lundi 25 février 2013

L'ère numérique, un patient tueur...?





Chronique d’Antoine Robitaille publiée le 18 février 2013 dans Le Devoir

Nombre de «grands lecteurs» en baisse - 
Disparition évitable

« Le nombre des vrais lecteurs, ceux qui prennent la lecture au sérieux, se réduit. C’est comme la calotte glaciaire », a lancé le romancier américain Philip Roth, dans une interview au Monde reprise dans nos pages vendredi dernier. Inquiétant, le phénomène n’a cependant rien d’inéluctable.

Le constat que le romancier fait est confirmé dans certaines études sur les pratiques culturelles au Québec. En 2004, un rapport mettait en relief la « diminution des grands lecteurs au profit des petits lecteurs. En outre, cette progression de la lecture de livres n’est pas le fait des jeunes générations, mais des plus âgées ».

Philip Roth a déjà soutenu qu’il y a même là un risque d’extinction pour le roman. Le patient tueur, on le connaît : l’ère numérique, qui a bien des qualités, mais qui propage le virus du « déficit d’attention ». C’est une ère de dispersion, de papillonnage, de messages surgissants, d’alertes, etc. Autant dire un complot contre les longues heures de concentration qu’exige le roman. L’essai aussi, en passant, nécessite cette ascèse. Le véritable essai. Non pas la juxtaposition de textes proposée le plus souvent par les universitaires de cette même époque distrayante. Tout le monde est atteint par le mal ; même - ou plutôt surtout - les professionnels de la pensée. Comme ceux de l’information : nous ! (Il faut lire à ce sujet l’intéressante interview de Québec Science avec Nicholas Carr, « Internet menace l’intelligence ».)

Les optimistes diront qu’une autre culture, nouvelle, émerge, « non linéaire », multitâche, qui vaut bien l’ancienne. Tout n’est certainement pas perdu en effet. Le catastrophisme et l’annonce de la fin du monde sont des postures courantes parce que commodes. Il y a assurément des avantages au monde culturel en devenir.

Rien, du reste, ne nous oblige à tout relativiser. Et rien ne nous empêche de réagir pour contrer les défauts qui semblent se développer. Car rien n’est inéluctable dans l’évolution culturelle. A-t-on vraiment besoin de dire quelles richesses seraient perdues si les grands lecteurs disparaissaient de nos sociétés ? Ces « têtes bien faites » habituées à suivre de longs récits, des démonstrations complexes et exigeantes.

À l’école, des voix se font entendre : ce ne sont pas les tableaux qu’il faut rendre « intelligents », ce sont les jeunes ! Des « plans d’action » de découverte de la lecture et d’incitation à la lecture sont mis en place, et c’est tant mieux. Là où il n’y en a pas, il faut que les parents en réclament. On doit aller plus loin. Le souci pour la malbouffe est omniprésent à l’école. À quand la préoccupation pour la « malculture » ?

En cette ère où l’on prône l’activité physique, il faudrait développer une conception de la lecture comme un entraînement pour un marathon. Commencer par des « 2 km » de lecture ; puis des 5, des 10, des 21, et enfin des 42 ! Au premier cycle universitaire, des initiatives de retour à la lecture patiente et exhaustive se développent et doivent être encouragées. Un exemple : le Certificat sur les oeuvres marquantes de la culture occidentale à l’Université Laval qui vise à « transformer l’effort de lecture en véritable expérience de connaissance ».

Si vous vous êtes rendu en bas de ce texte, il y a des chances que vous soyez une grande lectrice ou un grand lecteur. Ceux qui se reconnaissent dans cette étiquette devraient peut-être former des clubs, des groupes, afin de s’entraider, s’entraîner. Qu’en pensez-vous ?

2 commentaires:

  1. que de vrais
    moi qui lisait ne li presque plus

    bon *lépouse* ne veux plus que j'achète le Play-boy
    pourtant de bon arctique sur les voitures

    rejj ;)

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  2. Ah, pauvre Rejj,
    On te prive de lectures distrayantes.
    Je n'ose dire nourrissantes, je n'en ai jamais
    lu, un seul.
    Je compatis donc à demi.
    Bonne soirée !

    RépondreSupprimer

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