable de son régime plate.
Bonjour Petit Messie