Chronique d’Antoine
Robitaille publiée le 18 février 2013 dans Le Devoir
Nombre de «grands lecteurs» en baisse -
Disparition
évitable
Le constat que le
romancier fait est confirmé dans certaines études sur les pratiques culturelles
au Québec. En 2004, un rapport mettait en relief la « diminution des grands
lecteurs au profit des petits lecteurs. En outre, cette progression de la lecture
de livres n’est pas le fait des jeunes générations, mais des plus âgées ».
Philip Roth a déjà
soutenu qu’il y a même là un risque d’extinction pour le roman. Le patient
tueur, on le connaît : l’ère numérique, qui a bien des qualités, mais qui propage
le virus du « déficit d’attention ». C’est une ère de dispersion, de
papillonnage, de messages surgissants, d’alertes, etc. Autant dire un complot
contre les longues heures de concentration qu’exige le roman. L’essai aussi, en
passant, nécessite cette ascèse. Le véritable essai. Non pas la juxtaposition
de textes proposée le plus souvent par les universitaires de cette même époque
distrayante. Tout le monde est atteint par le mal ; même - ou plutôt surtout -
les professionnels de la pensée. Comme ceux de l’information : nous ! (Il faut
lire à ce sujet l’intéressante interview de Québec Science avec Nicholas Carr,
« Internet menace l’intelligence ».)
Les optimistes
diront qu’une autre culture, nouvelle, émerge, « non linéaire », multitâche,
qui vaut bien l’ancienne. Tout n’est certainement pas perdu en effet. Le
catastrophisme et l’annonce de la fin du monde sont des postures courantes
parce que commodes. Il y a assurément des avantages au monde culturel en
devenir.
Rien, du reste, ne
nous oblige à tout relativiser. Et rien ne nous empêche de réagir pour contrer
les défauts qui semblent se développer. Car rien n’est inéluctable dans
l’évolution culturelle. A-t-on vraiment besoin de dire quelles richesses
seraient perdues si les grands lecteurs disparaissaient de nos sociétés ? Ces «
têtes bien faites » habituées à suivre de longs récits, des démonstrations
complexes et exigeantes.
À l’école, des
voix se font entendre : ce ne sont pas les tableaux qu’il faut rendre «
intelligents », ce sont les jeunes ! Des « plans d’action » de découverte de la
lecture et d’incitation à la lecture sont mis en place, et c’est tant mieux. Là
où il n’y en a pas, il faut que les parents en réclament. On doit aller plus
loin. Le souci pour la malbouffe est omniprésent à l’école. À quand la
préoccupation pour la « malculture » ?
En cette ère où
l’on prône l’activité physique, il faudrait développer une conception de la
lecture comme un entraînement pour un marathon. Commencer par des « 2 km » de
lecture ; puis des 5, des 10, des 21, et enfin des 42 ! Au premier cycle
universitaire, des initiatives de retour à la lecture patiente et exhaustive se
développent et doivent être encouragées. Un exemple : le Certificat sur les
oeuvres marquantes de la culture occidentale à l’Université Laval qui vise à «
transformer l’effort de lecture en véritable expérience de connaissance ».
Si vous vous êtes
rendu en bas de ce texte, il y a des chances que vous soyez une grande lectrice
ou un grand lecteur. Ceux qui se reconnaissent dans cette étiquette devraient
peut-être former des clubs, des groupes, afin de s’entraider, s’entraîner.
Qu’en pensez-vous ?
que de vrais
RépondreSupprimermoi qui lisait ne li presque plus
bon *lépouse* ne veux plus que j'achète le Play-boy
pourtant de bon arctique sur les voitures
rejj ;)
Ah, pauvre Rejj,
RépondreSupprimerOn te prive de lectures distrayantes.
Je n'ose dire nourrissantes, je n'en ai jamais
lu, un seul.
Je compatis donc à demi.
Bonne soirée !