dimanche 12 mai 2013

Jour de fête !


Ces petites tasses aux teintes douces et aux motifs délicats, ma belle-maman les conservait dans une armoire vitrée et les réservait aux jours de fête. Cette fière dame qui m'a offert deux de ses précieuses tasses aura 101 ans le mois prochain. Bonne fête, belle-maman !


Les tasses de thé
Chronique de Stéphane Laporte publiée dans La Presse, le 11 mai 2013

« C’est le dimanche de la fête des Mères 1970. On fête maman, ou plutôt maman se fête. Elle a tout fait le repas, de l’entrée jusqu’au dessert. Et nous l’a servi, comme elle nous le sert tout le temps, jours ordinaires ou jours anniversaires.

Elle arrive avec le gâteau qu’elle place devant elle. Nous, on a juste à chanter bonne fête maman. Ma mère souffle la chandelle et mon père s’allume une cigarette, en disant : Je prendrais bien un café...

Ma mère se lève pour faire bouillir de l’eau, puis elle s’approche de l’armoire vitrée au bout de la table :  Quelqu’un veut du thé ? Mes tantes disent oui, ma soeur aussi. Et moi de même. Normalement, je bois du lait. Sauf les soirs de fête, parce que les soirs de fête, on a droit aux tasses spéciales.

Dans l’armoire vitrée, il y a le trésor de ma mère : ses tasses de fantaisie.
Elle a reçu la première de mon oncle André et de ma tante Louise, lors de ses fiançailles avec mon père. Puis ses amies lui ont donné les autres, en cadeau de mariage. Il y en a une bonne douzaine. Des tasses en porcelaine anglaise, ornées de motifs de fleurs, venant de chez Birk’s. Tout ce qui est doré sur la tasse est en fines feuilles d’or, parole de maman.

Elles ne valent pas une fortune. Loin de là. Elles valent mieux que ça. Elles valent l’attention qu’on leur porte. Parce que ma mère les trouve belles.

D’habitude, elles sont si précieuses qu’elles servent de décorations.
Mais ce soir, on peut boire dans les décorations. Wow ! J’ai ma préférée, c’est celle avec une grosse rose dessus, et tout plein d’or autour. Le thé qu’on y verse est le même que les jours gris, sauf qu’on dirait qu’il goûte meilleur. Il faut le boire avec délicatesse, en tenant la tasse par l’anse élégamment. Ma mère m’a montré comment.
Mon père est déjà en train de faire la vaisselle. On n’a pas fini notre dernière gorgée, qu’il nous ravit notre tasse. Ma mère s’interpose :  Laisse Bertrand, je vais les laver moi-même, plus tard. Elle ne veut pas qu’il les brise. Mon père n’est pas très délicat. Il est plus plastique que porcelaine.

Ma mère en a pris grand soin de ses tasses. Pas autant que de nous, mais presque. Elles ont traversé le temps.

Il y a huit ans, quand j’ai présenté ma Marie-Pier à ma mère, c’était un soir de mars frisquet, comme tous les autres. Il n’y avait que ma soeur, ma mère et nous deux, autour de la grande table, mon frère faisant médecin au Nouveau-Brunswick et mon père fumant au ciel. À la fin du repas, ma mère s’est levée et a dit à ma blonde :  Je suis tellement contente de te connaître, je vais sortir mes belles tasses. Et soudain, ce fut la fête.

Ces petites tasses qu’on dirait sorties d’un service de poupées, c’est la coupe Stanley de ma mère. Le symbole de toutes les fêtes réussies, vécues chez nous, dans la maison familiale. Ç’avait beau être Noël, les Rois, la St-Valentin, Pâques, l’Ascension, la fête des Mères, la fête des Pères la Saint-Jean, la fête du Travail, l’Action de grâce, la Sainte-Catherine, la fête des parents, la fête des enfants, la fête des amis des enfants, la fête des blondes et des chums des enfants, la fête des enfants des enfants, c’était toujours ma mère qui recevait. On n’allait jamais au restaurant. C’était toujours à la maison. Des plats faits avec amour, ça ne se trouve pas ailleurs. Parce que c’est là qu’il est l’amour. Ma mère passait ses journées à tout préparer, à tout cuisiner, à tout installer. Et ses soirées à tout servir, à tout ramasser.

Ne la plaignez pas, ça lui manque tellement.
Aujourd’hui, ma mère n’a plus la force de recevoir. Elle va avoir 90 ans dans deux semaines. Elle fait sa dialyse rénale 4 fois par jour à domicile. Les fêtes, c’est ma soeur, ma belle-soeur et ma blonde qui s’en occupent. Le mâle dans ma famille n’est pas très Louis-François Marcotte. La seule sortie de ma mère, c’est venir chez moi, célébrer de temps en temps.

Elle est venue il y a quelques semaines, lors de l’anniversaire de Marie-Pier. Elle lui a donné, en cadeau, quatre tasses de sa collection. Pas des répliques. Les vraies. Celles de mon enfance. Dont la grosse rose bordée d’or. Ma blonde a fait installer dans la salle à manger une toute petite armoire vitrée pour les mettre. Pour que ces tasses décorent les petits jours et abreuvent les grands soirs.

Demain, ma mère vient se faire fêter. Marie-Pier va tout préparer. Et au dessert, c’est certain, on va boire notre thé dans les tasses en porcelaine anglaise. Et on trinquera à tous les repas que ma mère a servis. Jours de fête et jours d’ouvrage. Avec ou sans les feuilles d’or, le temps les a tous rendus spéciaux. Parce qu’ils ne reviendront jamais.
Bonne fête des Mères à toutes les mamans ! »

6 commentaires:

  1. rejj

    bonjour Messidor et vous toute les amies
    ou maman se matin comme toute les matins

    ha le bon vieux temps ou les femmes préparais tous sent dire un mot hihihihi

    bon ok je passe pas souvent mais je suis sur que vous allez vous reppeler de moi

    bonne fête les maman les autres aussi vous le mérité bien

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  2. Bonjour Rejj,

    Un plaisir rare que tu nous fais, on le prend donc comme un cadeau.
    Oui, même quand c'était leur fête, nos mères s'occupaient de tout...

    Les temps changent, c'est vrai, mais la générosité des mères, elle, ne change guère...

    Merci d'être passé et d'avoir aussi pensé aux autres...

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  3. Bonjour Messidor, un gros coucou Rejj, contente de te lire ce matin,

    Quel beau texte ce matin, Messidor. Il y a beaucoup de souvenirs dans le fond de ces tasses. J'en ai une douzaine environ, que je conserve dans mon armoire vitrée, et moi aussi, je les sort les journées de fêtes.

    C'était une coutume chez moi et je la perpétue avec les enfants. Un jour je passerai le flambeau à mes filles mais pour l'instant je les garde précieusement.

    Bonne fête des Mères à toutes celles qui passeront ainsi qu'à toi Messidor (maman de coeur).

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  4. Bonjour Puce,

    Bonne fête à toi, une coutume certainement encore vivante
    dans bien des foyers québécois.
    (Merci pour le clin d'oeil, maman de coeur, oui, c'est bien moi.)

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  5. J'arrive ce soir et je vous lis, après avoir lu ce si beau texte....

    J'ai tout comme Puce ce genre de petites tasses spéciales que mon chum m'as fait une étagère très décorative justement pour les exposer....

    Et je bois dedans seulement dans des moments spéciaux...
    Et mon thé ou café est toujours plus délicieux qu'à la normale...
    Car même si je bois exclusivement et seulement dans de petites tasses ...
    Lorsque je bois dans ces petites tasses, c'est pour moi encore meilleur!

    Et je suis bien fière de savoir que je vais pouvoir monter en haut cette étagère si belle digne de recevoir ces si belles tasses

    Merci.

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  6. Coucou Jo,

    C'est bien vrai que tout est meilleur dans ces petites tasses délicates,
    peut-être parce qu'elles ne servent qu'à des occasions particulières...

    Je t'en souhaite une pour bientôt!

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